Pour une résilience joyeuse


Pour conclure ce premier cycle de l’année sur le thème de la continuité, j’aimerais poser une question qui m’a été inspirée par un échange sur les réseaux sociaux. L’échange portait initialement sur les réactions à un article de Christian Clot intitulé : « Abandonnons la résilience, place à l’adaptation ! » https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/nouvelles-gouvernances/stop-resilience-adaptation-christian-clot/?fbclid=IwAR07v1sQB6PA8ce66SsmtLl6O2T_TvSD2YcuzHQ_uKTIrXSWRxaD-CtDj54

J’ai lu l’article, bien que je n’aime pas beaucoup les points d’exclamation dans un titre. Cela me donne la désagréable sensation d’une injonction comminatoire, éveillant immédiatement mon envie d’y résister. Mais lisons tout de même. L’auteur y propose de dépasser le concept d’anti-fragilité développé par Nassim Nicholas Taïeb, Il explique ensuite le concept d’adaptance qu’il a créé (créer un concept permet de déposer un copyright et de se créer un petit bout de territoire).

Pourquoi pas. Je préfère pour ma part revenir à la notion de continuité évoquée dans les trois précédents articles de ce cycle, en écho au livre de Barbara Stiegler « il faut s’adapter ». Elle s’y moque assez gentiment de cette injonction, sous-tendue par l’idée que nous serions insuffisants, inadaptés, alors que ce n’est pas, selon elle, l’humain, mais les structures et les croyances de la société et des organisations qui sont inadaptées. Moquerie mise à part, l’enjeu est bel et bien de développer les capacités adaptatives des individus, non pas par obligation, mais pour leur redonner du pouvoir sur le réel.

Peut-on, dès lors, imaginer une résilience joyeuse ? Le mot n’est en soi pas très enthousiasmant. Il évoque la capacité à récupérer d’un traumatisme, individuel ou collectif. Le retour à l’équilibre antérieur n’est pas garanti : comme dans la marche, on fait un pas en avant, puis un nouvel équilibre s’instaure. Mais il peut subsister des douleurs, des vulnérabilités. Alors, la joie ?

C’est pourtant ce que propose Joanna Macy, figure emblématique de l’éco-psychologie. La méthode du Travail Qui Relie, qu’elle a mise au point au cours d’années de recherche et de pratique, commence par un ancrage dans la gratitude.

Avant d’affronter, sans détourner les yeux, les réalités et les menaces qui pèsent sur la continuité de la vie sur terre, les exercices qu’elle propose ont pour but de nous aider à augmenter notre résilience, dans la joie.

C’est la joie, profonde, sincère, qui nous donne le courage, la force et la détermination pour surmonter la peur et le découragement face à l’adversité.

“Lorsqu’on prend l’habitude de tenir un journal de gratitude”, écrit-elle dans l’Espérance en mouvement, “ on entraîne son esprit à remarquer plus facilement et plus souvent les aspects positifs dans notre vie. Ressentir la gratitude est une compétence qui s’apprend et qui s’entraîne par la pratique”.

J’aime cette idée que nous puissions, par une pratique régulière, développer consciemment notre sens de l’’observation pour renforcer notre résilience et nos capacités d’adaptation. Prendre le temps de se remémorer les bons moments de la journée écoulée nous relie à nos sources intérieures de bien-être. Penser aux personnes avec qui nous avons eu le plaisir d’échanger, qui prennent soin de nous et dont nous aimons prendre soin. Porter consciemment notre attention sur les souvenirs agréables et l’élan de vie qu’ils éveillent en nous.

N’y a t’il pas là de quoi se réjouir ?

2 réponses à “Pour une résilience joyeuse

  1. Hendrick Monnier

    Merci Robert pour cette réflexion et la question qu’elle suscite. Il me revient à l’esprit que, dans sa présentation académique de la résilience, Boris Cyrulnik aborde indirectement l’adaptation en terme de nouveau rapport à soi, aux autres et au monde après tout acte de résilience… De là à dire que l’enthousiasme est de la partie… je ne suis pas certain.
    Pour autant, je corrobore l’idée d’une prise de conscience « opportuniste » et « affective » avec le sujet même de l’acte de résilience.
    L’enjeu est de partager et de rendre collectif l’exercice individuel. veux-tu construire un programme avec moi ?
    Hendrick

  2. Ton papier me fait irrésistiblement penser au « Cantique de l’apocalypse joyeuse » d’Arto Paasilina. Un bijou de drôlerie finlandaise

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