Dépouillement


Dans la chapelle de l’hôpital

Passent des hommes et des femmes

Discrets, serrant des voeux scellés

Entre leurs mains ferventes

Laisser descendre en soi des mots

Plus profonds, plus calmes et plus lents

Que les tourbillons,

Cailloux posés sur le fond des rivières

Sur la pierre nue déposer sa peur

Une religieuse en habit brun

Vient rafraîchir les fleurs

Posées devant l’autel

Elle s’agenouille pour arranger le bouquet

De lys, marguerites et roses

Puis repart sans un bruit

Laissant rayonner la splendeur

Toute petite lumière

Minuscule bougie

Une pièce tombe avec un bruit sec dans le tronc

Pour qui sont ces prières ?

Je pense à celle que je ne veux pas perdre

A ceux que j’ai perdus

Puis je ne pense plus

Dehors dans la cour un pigeon se réchauffe sur les dalles tièdes

A moins qu’il ne soit blessé ?

De jeunes infirmières et des brancardiers

Se dépêchent de fumer leur cigarette

En buvant du café

J’aurais l’élan d’embrasser ces anges de la première ligne

En leur criant ma gratitude

mais avec mon corps couvert

De fils et de capteurs

Le contact aurait de quoi les surprendre

Alors je vais au kiosque et j’achète les journaux

En face de l’hôpital il y a l’un des meilleurs boulangers de Paris

Je crois qu’il vient de Tataouine

Il fait beau

Le croissant croustille

Je sors

Mes bras s’étirent

Comme pour cueillir un fruit

Haut dans la lumière

Où mûrit le soin

Juin-août 2024

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