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des relations privilégiées


Dans une tribune publiée récemment dans le Monde, le philosophe Yves Michaud évoquait la tentation de l’hédonisme : faire la fête « en terrasse » serait un moyen accessible et ludique de faire un pied de nez à ceux qui désirent nous détruire. La consommation, le plaisir hédoniste sont dans les valeurs du temps.Elle entraîne souvent un repli dans l’entre-soi, entre personnes qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes codes, le même goût.  Pendant les vacances, il est bien naturel de se recentrer sur la famille, les amis proches,  sphère intime et filtrée, rassurante. Mais nous pouvons aussi choisir de ralentir, pour redécouvrir tous les liens qui nous relient au monde, à nos émotions profondes, et aux autres.  C’est ce que j’appelle le « centré-ouvert ».

La Maison Européenne de la Photographie (http://www.mep-fr.org/) présente en ce moment une très belle exposition de quatre photographes du Brésil. L’un des cartons présentant la démarche de Joaquim Paiva le présente comme un diplomate qui, à son arrivée dans un nouveau poste, choisit la photographie comme moyen d’entrer en relation avec ce pays et ses habitants.

Au fond, les relations constituent le thème central de ce blog : relation au corps et à ses sensations, explorées la première année, au pays retrouvé après une longue absence, aux personnes, présentes ou passées, à l’humain et à tout ce qui nous fait grandir, à la poésie, à l’imaginaire, à toutes les manières d’être au monde.

Depuis le 7 janvier, un glissement s’est fait du « je » au « nous »,  de l’expérience au partage. Vos commentaires, ici même ou par mail, témoignent de ce besoin d’échanger sur ce qui nous touche, et cela continuera après la rentrée.  Ce blog accueille et continuera d’accueillir les échos de conversations commencées ailleurs.

En attendant, j’aimerais citer ici un passage de Jack Kornfield (psychologue américain explorateur des convergences avec le bouddhisme,  évoqué hier) qui vient parfaitement à propos pour conclure la dernière série de chroniques. Je la dois à un ami avec qui nous avons longuement parlé au téléphone , un matin, le nez au soleil.

« Dans une société qui n’est pas loin d’exiger que nous vivions en mode accéléré, la vitesse et les autres dépendances nous engourdissent, au,point de nous rendre insensibles à notre propre ressenti; dans de telles conditions, il nous est pratiquement impossible d’habiter notre corps, ou de demeurer reliés à notre cœur, et à plus forte raison de nous relier à autrui et à la terre ».

Ce qui nous relie, c’st peut-être précisément le projet d’y parvenir malgré tout, et d’en retirer le sentiment de vivre un peu plus fort.

Colère, langage et poésie (suite)


Et la poésie ?

La poésie, c’est la fraîcheur. Ce qui naît à l’horizon du silence, un calme propice à l’appréciation de la beauté. Ce que l’on vient chercher sur cette île, dans les marais rouillés, sur ses plages pailletées d’aluminium au couchant, et qui donne l’énergie de monter jusqu’au sommet du phare des Baleines pour l’éblouissement qui nous attend, tout là-haut. Après l’étroit escalier en colimaçon, déboucher sur la plate-forme à 360 degrés et contempler la houle de mer roulant à l’infini ses muscles bleus. Savourer la profondeur de cette immense masse liquide qui s’étend jusqu’à l’autre bord, les côtes des Amériques, peut-être Martha’s Vineyard. Rêver de cette île-soeur, ancien repère des chasseurs de baleines où mon amie G… va parfois se ressourcer. L’amitié se superpose à la splendeur du paysage, ses secrets ne sont pas moins profonds que ceux de l’océan.

Avoir l’Atlantique en partage, aimer, se souvenir. Voir déferler les vagues et ne pas s’en lasser. (Il y a de la poésie dans la vitesse, comme dans la lenteur). S’immerger dans tout cela, comme on se lave. Laisser se dissoudre les anciennes formes, les appréhensions, fondre avec bonheur dans la masse du monde.

Romain Rolland appelait cela le « sentiment océanique ». La méditation pratiquée avec persévérance permet d’atteindre cet état de communion avec l’univers, sans limites, où rien ne pèse : croyances, devoirs, identité, rien à quoi s’accrocher, rien à défendre. Un état où la vague, pour reprendre la vieille métaphore bouddhique, ne se sent plus séparée de l’océan.

 

L’erreur de beaucoup d’occidentaux, précisément, est de s’attacher à cet état bienheureux, au point d’en faire l’objectif de leur quête, et de culpabiliser lorsqu’ils ne parviennent pas à l’atteindre. Le véritable but de la méditation n’est pas de s’évader ni de cultiver l’hédonisme, une tentation que relève Yves Michaud dans une récente interview au Monde.  Le premier but de la méditation est de prendre conscience que tout est lien, relation, et que nous sommes au cœur de cela. D’accueillir tout ce qui est là puis, dans un deuxième temps, nous détacher de toute convoitise. J’ai moi-même partagé cette erreur, jusqu’à cet été, lorsque mon hôte m’a donné à lire Mark Epstein (Pensées sans penseur) et Jack Kornfield (Bouddha, mode d’emploi pour une révolution intérieure). Ces deux psychologues américains explorent chacun à sa manière les convergences entre la science occidentale et la pratique orientale de la méditation. J’y reviendrai.

La poésie, c’est aussi la capacité d’intégrer l’anxiété, la douleur et la laideur inévitables. Avec humour et bienveillance. C’est la beauté des contrastes, régie par d’invisibles contraintes. C’est un jeu, c’est faire comme si. Comme font les enfants. On dirait qu’on serait des pirates, ou des princesses. On irait sur la lune.

La poésie incarnée, c’est Tintin, son enthousiasme juvénile, sa fraîcheur naïve mais toujours motrice, un mouvement porté vers la résolution des intrigues ou des mystères.  C’est le professeur Tournesol, soulevé de terre par une boule de feu au milieu d’un désordre indescriptible, dans les Sept boules de cristal. C’est l’audace et la soif de justice. Et ce sont aussi les jurons du capitaine Haddock.

C’est « mille millions de mille sabords » et c’est la ligne claire, obtenue à force d’un travail ambitieux, difficile, qui cherche et parfois trouve une expression plus rare, plus forte et plus précise.

C’est la grâce, l’éternelle jeunesse.

Le retour de BuencaRmino


 

Après le triple choc des attentats, reprendre la parole s’est révélé plus difficile que je ne l’imaginais. Que dire, et sur quel ton ? Communier dans l’empathie avec les victimes et tous ceux qui ressentent de la peine ou de l’anxiété, ou tenter au contraire d’apporter un peu de légèreté, de lumière, dans un quotidien pesant ? Passer du « moi » au « nous », du témoignage à la réflexion, chercher ce qui rassemble et ce qui transcende. Pas si simple. Dans un premier temps, le repli sur la sphère privée domine. Le besoin de se recentrer, de cultiver ses joies, de guérir, prend le pas sur l’envie de communiquer. Mais on ne peut en rester là. Par où continuer ?

Au départ, ce blog est né d’une envie et d’un défi : écrire tous les jours, comme un sportif s’entraîne, et trouver dans cette forme de discipline un sens de l’accomplissement, du progrès. Sur le fond, des sujets consacrés au développement personnel et professionnel, sur le thème de la transformation.

Depuis le 7 janvier sont apparus d’autres thèmes, une recherche hésitante autour de la résilience et de la joie. Après la sidération, la colère, le chagrin, et tout le plomb qu’il a fallu transformer en lumière, l’envie de partager, de communiquer revient, de plus en plus forte. Nulle promesse ici, juste un espace, un rendez-vous irrégulier où j’espère que nous pourrons trouver du plaisir, ensemble. L’envie d’élargir à d’autres cercles, à d’autres conversations, et de vous dire tout simplement : bienvenue.

Dans nos vies secrètes


Cet article date d’il y a tout juste un an. Une éternité. C’était juste avant la perte irrémédiable d’un être cher et le long processus de guérison – car je ne crois pas au deuil tel qu’on le décrit, ni qu’il faille se résigner à l’absence, à la lumière, à l’espoir. Je réfléchis en ce moment sur « nos vies digitales » et ce texte me paraît plus que jamais d’actualité.

BuencaRmino

Dans nos vies secrètes

Cet article est le deux-centième de BuencaRmino. Pour fêter ça, comme septembre est le mois des transformations et des mystères, plutôt qu’une ennuyeuse auto-célébration, je vous propose un voyage dans mon train fantôme, à rebours des sagesses tièdes et des bons conseils qu’on attend d’un coach. Le thème du jour : nos vies secrètes.
Nos vies secrètes ne se racontent pas sur facebook, ne s’enregistrent pas sur FourSquare. Elles ne sont pas géolocalisées. Google ne sait rien d’elles. Nos vies secrètes sont assez drôles, mais irracontables. « Dans ma vie secrète », chante Léonard Cohen (ici), « Je souris quand je suis en colère, je triche et je mens, je fais ce que je peux, je me débrouille, mais je n’oublie jamais la frontière qui sépare le bien du mal, et j’ai soif de vérité. »
Dans nos vies secrètes, on avance à l’instinct…

Voir l’article original 361 mots de plus

Vivre mieux


Aujourd’hui, BuencaRmino vous invite à découvrir « Vivre Mieux », le blog d’Isabelle Fontaine. Stimulant, rafraîchissant, drôle et généreux. Scoop : finalement, l’homme n’est pas toujours un loup pour l’homme. http://www.vivremieuxleblog.com/ voir aussi son autre blog sur l’intuition : histoire d’intuition http://histoiredintuition.com/

de nouveaux yeux pour voir le monde


Un article qui pose la question du regard et de l’artificialité de l’image corrigée, selon une nouvelle technique qui permet de juxtaposer des prises de vue bien éclairées sous tous les angles. On appelle cela la photographie computationnelle.

 

http://expo-photo.blog.lemonde.fr/2012/03/07/de-nouveaux-yeux-pour-voir-le-monde/

le bonheur hommage à HappyLab


Le bonheur n’est pas sûr
le bonheur n’est pas clair
le bonheur n’est pas rose

Du moins quand il se pose
Il a les pieds sur terre
Le bout du nez en l’air
Le bonheur c’est d’y croire
Et d’aimer courir
C’est aller vite agir
sans calculer ou
Après avoir bien calculé
C’est tout ce qui reste
A la fin d’oublié
Pas de recette, un dé jeté
Le bonheur c’est malgré
Le bonheur c’est carré
le bonheur c’est d’avoir
l’amour devant, dedans et tout autour
Le bonheur c’est tout près
le bonheur c’est jamais
Le bonheur c’est toujours
le bonheur c’est qui sait
Le bonheur imparfait
C’est parfait

Remerciements à Joanna Quelen et à toute l’équipe du HappyLab

http://www.happylab.fr/category/quisommesnous/

Avec la voix de Nicole de Chancey à l’oreille, « imparfaite dans son imperfection »

Les bisous de la Castafiore (2)


Puissance de la sobriété:

Description de la Castafiore dans Wikipédia :
Genre Femme
Espèce Humain
Cheveux Blond
Yeux Noirs
Activité(s) Cantatrice, diva
Caractéristique(s) Dame bien charpentée, élégante, dotée d’une voix puissante, mondialement reconnue
Famille Aucune connue
Entourage Tintin
Archibald Haddock
Irma
Igor Wagner
Ennemi(s) Aucun

Le rossignol milanais

La voix dans la jungle


Une femme à la radio raconte sa vie d’otage en Colombie. Sa voix se détache entre des silences, et dans ces silences on entend le respect, la compassion du journaliste plus habitué à mordre qu’à laisser se déployer la parole nue. Le timbre est clair, équilibré. Cette femme a su se reconstruire après les traitements dégradants,   les plus belles années de sa vie perdues. Compter les fourmis qui passent entre ses orteils, suivre la progression d’une goutte d’eau le long d’une brindille en méditant la prochaine tentative d’évasion. Des jours, des semaines à guetter la voix de sa famille à la radio, pour lui rappeler qu’elle compte encore parmi les humains.  Endurer, tenir, garder sa dignité. On entend frissonner chaque feuille de la jungle, un mur vert qui se refermait sur elle chaque fois qu’elle tentait de s’arracher à ses geôliers. Dépendre d’eux pour la moindre chose, entièrement. C’est tout cela qu’elle raconte, avec les mots qu’elle a trouvés dans l’écriture.  Il y a des choses qu’on ne peut pas dire à ceux qui vous aiment, et que l’on ne peut pas non plus taire de peur qu’elles restent à pourrir là, tout au fond de l’âme.  La radio  permet à la parole d’être dite, au coeur d’un studio capitonné, avec ce qu’il faut de lointaine intimité pour de tenir à distance le plus fort de l’horreur. Elle ne s’était pas attiré que des sympathies, mais il y a la force intacte, et toutes les couleurs de la cruauté, de la tendresse et de l’espoir dans cette voix somptueuse qui sort, ce matin, de mon petit poste de radio.

Il se trouve tout de même un romancier pour écrire : « c’est bien peu de choses, quand même, les relations humaines ». (Michel Houellebecq, la Carte et le territoire).

Booster Blog


un lien vers ce site pour booster votre blog

http://www.boosterblog.com



Et vous, qu’en pensez-vous?


380 « vues » depuis l’ouverture de ce blog il y a à peine quelques semaines… Je n’en reviens pas! Mais qui êtes-vous? Qu’en pensez-vous? Certains m’ont fait part de leurs commentaires, en direct sur le blog, par e-mail ou de vive voix. D’autres sont passés discrètement,  heureux de découvrir en notre compagnie la Sarthe et l’île de Ré, de mieux goûter leurs propres sensations,  de faire ensemble un « arrêt sur images ». Je dis « nous », car il me semble, au fil de ces commentaires, avoir vu se créer une famille autour de ces petites pastilles. Et puis? Qu’attendez-vous? Me suivrez-vous jusqu’à Paris? Reverrons-nous Margot, Juliette et Joséphine? On m’a dit que l’on entendait, parfois, crier des mouettes sur le bassin du Luxembourg, et j’y ai vu passer des ânes, un enfant d’bobo sur le dos. On va devoir changer de langue et de territoire, aussi. Certains jours, on sera caustique, et peut-être même en colère. On fera des expériences.

Voilà, ce journal estival, productif et gourmand  va bientôt se refermer. Encore un article ou deux pour boucler l’épisode en famille, des portes de voiture qui claquent, un grand moment de solitude pour ceux qui restent et tous ces liens tissés, recréés, enrichis de conversations, de promenades et d’épluchages autour de la toile cirée. On changera la palette de couleurs, avec des rouges plus profonds, des jaunes moins vifs, des bruns terreux. Le placard de la cuisine va bientôt grincer une dernière fois, mais pas tout de suite… Car après l’été vient l’automne, et je me suis promis de tenir jusqu’au 11 octobre, pour l’épilogue. Une signature à grands mots rouges dans le livre d’or m’invite à revenir encore une fois sur le chemin de la fidélité, à questionner les ombres, à chercher la voie du courage en votre compagnie. Il n’y a pas de vacances à la persévérance.

les bisous de la Castafiore


Ma nièce (la petite) : « moi aussi je veux un bisou de la Castafiore« .

Et tiens, j’en remets un coup à propos des Roms. Qu’est-ce que c’est que cette façon de stigmatiser les « “très grosses cylindrées [qui] tire[nt] des caravanes” »? Que fait le syndicat du camping-caravaning? Au créneau les gars!

Lançons un concours de slogans, genre :
– « à cinquante ans, si t’as pas une caravane, t’as raté ta vie »

Margot (2/3)


Le lecteur doit savoir que ce n’était pas la première apparition de Brigitte, pardon, Margot, à Ré. Nous avions déjà eu une longue discussion à propos d’un texte que je lui avais demandé de lire en public avec D…, il y a plus de dix ans, et qui contait le tout premier séjour sur l’île. Il y a longtemps que j’ai perdu ce texte, une série de nouvelles que je n’aurai jamais le courage de reconstituer.

–  C’est curieux, m’avait-elle fait observer, le nombre de choses importantes que tu perds. D’abord tes carnets d’aquarelle, et puis ces textes. Comme si tu passais ton temps à te dessaisir de ce que tu crées, ou que tu n’assumais pas…

L’île était le lieu de naissance de mon tout premier texte et de mes premiers dessins à la plume, il n’était donc pas anodin que j’y revienne après de si longues années de silence créatif.

Il n’était pas innocent non plus qu’elle eût choisi d’apparaître dans cette gare de la Rochelle, au moment où je m’apprêtais à remettre l’artiste dans sa box pour une autre année. La rentrée avait ses impératifs, j’allais devoir me concentrer sur mes nouvelles activités professionnelles, et voilà qu’elle surgissait avec ses robes de satin, ses velours, ses naïades, ses suivantes et sa verve. Elle me barrait la voie de l’oubli pour me forcer à rester fidèle aux promesses de l’aube. Sacrée Margot ! Il faudrait que je raconte tout cela à Brigitte, la vraie, lorsque nous nous reverrions à Paris dans son atelier d’écriture.

–          Ah, dis-moi … (elle gonflait ses joues comme elle faisait chaque fois qu’elle était perplexe) … ce personnage de fiction, il faut que tu lui inventes une vie bien à elle. Elle ne peut pas se lancer dans sa vie fictive avec la biographie d’une autre, ce ne serait pas bien.

–          Je pourrais ajouter quelques éléments biographiques originaux. Par exemple, je pourrais en faire une cousine. Margot la bretonne, qu’en penses-tu ?

Nous étions à la poissonnerie, au marché couvert d’Ars en Ré. Le vendeur observait, fasciné, le mouvement des joues qui devait lui rappeler certains poissons d’eau profonde. Elle portait un ciré jaune étincelant.

–          C’est toi qui vois. Encore une chose, à propos de ce qui s’est passé  sur l’île. Rappelle-toi ce bouillonnement d’énergie lorsque tu avais arrêté de fumer. Tu retrouvais peu à peu les odeurs, la saveur des aliments. Tu disais que tu avais l’impression de naître une deuxième fois, que c’était comme venir au monde avec la vivacité des sensations de l’enfance et un cerveau d’adulte pour mieux les apprécier.

–          Oui ?

–          Eh bien c’est un peu la même chose. Tu retrouves ton pays, la France, avec ses paysages, sa lumière, sa texture, et là aussi c’est comme une seconde naissance.

–          La troisième alors. Tu vois finalement je fais comme toi, je m’invente des vies. J’avais aussi peur de reprendre la cigarette et de perdre alors tout l‘acquis, avec en plus le désespoir de l’échec. A l’époque, j’avais ressenti le besoin de formuler ce changement comme un projet de vie. La peur du vide était si forte que je devais à tout prix m’occuper le corps et l’esprit. Chaque instant devait être meublé. Jusqu’à ce que je m’habitue. Tu sais, c’est comme la chanson de Léo Ferré, « avec le temps ».

–          Je connais, merci. Eh bien, raconte cette histoire-là, l’histoire de ton sevrage. La peur du vide, le besoin de s’inventer des écrans de fumée, ca nous concerne tous. La vie, c’est un rôle de composition, il faut créer son personnage avec de vrais morceaux d’humain glanés à droite, à gauche ; une intonation, un geste, un regard.

–           C’est drôle, Brigitte n’aurait jamais dit « glané ».

–          Mais moi je suis Margot. Tu vois, je commence à exister. Je disais donc, la peur du vide, c’est ça qui nous fait pédaler sur nos petits vélos.

–          Et toi dans tout ça, qu’espères-tu ?

–          Un beau texte à conter, dans une langue agréable et bien cadencée, des vrais mots qu’on fait rouler de droite à gauche, à l’intérieur des joues, et qu’on éprouve sur le bout de la langue avant de les prononcer. Des personnages qui donnent envie de se glisser dans leur peau, de trouver leurs intonations, leurs gestes et jusqu’au rythme de leur pas. Une histoire que l’on prend comme un kayak au fil de la rivière et que l’on descend jusqu’à l’embouchure.

–          Mais je n’ai même pas le commencement d’une histoire !

–          Trouvons le kayak, et l’histoire suivra.

Mardi 2 août, la Rochelle


 

Soulever un coin du voile, pousser la petite porte...