Archives de Catégorie: Intelligence collective

La vie d’après, suite : l’inventaire


Célébrons et respectons les soignants

J’aime bien cette idée de célébrer les soignants par une grande manifestation collective lorsque ce sera possible, MAIS pour que ce ne soit pas une insulte à leur sacrifice, certaines conditions devront être remplies :


1. Une preuve d’humilité de nos gouvernants et autres experts sous forme de Retour d’EXpérience. Il ne s’agit pas de punir des individus mais de démonter entièrement, pièce par pièce, le “moteur décisionnel” clairement défectueux qui a amené les responsables à prendre de mauvaises décisions depuis 2012 (et pas seulement depuis janvier). Cette analyse impitoyable devra inclure le comportement du Président du Sénat et le Président de l’association des Maires de France et tous ceux qui menaçaient de hurler à la dictature en cas de report des élections municipales. Je préfère l’application du principe de responsabilité systémique (la chaîne d’actions et d’interactions) à celui, trop facile, du bouc émissaire

2. Une remise à plat de notre système de santé et de son financement. Là encore, les Français doivent être invités à cette réflexion collective dans un format responsabilisant tel que celui de la Convention Citoyenne pour le Climat. Puisque tout ne pourra pas être financé, les décisions devront être prises et assumées ensemble.

3. L’Agilité, basée sur la confiance et la responsabilisation, doit remplacer les procédures hiérarchiques descendantes qui contraignent aujourd’hui les soignants à passer plus de temps devant leurs ordinateurs qu’auprès de leurs patients. Dégager du temps pour le soin, l’écoute, implique d’alléger autre chose, ailleurs. Le micro-management infantilisant imposé par la Cour des comptes, seul véritable décisionnaire en matière de politique de santé, a des conséquences insupportables. Je n’oublierai jamais le stress de l’infirmière devant quitter précipitamment la chambre de ma mère en fin de vie pour aller, vite vite, remplir des formulaires. Et je ne supporte plus de coacher des médecins dégoûtés de leur métier par des contrôleurs CPAM suspicieux et malfaisants. Ce ne sont pas les personnes qu’il faut changer, c’est un modèle de prises de décisions descendant, hiérarchique, archaïque et mortifère. Alors, oui, si nous sommes capables de faire cela, je veux bien descendre les Champs Elysées en applaudissant, non pas quelques infirmières hissées symboliquement sur un bus pour les isoler de la foule, mais nous tous, qui aurons su reconfigurer en profondeur nos manières de penser, de décider, de de sentir et d’agir.

PS : j’apprends que 58 parlementaires de différentes sensibilités politiques lancent un appel invitant les Français à imaginer un « grand plan de transformation de notre société » à l’issue de la crise épidémique. Une consultation est ouverte à partir de samedi et pour une durée d’un mois, pour recueillir les propositions.http://www.lcp.fr/actualites/58-parlementaires-appellent-les-francais-construire-le-monde-dapres?fbclid=IwAR0RItAXULTXK3dCOJLz3iJi5CTqYB9nd4nni76Ah8vXlqSLlBzOvbfVkU8

Je partage également ici le commentaire d’Isabelle Delannoy appelant à remplir un grand questionnaire citoyen dans l’esprit des démarches proposées par Bruno  Latour

Il me semble important de réaliser avant d’y participer le questionnaire proposé par Bruno Latour pour se centrer sur ce que nous voulons voir apparaître et ce que nous voulons voir disparaître (il s’agit de deux initiatives différentes mais nul ne nous empêche de les relier !!) :

Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas.

Question 2 :

Décrivez pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente

et en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente. (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

Question 3 :

Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités.

Question 4 :

Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’ellesse développent/ reprennent ou même soient créées de toutes pièces ?

Question 5 :

Décrivez pourquoi cette activité vous apparaît positive et comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez et permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables. (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

Question 6 :

Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité.

(Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celle d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)

Lien vers l’article de Latour où il propose ce questionnaire : https://aoc.media/opinion/2020/03/29/imaginer-les-gestes-barrieres-contre-le-retour-a-la-production-davant-crise/

Et ceci : http://www.bruno-latour.fr/fr/node/851.html?fbclid=IwAR31YDa4ZWD2WKo4NACfaYOqFfjb4fr1IoNPffGlrekbHq9JakfhwNSVCn8

La colère et les conseillers


On a le droit d’être en colère. Mais que faire de ce caillou râpeux, nauséeux, qui nous écorche l’intérieur de la bouche et les lèvres ? On voudrait crier, mais dans quelle direction ? Le vent souffle trop froid, trop fort dans les rues désertes. On pourrait profiter des quelques minutes où chacun se tient à sa fenêtre, au moment d’applaudir les soignants, juste avant vingt heures. Mais ce serait leur manquer de respect.

Revenant à pied du métro Plaisance, où ma sœur vient de me remettre (en se tenant à bonne distance) un paquet d’attestations conformes aux nouvelles directives (nos gouvernants se sont-ils demandé comment font ceux qui n’ont pas d’imprimantes ?), je médite sur le petit billet que j’ai décidé d’écrire ce matin. Sujet : la gratitude. Je voulais reprendre un exercice enseigné par Nicole de Chancey, notre professeure de coaching (Sa voix nous accompagnera).

Mais quelque chose ne sonne pas juste. Un arrière-goût d’amertume. Et de la tristesse. En ce moment-même, à quelques centaines de mètres, le service de pneumologie de l’hôpital Saint Joseph, qui a su prolonger la vie de ma mère suffisamment longtemps pour que nous puissions lui dire au revoir dans des conditions à peu près dignes, doit gérer la vague de patients en détresse respiratoire. Et cela me met en colère. Déjà, il y a deux ans, j’avais été témoin du désarroi et de l’épuisement de ces infirmières et des ces aides-soignantes empêchées de soigner correctement leurs patients par un système inhumain. La tension, déjà, crépitait sous les charlottes et sous les masques. Protestations, burn-out, suicides : rien n’y faisait, la machine à broyer resserrait sa main de fer, suivant les diktats de la Cour des Comptes.  La Tarification A l’Acte, expression de priorités purement budgétaires, avançait aveuglément, tel un Godzilla réglementaire détruisant tout sur son passage.

Il s’en fallait déjà de peu pour que le système craque. Et le peu s’est produit.

Colère. Profonde, ancienne, enracinée dans cet épisode et dans tout les signaux qu’on n’a pas écoutés depuis. Suivant les conseils du gouvernement et de son Conseil d’experts, j’ai fait prendre à mon père le risque de l’emmener voter, il y a tout juste quinze jours. Le lendemain, on annonçait le confinement généralisé. Comment notre système décisionnel a-t-il permis cela ?

Il serait trop facile de s’en prendre aux seuls gouvernants. Dans ce blog où la politique n’est pas bienvenue, je nomme : Gérard Larcher, Président du Sénat, François Baroin, Président de l’Association des Maires de France, qui se sont opposés au report des élections en menaçant de crier à la dictature si le Président suivait ce que lui soufflaient la prudence et le bon sens.

J’en veux à Marisol Touraine, ancienne Ministre de la Santé et à ses conseillers, dont Jérôme Salomon, qui ont pris collectivement la décision de ne plus stocker de masques protecteurs. Ils ont fait confiance au marché mondial, croyant qu’il serait possible de s’y approvisionner en cas de besoin. A moins qu’ils n’aient même pas envisagé qu’un tel besoin puisse se faire sentir dans l’urgence. Dans les deux cas : colère face à tant d’imprévoyance et d’irresponsabilité.

Tous ces responsables, et bien d’autres, auront à rendre des comptes le moment venu. Mais ce qui m’intéresse encore plus que leur sort et que leurs fautes individuelles, c’est l’enchaînement des causes, les raisonnements tordus, l’emboîtement des biais cognitifs cumulés, la dérive des priorités que nous avons, tous, collectivement, toléré.

Nos élites sont le résultat d’une certaine éducation. Elles incarnent des valeurs obsolètes, un mode de prises de décision en tour d’ivoire, une hiérarchie descendante qu’il faut examiner sans complaisance. La colère sans apprentissage ne débouche sur rien d’utile. S’il faut un exutoire à la colère légitime de tout un peuple, alors qu’elle ne s’exerce pas sur les pantins, mais sur les ficelles, et sur ceux qui les tirent. Ces ficelles, ce sont nos illusions, et ceux qui les tirent, ce sont nos valeurs, nos abdications, notre insouciance, nos préférences mal placées. Lynchons-nous nous-mêmes !

Ou bien réfléchissons. Prenons le temps de décortiquer, lentement, minutieusement, scrupuleusement, nos illusions collectives, notre respect pour la hiérarchie, pour les rangs, les grades, notre refus de la complexité, notre soif de consommation, de prestige, de confort. Pourquoi sommes-nous de si mauvais conseillers pour nous-mêmes ? Si quelque chose doit changer, après l’épidémie, que ce soient nos modes de pensée, nos impatiences, notre irresponsabilité. Transformons l’énergie de la colère en détermination à reconfigurer tout ce qui doit l’être. La colère n’est qu’un état émotionnel, un carburant que l’on met dans son moteur pour le faire avancer. Dans quelle direction ?

Sur l’excellence décisionelle, et les précautions à prendre pour éviter de prendre des décisions aux conséquences catastrophiques, lire l’excellent ouvrage d’Olivier Zara : l’Excellence décisionnelle, sur son blog Axiopole Excellence décisionnelle.

Réel virtuel, rituels : le monde d’après


Nuages

18 mars 2020

Jour 4 (deuxième jour du confinement)

18.30 : nous rentrons d’une brève promenade (attestation dans la poche) le long des anciennes voies du chemin de fer de petite ceinture, dans le sud de Paris.  Une petite bande de terre a été aménagée en jardin partagé, où de rares habitants du quartier s’activent à bonne distance les uns des autres. L’avenue Jean Moulin, déserte, a retrouvé sa dignité de grande artère. On se croirait au mois d’août, ou dans un film de science-fiction. Nos pas résonnent dans le silence. En cas de contrôle, nous expliquerons aux policiers que mon père a besoin de marcher tous les jours pour son cœur. Cela nous évitera le ridicule d’enfiler une tenue de jogging ou de nous promener avec un sac à provisions vide.

Sur le trottoir d’en face, un père et son fils masqués, traînant une trottinette.

A peine rentrés, le rituel du lavage des mains, puis je m’installe face à la baie vitrée ouvrant sur un vaste paysage de toits typiquement parisiens.

Il est temps de me remettre à l’écriture, après une journée bien remplie d’activités diverses.

Finalement, ce journal est bien le « journal d’un coach au temps du Corona ». Dans cette circonstance où les modalités de présence et d‘action se transforment, écrire, écouter, méditer, dialoguer avec mes clients, avec des proches ou avec les commerçants restés ouverts, c’est encore et toujours du coaching.  Du réel au virtuel, l’intention ne change pas : c’est toujours de révéler le meilleur en chacun, de lui redonner du pouvoir sur sa vie, d’éveiller les principes actifs et de mettre en place les rituels sécurisants qui donneront l’audace d’emprunter de nouvelles voies, d’oser des façons de faire inédites.

Le passage du réel au virtuel nécessite pour beaucoup d’entre nous des apprentissages techniques et comportementaux. La mise en place des nouvelles façons de travailler, de communiquer, de déléguer aussi, ne va pas de soi. D’autant que cet apprentissage doit se faire en mode accéléré, peut-être anxiogène pour certains.  Depuis deux jours, j’explore les fonctionnalités de diverses plateformes collaboratives à l’ergonomie variable. Partager son écran, créer des sous-groupes travaillant sur des « tableaux blancs », distribuer la parole, surveiller ce qui se passe sur le « chat » tout en maintenant la conversation générale. C’est exaltant et stressant. J’y vois la possibilité de rendre accessible à toujours plus de monde le partage des connaissances et de l’expérience, de créer et d’entretenir des liens, et surtout de changer d’échelle.

Car j’ai bien l’intention de participer en acteur conscient aux changements qui vont se produire. L’urgence est de construire l’infrastructure collaborative qui nous permettra de concrétiser nos intentions pour « le monde d’après ». C’est une question de mindset : nous devons penser avec un coup d’avance, comme le général de Gaulle se faisant, avant même l’entrée en guerre des Etats-Unis, la réflexion que le conflit serait mondial. Puisque l’Allemagne n’avait pas gagné le Blitz, elle ne pouvait plus que perdre, et la question principale devenait dès lors de savoir quel rôle la France était amenée à jouer dans le nouvel ordre mondial qui allait se construire.

Penser que nous devons à l’acte de rébellion d’un quasi marginal notre siège au Conseil de Sécurité de l’ONU. Grâce à son audace, à sa résilience, à son habileté aussi, le petit coq gaulois a gagné sa place au milieu des tigres.

Mais le visionnaire de Gaulle n’aurait rien pu sans la capacité de Jean Moulin à fédérer les acteurs de la Résistance. L’homme de Londres a su faire avec la diversité de ces hommes de l’ombre. En affirmant sans ambiguïté aucune son attachement aux principes fondateurs de la République, il a créé la confiance et lui a permis de se régénérer, de se réinventer pour prendre toute sa place dans le monde d’après 1945. Pour cela, il lui aura fallu composer avec des modes de pensée très différents du sien, allant de la droite nationaliste aux communistes, réunis au sein du Conseil National de la Résistance. J’évoque ces moments dramatiques pour donner le sens de la perspective, et sans nostalgie. Quand plus rien ne tient, quand l’essentiel est en jeu, le chemin de la vision à la réalisation passe toujours par l’intelligence collective. Nous sommes dans un tel moment.

Soyons affirmatifs : il n’y aura pas de retour en arrière. Le système des loisirs, du tout jetable et de la célébrité voit ses feux s’éteindre à toute vitesse, laissant un parfum toxique de plastique brûlé. L’argent-roi est nu. Par quoi le remplacer ? Tout est ouvert. Mais pas pour longtemps. La brèche peut se refermer si nous laissons à d’autres le soin d’imaginer, d’agir, de transformer – tout, à commencer par nous-mêmes.

Certains travaillent au niveau conceptuel, imaginant de nouvelles formes de démocratie, d’autres se sont lancés dans des expérimentations sociales à petite échelle, faisant construire des immeubles qu’ils habitent ensemble, selon de nouvelles règles. D’autres encore agissent en connecteurs, tissant des nœuds entre ces différents univers qui commencent à se rejoindre et constituent des boucles de rétroaction. (Pardonnez l’usage de ce jargon. D’ici quelques années, ces mots seront aussi répandus que « convivialité », « réseau », «hub » ou « startup »). Comme les racines des arbres entremêlées, échangeant des nutriments entre elles et avec d’autres espèces, des rhizomes s’étendent sous la surface, s’ancrent dans le sol nourricier, se renforcent mutuellement, jouant de leurs complémentarités. Il ne faudra plus bien longtemps pour que les arbres se voient, se nomment forêt.

Ce qui n’était encore que des épisodes épars acquiert la consistance d’un récit.

Le virus, parce qu’il s’attaque à nos équilibres biologiques, économiques et bientôt géopolitiques, en remontant les chaînes de production et d’échange mondialisées, révèle toutes les ramifications du système, les interdépendances, les chaînes de causes et de conséquences. Il nous force à sortir de notre confort et à prendre position. Comment, dans quel état, voulons-nous sortir de cette crise ? Dans quelle société voudrons-nous vivre ? Demain, pas plus qu’aujourd’hui, nous ne choisirons nos voisins. Mais nous ne pourrons plus faire semblant d’ignorer tout ce qui se passe sur un simple bouton d’ascenseur. La menace existentielle qui nous frappe souligne assez cruellement ce qui nous réunit, à commencer par le fait que nous sommes tous vulnérables. Nous aurons fait des sacrifices, et nous en demanderons le prix. Les soignants, aujourd’hui traités en héros, pourront-ils retourner souffrir dans l’ombre, épuisés, corsetés, maltraités, contraints de renoncer à tout ce qui fait le sens de leur engagement ? On évoque déjà la fin de la Tarification A l’Acte, qui transposait dans le monde hospitalier les principes de fonctionnement des entreprises privées soumises aux impératifs de rentabilité. Les enseignants qui auront fait l’effort d’adapter leurs méthodes pédagogiques à l’univers virtuel accepteront-ils d’être à nouveau méprisés par une société tout entière, parents d’élèves compris ? Si le confinement devait durer plusieurs mois, les millions de familles qui auront redécouvert le plaisir d’être ensemble, les voisins qui se seront entraidés, les employés qui auront fait tenir le système à bout de bras accepteront-ils de faire à nouveau leur deuil de l’empathie, de la solidarité, de la gratuité ? Mais, les contraintes n’ayant pas disparu, saurons-nous trouver les voies de l’efficience ? Quel équilibre saurons-nous trouver entre différents systèmes de valeurs ? D’autres scénarios sont possibles, moins optimistes, et pour certains même sinistres.

Mais déjà, l’imagination bouillonne. Le client que je coachais ce matin me racontait les apéros virtuels et autres initiatives que son équipe expérimente pour mettre un peu de couleur dans le télétravail. D’autres ont dû batailler vendredi pour obtenir le droit d’aller travailler depuis leur domicile. Lorsqu’elles reviendront au bureau, leur chef aura fort à faire pour regagner sa crédibilité. L’élan pour réinventer les modes d’organisation, lorsqu’il sera temps de se retrouver dans le monde « réel » ne peut que gagner en puissance et en légitimité.  L’imprévoyance et la rigidité de certaines organisations les mènera au bord de la rupture. D’autres, plus agiles, ne demanderont qu’à les remplacer. Privés de la liberté de se déplacer, les Français pourraient bien réclamer plus d’autonomie, le pouvoir de décider pour ce qui relève de leur expertise.

Utopie ? Je réponds : reconfiguration. Profonde. Inévitable. Vitale, en fait, car trop longtemps différée. La société française avance par secousses, et celle-ci nous affecte déjà rudement. Une génération déconsidérée par son imprévoyance et son mode de vie destructeur e pourra éternellement barrer la route à la jeunesse qui demande à être entendue.

Après la sidération, puis l’agitation plus ou moins ordonnée, la vie s’organise. Et de nouveaux rituels se répandent.  Entendrons-nous crépiter, à vingt heures, de soir en soir toujours plus forts, les applaudissements en l’honneur des soignants, selon le rituel inventé par les Italiens et repris par les Espagnols ?

Les rituels recréent de la proximité sociale dans une société contrainte à la distance physique. Il y avait longtemps, en réalité, que des forces invisibles nous éloignaient les uns des autres. Le facteur contraint d’effectuer sa tournée de plus en plus vite, les pauses raccourcies, voire supprimées, le temps qui fait toujours défaut, la monétarisation de tout, même du simple conseil professionnel, sans parler de l’assistance aux personnes âgées, nouvelle source de revenus pour la Poste. C’est toute cette logique qu’il va falloir démonter, examiner sous toutes les coutures, pour réviser nos priorités.

Je cite un extrait des Furtifs, le best-seller d’Alain Damasio : « L’accueil avait été chaleureux. En réalité, la quinzaine de Balinais portait la communauté d’environ deux cents membres sur ses épaules, par sa générosité quotidienne, sa production ingénieuse de riz et sa spiritualité intacte. (…) Moitié par amusement, moitié par fascination, par dépit parfois, tant leur organisation avait foiré, parce que ça les intriguait ou peut être juste pour voir, les îliens avaient joué le jeu de ce nouveau modèle largement exotique pour eux. Pour acter une rupture, j’avais posé une expérimentation d’un mois où toute personne dérogeant aux règles était illico exilée. Les premières décisions s’étaient prises au consensus et à l’unanimité, chose impensable auparavant !   L’interdépendance délibérée des tâches, où l’on se rend sans cesse service, en réciprocité, favorisant l’entraide ; les amendes dosées en cas de manquement ; le principe des corvées communes pour l’irrigation ou pour la reconstruction sempiternelle des digues que le fleuve arasait ; les cérémonies croisées où tour à tour tel foyer ou tel clan recevait puis donnait, débouchant sur des fêtes purgeant les tensions : tout ça était directement issu de Bali ».

Voilà, je vous laisse rêver, en espérant que les librairies seront bientôt reconnues comme des commerces de première nécessité.

Et vous, quels rituels inventez-vous ?

Le sage et le singe ou comment réussir sa vie


Olivier Zara nous offre un beau cadeau de noël avec le Sage et le singe, que je viens de dévorer (lien ici vers le site du livre). Un livre pétillant, rafraîchissant, stimulant et surtout revigorant, que vous pourrez offrir à toutes celles et tous ceux que vous aimez. C’est l’histoire d’un papa qui décide de partager avec ses enfants (10 et 12 ans) quelques clés de sagesse. Mais plutôt que de leur infliger de la théorie, pourquoi ne pas passer direcctement à l’action? Au cours d’un été, ils vont pratiquer divers exercices de communication non violente, de gestion des conflits et de manière plus générale de développement personnel. Nous avons le choix, leur dit-il : nous comporter comme des singes qui reproduisent mécaniquement des comportements agressifs, ou comme des sages qui préfèrent emprunter une voie libératrice. Les mises en garde de Boris Cyrulnik sur la contamination des émotions négatives ou les prédictions de Yuval Noah Harari sur la domination prochaine de l’intelligence artificielle vous ont donné le bourdon ? Dans ce cas, plongez-vous vite dans Le sage et le singe, le livre qui redonne du pouvoir à ses lecteurs. Vous y trouverez des raisons d’espérer et quelques recettes faciles à appliquer (à condition de s’impliquer) pour développer toutes nos formes d’intelligence. Ne vous laissez pas tromper par l’appparente légèreté du propos : la planète des Sages n’est pas celle des bisounours. L’auteur, qui a connu de près la guerre en ex-Yougoslavie, nous propose une formidable boîte à outils pour renforcer notre résilience individuelle et collective. A la fin, la responsabilité nous revient.  Pour réussir sa vie, nous dit-il, il faut choisir sa planète : celle des singes, ou celle des sages?

 

http://www.axiopole.com/book/detail/le-sage-et-le-singe

Quand revient la lumière


La Terre est notre territoire. Notre famille, c’est le vivant. Les aimer, c’est s’aimer soi-même.

Ce matin, à la campagne, réveillé par les cris des corbeaux, j’ai reçu ce magnifique message que j’aimerais partager avec vous. Il vient d’une amie avec qui nous avions parlé du climat, du risque d’effondrement de la civilisation humaine etc. C’est une très belle réponse au sentiment d’angoisse qui monte (ou à la politique de l’autruche de certains). En ce jour où nous méditons sur les disparus de nos lignées familiales et sur les liens d’amour, ce message nous remet dans le courant de la vie :

« Suite à notre discussion au téléphone et aux différents articles sur le climat et les actualités
J’ai eu cette réfléxion que j’ai mis du temps à formuler
Elle me paraît essentielle
Peut etre Ca te parlera
Peut être pourrons nous en discuter

Le résultat de l’état de la terre et ce que nous en faisons, il n’est pas un état lié à ces 50 dernières années, il est le résultat d’une évolution.
L’évolution de l’homme.
Si on regarde en arrière, l’industrialisation et le développement du capitalisme sont les conséquences de conquêtes. Rien que la conquête des Indes et des Amériques où l’Occident va dominer par la violence les peuples qu’il considère comme sauvages, ou encore le principe de domination de la Nature par l’homme qui plus tard donnera l’agriculture.
Il n y a pas ici à juger de notre évolution, Elle n’est ni Bien ni mal, Elle est.
Le judéo-christianisme a apporté beaucoup de transformations et jusqu’il y a peu inscrites dans notre inconscient collectif occidental.
La notion de faute de culpabilité de Bon de mauvais, la position de soumission infantile face à un dieu Pere Tout puissant, l’homme qui remet sa puissance au Pere(Freud parle de ca il me semble).
Aujourdhui cette impuissance et cette culpabilité face au Monde sont un aveu de désamour et de séparation Pour l’homme.
On se sent impuissant à faire car on se croit séparé de la terre, séparé du Monde et des autres et coupable. (Commentaire de Robert : la méditation en pleine conscience permet justement de remédier à ce sentiment de séparation d’avec nos propres ressentis, avec les autres, avec les espèces vivantes et avec le monde)
Le Monde est ce qu’il est et nous avons bien du mal à le regarder en face. Inconfort.
Car c’est un Miroir tendu de ce que nous sommes : nous traitons la terre et les autres comme nous nous traitons nous-mêmes.
Pourquoi lutter ?pourquoi se mettre en colere ou se débattre ?
Ça ne changera rien la terre le Monde seront Toujours le reflet de la manière dont nous nous traitons.
On aura beau chercher des coupables, accuser le voisin ou se culpabiliser, tant qu’on ne prend pas conscience que nous nous traitons mal nous meme comme on traite le monde, sans Amour, rien ne sera contagieux.
Nous n’avons jamais été séparés ni de Dieu ni de la terre
On veut se le faire croire
On a toujours voulu croire qu’on etait des êtres impuissants
On a oublié, perdu le contact avec notre propre puissance, à travers le processus de notre évolution.
En 2018 émerge une prise de conscience de cette Non-séparation. Elle se traduit souvent, dans un premier temps, par une angoisse, une forme de sidération qui nous paralyse. On sait bien qu’on ne peut plus revenir en arrière, faire comme si on ne savait pas. Mais la tâche nous paraît immense, insurmontable, et nos forces trop petites pour relever ce défi. Le risque, à ce stade, c’est le désespoir, la tentation de s’abandonner à des conduites d’évitement. Puisqu’on va dans le mur, fumons un gros joint en regardant Netflix. Ce sentiment d’impuissance est une illusion que nous pouvons dissiper. Nous sommes travaillés par le sentiment de la nécessité urgente, non pas de sauver la Terre (Elle ést le résultat de millions d’années d’évolution) mais d’ouvrir notre conscience sur cette Non-séparation et de nous aimer nous mêmes afin que nous puissions aimer l’Autre, Le Monde, le vivant dans toutes ses manifestations.
Si on zappe cette première étape tout se cassera la gueule et ca sera vain.
Vouloir aller se battre ou sauver qui que ce soit si on n’apprend pas à ouvrir sa conscience, à s’aimer et etre conscient de son pouvoir de créer, de decreer,du divin en nous
Rien n’est séparé
Il n’y a pas la vie terrestre d’un côté et la spiritualité de l’autre
La spiritualité n’est pas un loisir pour moi
C’est la vie
Et etre congruent selon moi c’est vivre chaque minute en prenant conscience de sa Non séparation, de l’amour qui est partout dans Tout.
Ét a notre échelle à nous, rien que le savoir et en le vivant on peut aider les autres à le réaliser et à répandre cette energie d’amour et ainsi de suite comme un magnifique virus ».
Fin du message reçu.
J’ajoute : c’est précisément que ce nous nous efforçons de faire dans le cadre du parcours #AlterCoop avec Christine Marsan et aussi ce que faitStéphane Riot (voir ses publications récentes) et tant d’autres, chacun dans son coin et, de plus en plus, en constellation.

Le changement dont il est question est tout à la fois économique, sociétal, culturel et spirituel mais avant tout émotionnel. Il engage toutes les dimensions de l’être. Le mental seul ne possède pas le pouvoir de traction nécessaire pour accomplir la transformation de nos croyances et de nos modes de vie. Pire : l’approche mentale suscite incrédulités, résistance, indifférence, quand l’amour et l’empathie aplanissent au contraire ces obstacles. Notre culture rationnelle se méfie de l’émotion car elle est souvent employée par les démagogues. Mais le violon n’est pas responsable de la mauvaise musique. A nous d’apprendre à en tirer des sons harmonieux. L’Hymne à la joie de Beethoven n’a pas été composé pour nous faire aimer l’Europe libérale et bureaucratiques mais la joie de vivre et la fraternité.
Je vous souhaite un bon premier novembre dans l’Amour de soi, des autres et du vivant.

L’apprentissage yin yang


Altercoop, Module 1, Jour 1 du parcours « Pédagogie de l’Altérité et de la Coopération » créé par Christine Marsan et toute une équipe de contributeurs. Un appren-tissage de l’intelligence collective et de ses aspérités.

Assis tranquille, en éveil, dans le cercle où la parole commence à circuler. Chacun se présente, évoque ses attentes. Taches de couleur, mouvements saisis du coin de l’œil. Des personnalités se révèlent, déjà, en partie. Timbres de voix, débit, silences. D’autres, en creux, suscitent la curiosité. L’esprit construit déjà ses premières hypothèses. Une chemise rose, un t-shirt blanc, chaussures et chaussettes. Paroles. Claires ou confuses. La petite dame frisée avec ses lunettes. Le jeune barbu à l’autre bout de la salle.  Un accent toulousain.

Toute la journée, je demeure attentif aux flux et reflux de la conscience, comme un rocher tout à tour couvert et découvert par les vagues. Tourné vers les autres, absorbant, puis vers l’espace intime, pour transformer ce qui vient d’être entendu, perçu, en expérience et en connaissance.

C’est un double processus émotionnel et cognitif, alternant entre les polarités yin et yang de l’être.

Yin : j’écoute, j’observe et je perçois.

Yang : je participe aux exercices, je m’exprime, je danse.

Yin : je me nourris de ces idées, de ces sensations, j’aiguise ma curiosité.

Yang : la montée d’énergie, l’enthousiasme et la détermination naissante, au fur et à mesure que s’affirme le projet de contribuer à instaurer une culture de la Coopération. Les intervenants ne nous en cachent pas les difficultés. Michel Vallée, Isabelle Montané décrivent les mécanismes et les représentations mentales d’où surgit la violence. Le frère Auberger raconte avec beaucoup de simplicité la réalité des rapports au sein d’une communauté monacale, lorsqu’il faut côtoyer jour après jour des personnalités rugueuses, que l’on n’a pas choisies. Il nous explique la liberté que l’on peut trouver dans l’obéissance. La salle frémit : le mot n’a pas bonne réputation. Mais à quoi s’agit-il d’obéir ? A des hommes, à des valeurs, à ce qui nous parle au fond du Vivant ? Début de réponse en fi d’après-midi.

Yin : Pablo Servigne (vidéo Pablo Servigne AlterCoop: https://www.facebook.com/AlterCoop/videos/282651468937009/UzpfSTMwNzc1MjE4NjMwMjIwMzo0MTU5OTQ4NzIxNDQ2MDA/) résume en quarante cinq minutes les fruits de dix années de recherche sur la Coopération dans toutes les sphères du Vivant : que ce soit parmi les plantes, les animaux ou dans les sociétés humaines. La Coopération, nous révèle ce biologiste humble et passionné, c’est l’autre loi de la jungle, celle dont Darwin n’a rien dit, mais qu’a longuement étudié Pierre Kropotkine. Son travail est tellement sérieux, tellement profond, qu’il répond à toutes les objections que pourrait former un esprit habitué à vivre dans un univers social où la Compétition est érigée en principe majeur.

Yang : je m’affirme et je trouve ma place dans le groupe, tandis que l’appétit de savoir se transforme en impulsion d’agir.

Avec de plus en plus d’agilité, je passe de l’un à l’autre, le cognitif et l’émotionnel tressés comme dans la double hélice de l’ADN.

Durant ces trois jours, mon esprit n’a cessé de se tourner alternativement vers les intervenants, passionnants, puis vers la résonance de leurs paroles en moi, et vers le groupe, dont je percevais de plus en plus nettement les réactions, l’impression que faisaient sur chacun les présentations et les ateliers. A la fois observateur et participant, je remarquais combien s’affinait ma perception, toujours plus attentive.

Alternant stimulations cognitives, émotionnelles et même physiques avec la biodanza, le programme très riche, méticuleusement préparé, nourrissait un incroyable flux de pensées et de sensations que je notais sous forme de phrases ou de dessins.

J’insiste aujourd’hui sur la nature multiforme de cet apprentissage, d’autant que je m’y intéressais aussi en tant que coach, formateur et facilitateur.

D’une part, j’éprouvais un grand plaisir à mettre en pratique beaucoup de ce que j’avais appris jusque-là en matière d’intelligence collective et de développement personnel (communication non-violente, écoute active, présence selon la théorie U d’Otto Scharmer), d’autre part j’étais en appétit de nouvelles connaissances.

Je pensais fréquemment à ma mère, décédée quelques jours auparavant. Combien elle aurait été heureuse de me savoir si bien entouré, nourri des dialogues avec le franciscain frère Auberger ou avec Pablo Servigne, de la biodanza animée par Marianne Waquier, des conversations, des expériences partagées. Tous les moments joyeux, les amitiés naissantes.

Le soir du deuxième jour, un des participants souligne combien il a apprécié la cohérence de l’expérience et de l’enseignement.

Pour ma part, au cours de ces deux jours j’ai formé la décision de participer activement à la construction d’une culture de la Coopération. J’ai pleinement conscience que cela nécessitera de ma part, de notre part à tous, l’acquisition délibérée, persistante, courageuse, de nouvelles compétences humaines et sociales dans un effort équivalent à celui qui avait permis l’avènement et le déploiement de la démocratie en France au cours du XIXème siècle.

Comme pour la démocratie, je mesure bien ce que cette acquisition de compétences et de devoirs prendra des décennies. C’est un choix indispensable si nous voulons préserver la possibilité d’une vie humaine sur cette planète : il nous faut changer dès maintenant de logiciel, comme l’écrivait Michel Camdessus dans son livre « le monde en 2050 ».

Pour d’autres retours d’expérience sur ce parcours :

Sentipensants

https://sentipensants.org/2018/04/27/journal-vivant-altercoop-une-education-au-vivant-au-seuil-dune-culture-de-la-cooperation/

 

Le programme du module 4 : https://www.facebook.com/events/1748876741867393/

Mahdi parle sur SoundCloud de son parcours de la compétition vers la coopération : https://soundcloud.com/gabriellemiaeka/mahdi-et-son-passage-du-monde-de-la-competition-a-la-cooperation

Article de Christine Marsan dans le blog AlterCoop : https://www.altercoop.org/blog/la-cooperation-fait-revisiter-notre-rapport-a-l-amour

Intelligence collective et responsabilité


En matière d’intelligence collective, deux éthiques s’opposent alors qu’elles devraient se combiner.

L’éthique de coopération, plus populaire, met l’accent sur une recherche du consensus à tout prix, l’acceptation de l’Autre et de sa différence, le refus de tout ce qui ressemble à de l’autorité. Le risque est alors de laisser se développer des comportements qui finissent par vampiriser toute l’énergie du groupe et le vider de sa substance.

Qui n’a pas connu ces réunions interminables où l’endurance de quelques-uns leur permettait d’obtenir, à l’usure, une décision qui n’enthousiasmait réellement personne ? Ces débats où d’habiles manipulateurs réussissaient à prendre en otage l’ordre du jour, imposant les sujets qui leur tenaient à cœur au détriment de l’intérêt général ? Qui n’a pas ressenti d’impatience en écoutant tel ou tel intervenant confondant travail de groupe et thérapie collective ?

Si le cadre n’est pas posé, compris et respecté de tous, le destin de ces groupes est d’exploser, ou de connaître la mort lente. A l’arrivée : désillusion, ressentiment, regret du temps perdu que l’on aurait pu consacrer à d’autres activités.

C’est ici que la seconde éthique entre en jeu. Il s’agit de l’éthique de responsabilité.

Le mot n’a pas bonne réputation dans les milieux collaboratifs. On le soupçonne de justifier un certain élitisme, à moins qu’il ne s’agisse de la responsabilité des autres : entreprises, organisations, leaders … La responsabilité fonctionne alors comme une limite opposée à leur pouvoir présumé malfaisant. Mais pour soi, non, pas question de s’interroger : puisqu’on est animés de bonnes intentions, ne se range t’on pas automatiquement du bon côté de la Force ? Et du coup, nos comportements ne sont-ils ils pas toujours impeccables ?

Miroir, oh mon beau miroir systémique, ne suis-je pas le plus collaboratif, le plus empathique, le plus chaleureux des êtres ? Ne suis-je pas doué d’une patience à toute épreuve, d’une infinie compréhension pour les minorités, jusqu’à remettre en cause l’issue d’un vote pour ne pas faire de peine à tel ou tel malheureux arrivé juste un peu en retard ?

Rugueuse, la responsabilité contraint à se positionner en faveur du groupe et de sa raison d’être, quitte à s’opposer avec fermeté aux comportements déviants.

Comment les groupes qui survivent à ces écueils gèrent-ils les comportements centrés sur l’ego plutôt que sur la contribution à la réussite collective ? Comment résistent-ils aux tentatives de prise de pouvoir, plus ou moins déguisées ? A l’inertie de ceux qui se laissent porter par la vague, sympathiques-élastiques sans rebond ni flamme ?

En faisant appel à l’éthique de responsabilité. C’est-à-dire, avant tout, en posant et en faisant respecter les limites comportementales qui contiennent la violence et la colère, toujours présentes sous la surface des rapports interpersonnels.

Responsabilité du participant : je m’implique, je prends position, j’interpelle s’il le faut celles ou ceux qui n’agissent pas dans un sens constructif. Je les invite à revenir dans le groupe, à percevoir sa dynamique. J’exprime mes propres besoins sans agressivité mais sans passivité : ni paillasson ni hérisson, ni polisson – à l’unisson. Je cherche et je propose des solutions, je canalise mes émotions, je me recentre et j’agis, déjà, par ma seule présence.

Responsabilité du facilitateur : formé aux techniques de l’animation, de la communication non-violente, il/elle s’investit dans la prévention des dérapages, et renvoie au groupe sa propre responsabilité, collective, somme des responsabilités individuelles. Il possède toute la légitimité nécessaire pour fixer le cadre, ou du moins pour le faire respecter. Si nécessaire, il rappelle à chacun la raison d’être du groupe. Il est facilitateur de convergence, non de compromis tièdes.

Alors, la limite devient un mur porteur, galvanisant l’énergie du groupe, qu’elle concentre plus qu’elle ne lui fait obstacle.

Les groupes qui parviennent à ce niveau de maturité relationnelle atteignent un niveau d’efficacité surprenante. Ils sont capables d’audace, innovent, transforment leurs rêves en réalité tangible, et font l’expérience d’une satisfaction rare : ils découvrent leur infini pouvoir d’agir.

Chaos dans la cuisine (suite et fin)


Un bébé dans une maison change la polarité magnétique, le sens du courant, les phases de la lune peut-être. Autour de lui tout se réorganise.

Les rythmes, en tout cas, l’ordre des priorités, la structure des conversations.

Tout rajeunit, tout change, emporté dans le tourbillon. Il y a deux ans, je tentais de lire la Méthode d’Edgar Morin, ici même, au calme. L’image des soleils naissants qu’il évoque me revient en mémoire : l’ordre et le chaos s’engendrent l’un l’autre, l’instabilité précède l’émergence de nouvelles formes de vie. Les familles sont une autre sorte de chaos, en perpétuelle transformation. Une collection de vieux albums photo retrouvée par hasard nous raconte la même histoire de générations qui passent, de vacances et de pique-niques. Les visages apparaissent et disparaissent sur les photos.

Une famille s’organise autour de ses éléments les plus vulnérables, c’est un trait que nous partageons avec tous les mammifères. En fait c’est une loi de la vie. Une très belle loi. Touchante. Admirable. Et rassurante aussi.

On s’activait, le nez dans les casseroles, et soudain tous se précipitent à la fenêtre en poussant des cris d’excitation : les deux hérons sont revenus.

On n’en voyait plus qu’un, l’été dernier, puis il s’était fait rare. On craignait sa disparition. S’ils sont là, c’est qu’ils trouvent de quoi se nourrir, malgré les prédictions alarmantes sur la mort programmée des grenouilles. Tous ces animaux que l’on ne voit plus : lapins, renards, mésanges, même les abeilles et les guêpes se font rares. La campagne devient un désert silencieux, peuplée de nos seuls cris, par intermittence.

Mais les hérons sont revenus ! Merveille des merveilles ! Rien n’est plus beau que de les voir prendre leur envol, tournoyer au-dessus des douves et du pigeonnier, décrire de larges cercles dans les airs avant de revenir se poser au bord de l’eau.

Soudain, la splendide asymétrie des bâtiments forme un décor qui semble organisé pour valoriser leur majestueuse évolution.

L’été se donne en spectacle, avec ses opulents nuages, ses lumières changeantes, ses figurants de toutes espèces et nous, les humains, persuadés d’y jouer de grands rôles.

C’est comment déjà, le rire du héron ?

 

Pas d’autre refuge qu’en vous-mêmes (Suite Otto Scharmer)


27 juillet 2017, Hossegor

A ses disciples éplorés qui lui demandaient vers quel nouveau maître se tourner après sa disparition, le Bouddha mourant répondit simplement « Il n’y a pas d’autre refuge qu’en vous-mêmes ».

Personnes, lieux, croyances : lorsque tous les repères s’en vont, ou sont fragilisés, la question du « refuge », ou de l’ancrage, se pose avec acuité.

Dans son livre « Théorie U », Otto Scharmer évoque l’incident dramatique de sa jeunesse où, face aux flammes dévorant la ferme où sa famille vivait depuis des générations, il sentit se dissoudre tout ce qui jusque-là lui avait donné un sentiment de sécurité et d’identité.

Moment terrible, mais qui n’est qu’un point de départ.

L’objet du livre, c’est ce qui se passe ensuite : le sentiment d’être comme aspiré vers le futur, et la résolution d’y consacrer le reste de sa vie. J’avais beaucoup entendu parler de la Théorie U, sans soupçonner la richesse et la profondeur de la réflexion qui a mené à son élaboration.

Les Américains ont cette expression : « vous devriez vous intéresser à l’avenir, car c’est là que vous allez passer le reste de votre vie ». Tout l’intérêt de l’ouvrage d’Otto Scharmer est de dépasser l’injonction pour proposer une méthode accessible, fruit de longues recherches et de nombreuses interviews. Pour paraphraser la quatrième de couverture, « La théorie U invite les acteurs du changement à adopter une nouvelle forme de leadership. (Scharmer) renouvelle les approches collaboratives (…) afin d’amener une conscience approfondie des situations et des enjeux permettant aux équipes de diriger à partir du futur émergent ».

Pour les Français, imprégnés d’une culture respectueuse du passé et de ses enseignements, cette orientation vers le futur ne va pas de soi. Fiers de notre héritage culturel et politique et des lieux dans lesquels s’incarne notre histoire, nous percevons l’avenir comme une promesse incertaine, un songe creux, voire une menace. Plutôt que de mépriser cette résistance comme une forme d’obscurantisme, il serait plus efficace de s’attacher à en comprendre les racines.  Si nous développons de fortes résistances, c’est que pour nous, bien souvent, changer, c’est trahir.

Un chercheur américain a su comprendre et traiter avec respect cet attachement au passé. E.T Hall, dans la Danse de la vie, explique longuement la différence entre les cultures du Vieux et du Nouveau monde dans leur relation au Temps. Ce merveilleux livre m’a permis de me sentir plus à l’aise avec ma triple orientation : ancré dans le présent, grâce à la méditation et à l’action, riche d’une connexion affectueuse avec le passé, en même temps que fasciné par le futur et fermement décidé à en être un contributeur actif. Paradoxalement, pour encourager des Européens à s’engager dans une démarche tournée vers l’avenir, la meilleure approche consistera à leur rappeler les grands innovateurs du passé, les Léonard de Vinci, Pasteur, et autres Blériot.

Mais le refuge ? « La terreur aussi est mondialisée », écrit dans Le Monde Lara Marlowe, correspondante à paris de l’Irish Times, avant de poursuivre : « chaque fois on espère que c’est le dernier attentat, tout en sachant qu’il y en aura sans doute d’autres ».

Les attentats de janvier et de novembre 2015, puis celui de Nice, mais aussi les changements dans notre environnement et, pour ma génération, la disparition progressive de celle qui nous a précédés, obligent à se poser la question : qu’est-ce qui tient ? Qu’est-ce qui donne sens à notre existence, lorsque tout se défait ?

Chacun se bricole une réponse : relations, réussites, valeurs, principes, richesses ou compétences. Dans la tempête, on se raccroche à ces canots de sauvetage. La Nostalgie d’un ordre ancien plus rassurant nous fait miroiter ses marchandises de contrebande.

Mais Charmer nous invite à prendre une décision plus radicale. Pour passer par ce qu’il nomme le chas de l’aiguille, l’étroit passage vers un nouveau monde, il n’y a d’autre option que d’abandonner ses repères et de faire le saut en avant.

C’est un choix personnel, autant que collectif. En tant que coach et formateur, spécialisé dans l’accompagnement de groupes et d’organisations, je me dois, par souci d’exemplarité, de faire moi-même l’expérience du lâcher prise auquel je les invite.

Face au groupe, le coach est un miroir. Il n’indique pas la direction à prendre, mais leur envoie ce message positif : « je crois en vous, en votre capacité à créer ce à quoi vous aspirez, et que vous craignez aussi, et je vous reconnais le droit de craindre et de désirer en même temps ce qui n’a pas encore de forme ». C’est donc notre responsabilité la plus noble, un vertige dans lequel nous devons plonger les premiers si nous voulons que les autres suivent. Il n’y a pas d’autre refuge : ni dans la théorie, ni dans l’expérience passée. Pour faire advenir ce qui n’existe pas encore, il faut créer un espace neuf, ouvert, avec un cœur disponible.

A ceux qui doutent, ou qui trouvent trop difficile de renoncer à un certain confort, je proposerai de vivre et de travailler avec des enfants et des jeunes. Rien de tel pour se réconcilier avec le futur. Car une chose est certaine : c’est bien là qu’ils passeront la plus grande partie de leur existence. Lara Marlowe, citant une jeune bénévole qui faisait du volontariat à la COP21, lui demandait si ce n’était pas trop dur d’atteindre l’âge adulte dans un monde tétanisé par le djihadisme et le changement climatique. « Non », répondit la jeune bénévole avec un grand sourire. « Je veux changer le monde ».

Dès lors, le choix de l’optimisme ou du pessimisme n ’est plus une question de croyance, mais de responsabilité envers ces nouvelles générations. Si nous les aimons suffisamment, nous pourrons puiser dans cet amour le courage nécessaire pour lâcher prise et faire le pas en avant.

La Stratégie du Thé par Olivier Zara


La Stratégie du Thé, d’Olivier Zara, présente une approche aussi solide qu’astucieuse pour dépasser les limites du modèle pyramidal traditionnel, encore dominant dans la plupart des entreprises en France, sans pour autant tomber dans le dogmatisme trop souvent constaté chez les tenants des nouvelles approches managériales, telles que l’entreprise libérée ou l’holacratie.

Pour employer une expression à la mode, Olivier Zara remet l’église et la mairie au centre du village, de part et d’autre de la place du marché, c’est à dire qu’il intègre ces deux approches dans un concept de « management paradoxal » qui doit beaucoup à Edgar Morin et à la systémique. Ce qui est agréable, c’est qu’il le fait avec une bonne dose d’humour et de pragmatisme, et surtout avec un grand sens de la pédagogie.

Plutôt que de vouloir imposer une clé supposée ouvrir toutes les serrures, il distingue trois types de situations, correspondant à trois niveaux de difficulté : simples, compliquées, et complexes, appelant chacune des modes de prise de décision et de management distincts. Le fil conducteur de l’ouvrage est d’ailleurs la recherche d’une excellence décisionnelle qui met l’accent sur ce qu’il appelle la « performance amont », par opposition à la « performance aval » uniquement centrée sur l’exécution.

Contrairement aux adeptes de l’entreprise libérée, Olivier Zara n’invite pas à supprimer les couches managériales intermédiaires, mais propose de les connecter à de nouvelles sources de légitimité face à ce qu’il identifie comme les quatre grandes catégories de « pages blanches » : des situations complexes, pour lesquelles il n’existe aucune voie tracée d’avance.

S’adressant aux managers de proximité aussi bien qu’aux chefs de projets et aux dirigeants, la Stratégie du Thé enrichit le corpus d’ouvrages de management et de stratégie digitale d’une réflexion subtile autant que pragmatique. Très accessible, le livre nécessite cependant une lecture linéaire, en suivant l’ordre des chapitres. Quitte à y revenir ensuite pour revoir et approfondir tel ou tel passage.

La Stratégie du Thé s’inscrit dans la continuité des précédents ouvrages d’Olivier Zara sur l’intelligence collective et le mangement digital, qu’il synthétise et prolonge. Il offre des clés pour mobiliser l’agilité, faciliter l’innovation et susciter l’engagement dans un environnement volatile, incertain, complexe et ambigu (VICA).

C’est à mon sens l’un des ouvrages les plus pertinents et les plus utiles que l’on puisse lire à ce jour sur le sujet, et sur l’excellence décisionnelle.

Ceux qui ont eu le privilège de participer à l’une de ses formations sur la technique de réflexion collective « Synergy4 » peuvent attester de son efficacité.  Un questionnaire préparatoire permet de générer rapidement un nombre impressionnant d’interrogations qui nourrissent à leur tour une réflexion sans aucune complaisance.  Aucun angle mort ne subsiste après un pareil traitement. L’intuition collective qui se dégage au fur et à mesure des tours de table successifs encourage la prise de décisions fortes, innovantes et pertinentes. Il ne reste plus ensuite qu’à relire la Stratégie du thé, qui livre un mode d’emploi bien ficelé pour rendre irrésistibles les innovations proposées.

A commander ici : http://www.blog.axiopole.info/2016/10/27/strategie-du-the/

Intelligence collective et butinage (deuxième partie)


Résumé de la première partie : la première de mes trois journées de cours sur l’Intelligence collective à Paris 3 est dédiée aux fondamentaux, que nous explorons tout d’abord sous forme de discussion, puis à travers une série d’exercices pratiques. Ce groupe, assez jeune, allie la fraîcheur du regard à une certaine maturité du questionnement. Riches d’une large diversité d’expériences professionnelles ou associatives : football, colos, théâtre ou jobs d’été, ils cherchent des réponses pratiques aux difficultés qu’ils ont déjà pu rencontrer.  Sans naïveté ni complaisance, ils ont soif d’apprendre et d’expérimenter.

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Pratique et magie de l’intelligence collective


La ferveur était au rendez-vous, samedi, à Paris 3 Sorbonne Nouvelle, où j’animais la première d’une série de trois journées sur le thème « réussir ses projets avec l’intelligence collective ».

Au départ, le pari n’était pas gagné : le titre un peu austère en avait rebuté quelques-uns lors du semestre précédent. Il avait d’ailleurs été prévu de le modifier en « pratique et magie de l’intelligence collective », mais pour des raisons mystérieuses, le changement n’avait pas suivi. Du coup, je me demandais combien de participants se présenteraient, un samedi matin, pour travailler sur ce sujet assez indirectement lié à leurs études principales.

La réponse n’a pas tardé : ils étaient 30 au départ, bientôt 35 en comptant les retardataires.

Je commence par interroger les étudiants sur leur vécu du travail en groupe. Les réponses sont mitigées, voire franchement dubitatives. La plupart expriment un sentiment de frustration lorsque ce sont toujours les mêmes qui travaillent pour compenser l’absence de contribution des autres.  Ils estiment peu équitable que tous aient la même note au final, au point que certains ont fini par demander à leur professeur de les noter séparément.

Je leur explique alors que l’on retrouve les mêmes sentiments de frustration dans de nombreuses situations professionnelles, y compris dans les startups. L’enthousiasme initial s’émousse rapidement face à la réalité des comportements humains.

Les témoignages sont très variés, tirés de leurs expériences universitaires, associatives ou professionnelles : il y a là un arbitre bénévole de football, une animatrice de colo, des actrices de théâtre, une employée de banque, une traductrice œuvrant au sein d’un groupe de travail virtuel, réparti dans plusieurs pays. A travers cette première discussion, ils prennent conscience de la diversité de leurs expériences, et je leur fais observer la richesse que cela représente pour le groupe.

Les thèmes émergents font apparaître quelques-uns des concepts que nous allons approfondir durant ces trois journées :

  • Quelles sont les responsabilités individuelles et collectives ?
  • Comment assurer un niveau de mobilisation constant, également réparti entre les divers membres de l’équipe ? Est-ce d’ailleurs possible, ou faut-il s’accommoder de variations inévitables ?
  • Que faire lorsque le niveau de compétences est très inégal ? Comment évaluer les contributions de chacun ? Doit-on mesurer uniquement la production, ou prendre en compte la contribution, qui peut se faire sous d’autres formes : clarté de vue, capacité à communiquer, soutien moral, talent de médiateur, …
  • Comment gérer les écarts de comportement ? Faut-il appliquer des sanctions, et si oui dans quels cas ? Ou bien faut-il préférer une approche de type « réparation » ?
  • Quel équilibre instaurer entre le souci d’efficacité et celui de ne pas heurter les sensibilités ?
  • Qu’est-ce qui est équitable ? Pour les individus ? Pour le groupe ?
  • Comment prendre en compte les contraintes : nécessité de jouer le soir devant un public de théâtre, de respecter les enfants, les règlements sportifs ou professionnels ?

Le bâton de parole tourne à toute vitesse, l’attention est soutenue. Parmi les « règles du jeu », je demande à chacun de dire son prénom avant d’exprimer son point de vue ou de poser sa question. Le but est à la fois d’apprendre à se connaître, et de se responsabiliser dans sa prise de parole.

Le débat fait des aller-retour constants entre les exemples vécus et les concepts. Je leur explique la notion de « position Méta », dans laquelle on s’intéresse à la manière dont le groupe fonctionne et non pas à sa production (le contenu) . C’est par exemple le fait d’avoir une « discussion sur la discussion », ou la nécessité de poser des règles de gestion des désaccords à froid, bien avant d’aborder les sujets qui fâchent. Ainsi, lorsque les premiers désaccords apparaîtront, on n’aura pas à discuter en même temps des écarts et de la manière de les gérer. Ils comprennent cette idée en approfondissant le rôle du médiateur, les situations dans lesquelles il serait judicieux d’y avoir recours, et celles où le groupe devra prendre ses responsabilités.

Les règles, initialement vécues comme des contraintes ou des notions implicites ne méritant pas qu’on s’y attarde, sont maintenant perçues comme un moyen de prévenir ou au moins de gérer les conflits. Peu à peu apparaît le besoin d’un cadre, d’un référentiel, qu’il soit donné d‘avance (règlement du travail, droits de l’homme,…) ou co-construit. Ainsi, le principe selon lequel au théâtre, dans le cadre d’une improvisation, « toute proposition doit être acceptée, quelle qu’elle soit » constitue une règle implicite, mais connue et généralement respectée de tous.

Mais il ne suffit pas d’avoir ou de se donner des règles : comment les appliquer ? De manière stricte ou selon le contexte ? L’arbitre bénévole de football évoque sa décision de ne pas donner un carton rouge, pourtant mérité, afin de faire retomber la température parmi les joueurs et le public.

D’ autres principes émergent, tel que l’entraide parmi les animateurs de la colo, qui doivent prendre sur eux et se retenir d’exprimer des émotions négatives envers leurs collègues, soumis à une forte pression pendant toute la journée. Solidarité, responsabilité, intégrité, transparence, engagement : quelle est la part des valeurs collectives, relationnelles, individuelles ? Je leur propose d’adopter la proportion 50-25-25, que nous reprendrons dans un exercice en deuxième journée.

Pour souligner l’importance de poser un objectif commun, je leur propose de créer ensemble une communauté apprenante, je leur explique le principe de co-responsabilité, et l’importance de la ponctualité : chacun d’entre nous est une ressource pour les autres, et du coup, être en retard, c’es se priver de l’expérience vécue, impossible à rattraper en lisant un support écrit, mais c’est aussi priver les autres de sa contribution (ses idées, son écoute, son soutien).

Au fur et à mesure que les retardataires arrivent, je demande aux étudiants de leur expliquer eux-mêmes ce principe. Cela nous permet de lancer ensuite une discussion sur la mise en application concrète du principe de sanction-réparation : faut-il donner des pénalités aux retardataires, ou leur permettre de compenser leur retard en apportant quelque chose de plus au groupe ? L’idée d’une compensation non-culpabilisante fait son chemin.

A suivre …