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Dimanche 15 : la marmotte insomniaque


 

Lost in Moulinsart

 

Eveil au son mou de la pluie tombant sur la terrasse. Encore une journée fichue. Pour les ballades en vélo, c’est mort. Machinalement je vais jusqu’à la fenêtre, ouvre en grand sur une odeur d’eau. Le paysage strié de hachures obliques ressemble à une planche de B.D. belge. En bas, les mamans tendues cherchent une idée pour occuper les enfants. On a déjà fait toutes les ballades, écumé la FNAC et vu les nouveaux films. Il faut bien dire (avouer, dirait ma nièce) que la Sarthe, pour les animations, c’est pas tip top. Quand le vert paradis tourne à l’enfer mouillé, la belle région redevient province et l’ennui, solide. En Bretagne, on sortirait les cirés jaune vif, on irait braver les vents, ramasser des seaux de bigorneaux, mais ici ca vous dégouline des arbres et ça vous casse le moral jusqu’à l’os. La mélancolie pointe son museau, on la repousse en visionnant cinquante fois la marmotte insomniaque sur l’Iphone de Juliette. Joséphine lui donne la réplique (Je parle, je parle, mais si ça se trouve, c’est déjà le printemps).

  • Elles partent aujourd’hui pour la Normandie, dégoûtées. Leurs éclats de rire vont nous manquer. Les garçons vont perdre des compagnes de jeux, se retrouver seuls au milieu des adultes, enfermés dans cette version no fun de Lost à Moulinsart (je vais pas relire les Bijoux de la Castafiore pour la cinquantième fois, proteste mon neveu!) (Ben si, c’est d’actu avec toutes les expulsions de Roms. Tintin, l’anti-Sarko, qui reçoit les gitans sur la grande pelouse de Moulinsart). A nous de les écouter, d’apprendre à lire ces expressions qui passent si vite sur leurs visages. Deux paires d’yeux qui vous interrogent, pétillent, boivent le monde.
  • Mon père entreprend de réparer les vélos pour la cinquantième fois, démonte et remonte les selles pour la plus grande fureur de leurs propriétaires qui n’avaient rien demandé et se retrouvent parfois déstabilisés en pleine côte lorsque la selle, mal vissée, retombe en zigzaguant.
  • Quand il ne nous fait pas mourir de rire en imitant ma sœur, mon beau-frère m’explique les arcanes du tatouage et de la compression d’images, l’hébergement et toutes les subtilités sans lesquelles ce blog ne connaîtra jamais son premier clic. Il raconte aussi les jeunes qu’il accueille à la Mission locale, des jeunes qui « n’ont pas les mots ». On n’a jamais assez de mots, ils ne sont jamais là quand on a besoin d’eux. Vouloir dire, c’est s’exposer à cette frustration et vivre avec. Si j’habitais en banlieue je commencerais par durcir mon corps. l’avantage du corps sur les mots, c’este qu’on est toujours sûr de l’avoir sous la main.