Les loups devant la porte


I

On connaît la chanson des loups

Décembre et les rivières gelées

Les foules mauvaises, ensorcelées

Qui s’en vont lyncher comme on danse

Les loups, chantions-nous en riant,

Les loups sont entrés dans Paris

Je la chantais avec mes sœurs

Les loups sont entrés dans nos cœurs

Un torchon mouillé sur l’épaule

En essuyant la vaisselle on braillait

Que c’était joyeux les loups c’était drôle

Après la fête, au pied d’un sapin vert

Un soir un réfugié chilien frappe à la porte

C’était noël on ouvre en ce temps-là Paris

Brillait de loin pour ceux qui souffrent

Il est resté jusqu’au matin

(Décembre 2023)

II

Trouble indicible où nous jette

Le regard des loups

Réveillant la haine et la honte

Ils sont devant la porte

En cercle autour de nos chalets

Leur immobilité nous sonde

Que savent-ils de nos mondes ?

Ces loups sont géopolitiques

Ils ont tracé des chemins dans la neige

A travers les forêts, les combes

Agrandissant leurs territoires

Du haut des crêtes ils fondent

Sur les brebis qu’ils terrorisent

Et le soir quand leur chant résonne

La nuit s’épaissit de silence

Où leurs yeux s’invisibilisent

III

Un jour, les bergers s’organisent

Depuis le temps que l’on s’épie

L’un grandit dans le rêve de l’autre

Leur faim se bat contre la nôtre

On s’accroche à des silences, à des signes

Comme eux bientôt nous serons sans pays

Sans bagage et sans marchandise

Ils n’entrent pas dans les églises

IV

Saurons-nous partager la terre

Avec les seigneurs du silence ?

Saurons-nous danser comme ils chantent

Sous les astres ?

Le temps des humains-rois s’achève

Nos fêtes sont fines comme la glace des étangs

Qui fond dès les premiers jours du printemps

Que ferons-nous de ce désastre ?

Décembre 2023

T’ang Haiwen, sans-titre, exposition musée Guimet

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