L’amie C… me demande comment je fais pour trouver encore de la lumière à partager, quand il fait si noir. C’est que la noirceur m’inspire. C’est une adversaire intéressante. Elle mérite bien quelques efforts, surtout lorsqu’elle se fait si dense, si profonde et si nauséabonde. Quand le consensus est glacial, miser sur la chaleur devient un acte de rébellion.
Et puis, pour la lumière, il y a les femmes. Pas toutes. Pas n’importe lesquelles. Celles qui respirent grand, large et fort.
Michelle Obama, par exemple.
Ma nièce de quinze ans a commencé à s’intéresser à la politique en écoutant son discours du New Hampshire, qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Ses cousines plus âgées l’ont regardée sur YouTube, en anglais. On en a parlé sur le Whatsapp familial. Leurs mères, leur grand-mère ont pris le relais, et bientôt la conversation n’a plus roulé que sur cet événement, sa signification, sa portée. Pas seulement pour les américaines mais pour toutes les femmes. Et pour les hommes aussi. Mais comment peut-on avoir autant d’impact sans exercer le pouvoir, et sans miser sur l’influence ?
En un mot, comment devient-on Michelle Obama ?
Comment devient-on cette icône planétaire ? Bien plus qu’un phénomène viral : un exemple inédit de leadership, un modèle. Animée de la même force de conviction que Thatcher, mais généreuse, humaine, et plus inspirante qu’Angela Merkel ou Theresa May. Pour tous les peuples, et pour longtemps. En Europe, au Moyen-Orient, aux Philippines, en Inde et dans toute l’Afrique anglophone.
N’en doutez pas, sa place est assurée dans l’histoire, et pas seulement celle des Etats-Unis. J’ai la conviction que sa trace ne cessera de grandir et de s’approfondir avec son message, au fur et à mesure qu’elle prendra corps dans la vie des femmes de toutes origines et de toutes générations. On étudiera cette vidéo dans les séminaires de communication politique, puis dans les écoles, comme on étudie aujourd’hui l’adresse de Williamsburg. Parce qu’elle capture un tournant décisif.
Plus encore que les faits, le style ou la trajectoire de cette femme exceptionnelle, ce qui frappe, c’est l’élan. Un souffle, une éloquence qui balaient le découragement, les doutes, les objections, capables de retourner, d’enflammer, de jeter dans l’action le public le plus cynique, le plus désabusé qu’on ait connu dans l’histoire américaine.
Une femme.
Une voix puissante, qui dit non
Qui dit stop
Qui dit ceci doit cesser immédiatement
La veulerie, le mépris, le sexisme outrancier, la haine crue, l’ignorance affichée comme un trophée, ce torrent de boue vomi jour après jour par un ego que rien ne bride.
Une voix qui demande le respect. Qui l’exige. Sans compromis.
Sous la lumière intense de ce projecteur, le choix devient clair. Limpide, même. Transcendée, la peu ragoûtante compétition entre une politicienne chevronnée et un évadé fiscal fier de son incompétence passe dans une autre dimension. Avec des mots simples, prononcés distinctement de manière à pouvoir être comprise de toutes, Michelle Obama dessine un monde vivable et désirable.
Quel que soit le résultat de ces élections, celle qui sut dès le premier jour mettre un D majuscule dans l’expression Première Dame a fait voler en éclats l’image conventionnelle d’une épouse de président. Après avoir gagné le respect, la confiance et l’affection des américaines, imposant la normalité de la présence d’une femme noire à la Maison blanche, elle a trouvé dans le soutien à la candidature d’une autre un canal extraordinaire pour exister et faire exister ses convictions les plus profondes.
Elle l’a fait en un seul discours, mais quel discours ! Acéré comme un diamant, brûlant d’une fureur contenue, canalisée, rageuse, tout en faisant preuve d’une maîtrise incroyable, tandis qu’elle exprimait sa douleur, son refus de l’humiliation, soulevant peu à peu toute une salle pour résonner bien au-delà des seuls Etats-Unis, aux quatre coins de la planète.
Dans cette époque où des peuples entiers se vautrent dans la haine, cédant à leurs instincts les plus abjects, où l’on cherche parfois en vain des raisons d’espérer, elle affirme avec éclat qu’il n’est pas besoin d’espérer gagner pour agir.
Il suffit, mais c’est énorme, insensé, de garder le cap en s’accrochant à cette vertu si peu tendance, dernier refuge de ceux qu’écrasent l’arrogance et la vulgarité des puissants : la dignité.
Michelle, ma belle.
Et parfois (souvent?), la lumière vient des mots …
Merci pour ce texte, Robert ! Inspirant comme les mots de Michèle.
Je n’avais pas encore pris le temps d’écouter ce discours (et pourtant, tu l’avais souligné, il y a quelques semaines). Ton texte m’a littéralement « obligée » à me poser et à écouter.
Wahou… Quelle congruence, quelles valeurs, quel courage, quelle émotion !