L’année commence à pas de loup, dit cet ami lorsqu’on l’interroge sur sa « météo interne ». Il évoque son hésitation à s’engager trop rapidement dans l’action, son besoin de tâter la consistance de la neige avant d’y faire porter tout son poids.
En l’écoutant, me viennent à l’esprit les images d’un documentaire vu récemment. On y suivait Vincent Munier, photographe spécialisé dans les prises de vues d’animaux blancs, traquant dans la poudreuse non des traces de loups, mais d’oiseaux, de lièvres, ou d’un renard occasionnel.

Il y a quelque chose de merveilleusement apaisant dans ces vastes paysages enneigés, silencieux, d’un blanc pur, doucement lumineux, où pointe parfois l’éclat d’une branche, l’arête d’un rocher. L’œil, autant que l’esprit, s’y perd et s’y repose. On se sent gagné par la calme intensité du photographe. Quel type de guetteur est-il, affûté, revivifié, tamisé dans la concentration extrême, enseveli jusqu’au cœur dans cet amas ouaté après avoir marché pendant des heures pour arriver jusqu’à la combe ?
Peut-on danser avec les loups ? Quelque chose en nous de très ancien demande à frémir avec le lièvre, à se blottir dans la tiédeur des tanières, à se laisser porter comme l’oiseau par les courants ascendants, jusqu’aux cimes.
Prendre le temps de savourer la présence à peine perceptible du vivant est un cadeau que l’on peut se faire, avant que ne s’ébranle le lourd convoi des jours et des semaines. Cela ne coûte rien, ne consomme rien, n’abîme pas la planète. C’est de l’appréciation pure. Et cela peut suffire à nous redonner le sens d’une continuité avec nous-mêmes, après une année de ruptures et d’épreuves.
Sortir du temps, pour se sentir vivre. Puiser dans ce contact avec la part la plus précieuse de notre expérience la force et la détermination nécessaires pour affronter, le moment venu, ce qui se présentera.