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Le retour à la ville (les pompiers, la guêpe et les Pokemon)


Si vous lisez cette chronique en ce moment, c’est que vous êtes encore en vacances, ou que vous aimeriez y être encore. Ce serait chouette, évidemment, de pouvoir être toujours en vacances.

Prendre son temps, vivre la saison pleinement, dans un environnement sensoriel riche, entouré de gens qu’on aime. Tâter des orteils le sable tiède, humer l’odeur de noisettes d’un sentier de rando, se donner à fond en kayak ou sur une planche de surf.

Ou rentrer. Mener à bien des projets, faire des rencontres stimulantes, exercer ses talents à réaliser quelque chose d’utile. Concrétiser ses utopies.

Voir plus large, seul ou à plusieurs.

« Utiliser avec audace des lieux temporairement inoccupés, accueillir des personnes démunies, des associations et entreprises solidaires ». Transformer un ex-hôpital en jardin, rucher, espace de coworking, centre d’hébergement pour migrants et mineurs en danger, scouts espagnols en uniforme beige avec foulard bien proprement roulé, bricoleurs et autres fêtards occasionnels : idée géniale, vibrante et fertile. Provocante, à l’image du parapluie rouge accroché à l’entrée de la Lingerie, aux Grands Voisins (www.lesgrandsvoisins.org).  De l’autre côté du mur, la Fondation Cartier propose jusqu’à la mi-décembre une exposition sur « le grand orchestre des animaux ». (lien ici) d’après le travail de Bernie Krause, musicien et bioacousticien américain. « une invitation à une méditation qui nous replace au cœur de tous les habitants et de toutes les espèces vivant sur notre planète ». (lien ici)

Assisterions-nous au grand retour de la nature dans la ville ? A la constitution d’un territoire expérimental, provisoire, ancrage de futurs souvenirs mémorables? Il y aurait là de quoi adoucir la peine de toutes celles et tous ceux pour qui les vacances représentent une occasion de renouer le contact avec les espaces naturels, les animaux, les plantes. Pour ces amateurs de découvertes et d’oxygène, le retour en ville évoque une plongée dans un monde stérile, asphyxiant d’un point de vue esthétique, relationnel et sensoriel.

Commentateur et lecteur assidu, l’ami M… s’enthousiasme pour la perméaculture et ce qu’il perçoit comme un mouvement de retour à la terre. Plus précisément, il faudrait évoquer un retour de la terre, ou de l’agricole, dans la ville. Autrefois, cela n’avait rien d’exceptionnel, et l’auteur de ces lignes se souvient d’avoir entendu chanter le dernier coq rue Notre-Dame des Champs. Des voisins nous ont raconté qu’on y trayait encore des vaches au début des années soixante.

Pour autant, la cohabitation ne va pas de soi. Les diverses populations se croisent plus qu’elles ne se rencontrent. Les contacts se limitent à un match de foot, un coup de main pour bricoler. L’apiculteur (Miel de Quartier) explique aux résidents africains qu’ils n’ont rien à craindre des abeilles, les musiques se mélangent plus que les humains. Au moins, on n’y bouscule pas violemment une personne convalescente, vulnérable et visiblement peu sûre d’elle, sous prétexte de chercher des Pokémon, comme on a pu le voir au parc de la Villette, avant de leur hurler que « quand on est handicapé, on reste chez soi ». Douceur bobo contre nouvelle sauvagerie digitale. Choisir son camp : je préfère boire de bières au gingembre avec des bobos que courir avec des crétins. La cohabitation avec les guêpes installées dans une botte de paille se révèle plus difficile, mais les jeunes campeuses espagnoles semblent beaucoup apprécier l’intervention des beaux pompiers français musclés, bronzés,équipés d’un casque de Darth Vador blanc contre les piqûres.   Le dialogue s’établit facilement.

En un mot, le pari n’est pas encore gagné, mais l’important est que cela se passe aujourd’hui, en plein cœur de la capitale, dans un quartier chic et non dans l’une de ces friches coincées entre deux voies de chemin de fer ou au bord du périphérique.

Allez-y, rencontrez les porteurs de projets et les résidents : cela vous fera un bol d’air, et cela pourrait même vous donner des idées.

 

Le bébé, les ruches, l’hôpital et la charité


C’est sans doute la première et dernière fois que l’on verra la photo d’un bébé sur ce blog.

Non pas que l’on ait quoi que ce soit contre ces attendrissantes créatures, dont nous avons beaucoup à apprendre en matière de développement personnel, mais parce qu’il y a des quantités de mamans qui couvrent déjà ce sujet, avec beaucoup de compétence et de talent.

Au départ, cette chronique devait apporter une réponse au commentaire désespéré autant qu’expressif de notre ami M…  suite à la dernière publication. Je le cite dans le texte (il va m’en vouloir à mort) : « chiotte », (il a bien écrit « chiotte », je n’invente pas, je ne déforme pas, c’est écrit comme ça, dans le texte, verbatim), « Chiotte… !! Tu nous as bercé tous l’été dans des moments sympas, nous permettant une évasion totale et lointaine…, Et voilà que tu nous remets dans le caca, comme dirait Christian Prigent, dans “Presque tout ! » Va falloir la chercher cette patate ! »

Et que voulez-vous répondre à cela, et à mon amie Christiane M…  qui me demande, après la leçon de grammaire et les bonds de cabri, où je trouve des raisons de « garder la patate » ?

J’aurais pu évoquer la tribune de Cyril Dion dans le Monde la semaine dernière ou celle, plus ancienne, de Joseph Stieglitz, ou encore le livre de Jeremy Rifkin sur la troisième révolution industrielle, mais pour rester plus proche de nous j’évoquerai plutôt ce qui se passe en ce moment   aux Grands Voisins, « le lieu le plus cool de tout Paris » cet été selon le site lebonbon.fr

https://www.lebonbon.fr/paris/societe/les-grands-voisins-un-village-utopique-en-plein-coeur-de-paris/

Ce « village utopique en plein cœur de Paris », est une « fabrique de biens communs » (http://lesgrandsvoisins.org/). Installé sur le site de l’ancien hôpital Saint Paul en attendant sa prochaine démolition et sa renaissance sous forme d’éco-quartier, il accueille de nombreux résidents et partenaires. Migrants, jeunes et femmes en difficulté, bobos et porteurs de projets s’y côtoient dans une ambiance à la fois festive et productive. On ne fait pas qu’y jouer au scrabble ou boire des canons sur de la musique tendance : pendant la journée, ça bricole sec (Yeswecamp), de nouveaux partenaires s’installent chaque semaine (une annexe de la Ruche), l’agriculture urbaine se déploie dans toute sa succulente diversité en attendant la prochaine récolte de MIEL.

Du miel ? Eh oui ! Car parmi les porteurs de projets se trouve mon ami Jérôme, apiculteur et  animateur de l’association Miel de quartier (http://www.mieldequartier.com/. Selon son site web, Miel de Quartier, c’est concentré de biodiversité urbaine à haute teneur en relations humaines.

Et le bébé, dans tout cela ? Patience. J’y viens.

Comme mon ami Jérôme, qui a les yeux aussi gros que le rayon d’action de ses abeilles, s’est mis trois locaux sur les bras, je lui ai proposé un coup de main pour la rénovation. Nous voilà donc partis à lessiver, poncer, gratter les murs en attendant de pouvoir les repeindre pour accueillir correctement les visiteurs le 11 septembre prochaine (suspense).

Et donc, un soir, les pouces et la nuque endoloris, je m’apprête à franchir le portail du site pour rentrer chez moi. Instinctivement, je lève les yeux, et je vois inscrit sur le mur d’un des bâtiments : « maternité ».

Et là, flash-back : je me rappelle être déjà venu ici, il y a vingt-six ans, pour voir ma sœur qui venait d’accoucher de sa seconde fille…

Laquelle vient à son tour d’accoucher d’un adorable bébé.

Tendresse, promesse, les cycles de la vie nous parlent dans leur langage mystérieux.

Donc, voici la photo.

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Buencarmino, le bloggeur qui tient ses promesses.