Plus que quelques pages à remplir dans le ZAP-book à couverture bleue. L’automne est venu, qu’ai-je appris ? Discipline et disponibilité. Famille/amis, inconnus : de tous, l’élève. Sur la pratique régulière de l’écriture : un processus laborieux, pénible, où l’expérience n’est qu’une étincelle de départ, où le bonheur n’est jamais sûr. Réduction du bavardage, comme un sculpteur extrayant une forme en pleine taille à partir d’un bloc. Et toujours la main, les outils : le marteau, la gouge.
A propos de la famille : être là, présences, écoute. Repas. Le temps que cela prend, de nourrir onze personnes ! Jouer avec les enfants, rire. Une famille ce sont des équilibres qui se font et se défont sans cesse. Bienveillance. Cela seul nous sauve, la solidarité. Sans cela, on serait bons à jeter, comme espèce. La différence se joue à 10 puissance moins quinze, dirait Nicolas le mathématicien. Mon ami d’enfance et sa femme, convergeant : perdus ensemble, et retrouvés, leur définition de l’amour.
Appris à dire les émotions, la gratitude, et cette année ma génération qui prend ses responsabilités. En cueillant des mûres, l’idée que si ce monde n’a pas de sens, on n’en est pas quittes pour autant car il nous échoit la responsabilité d’en créer un. (Margot, mon coach en écriture : – Nous tombe dessus, chéri, « échoit » ça fait un peu vieille France
– OK, coach
– Et n’oublie pas de réduire le bavardage
– OK, coach)
Dommage qu’on arrive au mauvais moment, dans un monde en transition, nous-mêmes en transition. Ce journal peut aussi se lire comme un itinéraire de responsabilité – physique, émotionnelle, productive et solidaire. Se prendre en charge, assumer ses choix, vivre au milieu des autres et dans la trame des générations. Se préparer à l’insupportable, à l’impensable, entrer dans ces années pénibles, dans cet « avant » qui nous rapproche du mur. Apprivoiser la future douleur comme on tâte une dent cariée du bout de la langue, sans pouvoir s’empêcher d’y revenir sans cesse. Affronter ce futur vide et lui opposer un barrage de mots. L’écriture cesse d’être dérisoire lorsqu’elle devient moyen d’apprivoiser la disparition du bruit, des lumières, d’un être aimé.