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La vie d’après, suite : l’inventaire


Célébrons et respectons les soignants

J’aime bien cette idée de célébrer les soignants par une grande manifestation collective lorsque ce sera possible, MAIS pour que ce ne soit pas une insulte à leur sacrifice, certaines conditions devront être remplies :


1. Une preuve d’humilité de nos gouvernants et autres experts sous forme de Retour d’EXpérience. Il ne s’agit pas de punir des individus mais de démonter entièrement, pièce par pièce, le “moteur décisionnel” clairement défectueux qui a amené les responsables à prendre de mauvaises décisions depuis 2012 (et pas seulement depuis janvier). Cette analyse impitoyable devra inclure le comportement du Président du Sénat et le Président de l’association des Maires de France et tous ceux qui menaçaient de hurler à la dictature en cas de report des élections municipales. Je préfère l’application du principe de responsabilité systémique (la chaîne d’actions et d’interactions) à celui, trop facile, du bouc émissaire

2. Une remise à plat de notre système de santé et de son financement. Là encore, les Français doivent être invités à cette réflexion collective dans un format responsabilisant tel que celui de la Convention Citoyenne pour le Climat. Puisque tout ne pourra pas être financé, les décisions devront être prises et assumées ensemble.

3. L’Agilité, basée sur la confiance et la responsabilisation, doit remplacer les procédures hiérarchiques descendantes qui contraignent aujourd’hui les soignants à passer plus de temps devant leurs ordinateurs qu’auprès de leurs patients. Dégager du temps pour le soin, l’écoute, implique d’alléger autre chose, ailleurs. Le micro-management infantilisant imposé par la Cour des comptes, seul véritable décisionnaire en matière de politique de santé, a des conséquences insupportables. Je n’oublierai jamais le stress de l’infirmière devant quitter précipitamment la chambre de ma mère en fin de vie pour aller, vite vite, remplir des formulaires. Et je ne supporte plus de coacher des médecins dégoûtés de leur métier par des contrôleurs CPAM suspicieux et malfaisants. Ce ne sont pas les personnes qu’il faut changer, c’est un modèle de prises de décisions descendant, hiérarchique, archaïque et mortifère. Alors, oui, si nous sommes capables de faire cela, je veux bien descendre les Champs Elysées en applaudissant, non pas quelques infirmières hissées symboliquement sur un bus pour les isoler de la foule, mais nous tous, qui aurons su reconfigurer en profondeur nos manières de penser, de décider, de de sentir et d’agir.

PS : j’apprends que 58 parlementaires de différentes sensibilités politiques lancent un appel invitant les Français à imaginer un « grand plan de transformation de notre société » à l’issue de la crise épidémique. Une consultation est ouverte à partir de samedi et pour une durée d’un mois, pour recueillir les propositions.http://www.lcp.fr/actualites/58-parlementaires-appellent-les-francais-construire-le-monde-dapres?fbclid=IwAR0RItAXULTXK3dCOJLz3iJi5CTqYB9nd4nni76Ah8vXlqSLlBzOvbfVkU8

Je partage également ici le commentaire d’Isabelle Delannoy appelant à remplir un grand questionnaire citoyen dans l’esprit des démarches proposées par Bruno  Latour

Il me semble important de réaliser avant d’y participer le questionnaire proposé par Bruno Latour pour se centrer sur ce que nous voulons voir apparaître et ce que nous voulons voir disparaître (il s’agit de deux initiatives différentes mais nul ne nous empêche de les relier !!) :

Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas.

Question 2 :

Décrivez pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente

et en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente. (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

Question 3 :

Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités.

Question 4 :

Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’ellesse développent/ reprennent ou même soient créées de toutes pièces ?

Question 5 :

Décrivez pourquoi cette activité vous apparaît positive et comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez et permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables. (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

Question 6 :

Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité.

(Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celle d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)

Lien vers l’article de Latour où il propose ce questionnaire : https://aoc.media/opinion/2020/03/29/imaginer-les-gestes-barrieres-contre-le-retour-a-la-production-davant-crise/

Et ceci : http://www.bruno-latour.fr/fr/node/851.html?fbclid=IwAR31YDa4ZWD2WKo4NACfaYOqFfjb4fr1IoNPffGlrekbHq9JakfhwNSVCn8

Balancez (tous) les porcs


Promenade hier soir avec un ami coach fraîchement arrivé à Paris. Tandis que nous marchons le long des grilles du Luxembourg, il se réjouit de la libération de la parole sur le harcèlement sexuel entraînée par l’affaire Weinstein. Alors que nous quittons les masses sombres du jardin pour nous diriger vers la Seine, il me demande : « penses-tu que cette prise de parole va s’élargir à d’autre formes de maltraitance, comme le harcèlement au travail ? » J’avoue que je n’y avais pas pensé. La plupart des articles que je lis sur ce sujet ne manquent pas de souligner que ces faits se produisent le plus souvent sur le lieu de travail, où les victimes (et les témoins) risquent leur carrière lorsqu’elles osent dénoncer leurs agresseurs. La peur du chômage, la sidération, la pression sociale jouent à fond contre la parole, et c’est précisément ce qui est en train de changer, on l’espère durablement.

C’est déjà une très bonne chose en soi. Ne sous-estimons pas le courage qu’il faut à celles qui osent enfin dénoncer l’inacceptable. Mais il y a plus. La question de mon ami pointait vers le pouvoir et son (mauvais) usage par ceux qui en sont les détenteurs, dans un contexte économique et sociétal marqué par la peur.  Qui sont les porcs, et qu’est-ce qui, dans leur environnement professionnel et culturel, les amène à croire qu’ils peuvent s’autoriser ces comportements d’une violence inadmissible ?

La plupart des personnes avec qui j’échange sur ce sujet, coachs, formateurs, professionnels du recrutement et des RH, s’accordent sur le fait que la crise économique et le sentiment de précarité n’ont fait que renforcer le système de pouvoir pyramidal et le sentiment de toute puissance que certains puisent dans leur statut hiérarchique. Le harcèlement moral, si difficile à prouver devant un juge, le burnout, les abus de toutes sortes sont devenus monnaie courante. Chaque fois que j’anime une formation ou un atelier pour plus de dix personnes, je peux être sûr qu’au moins l’une d’entre elles est en butte aux menées d’un ou de plusieurs pervers narcissiques. La proportion est encore plus élevée dans le coaching individuel. Plusieurs fois, j’ai dû faire remonter des alertes aux Risques Psycho-Sociaux, suscitant la gêne de mes interlocuteurs. A chaque fois, j’ai souligné qu’il s’agissait d’une obligation légale, et qu’ils risqueraient plus (légalement) à étouffer l’affaire plutôt qu’à la traiter.

Ce qui nous ramène à la question de mon ami : peut-on espérer une libération de la parole plus vaste, élargie à toutes les situations de harcèlement, à tous les abus de pouvoir, à toutes les formes de maltraitance en entreprise, dans les administrations et même, on le sait désormais, au sein de certaines grandes organisations humanitaires ?

N’est-il pas paradoxal que ces comportements perdurent, et même s’amplifient, dans un contexte où les nouvelles formes d’organisation (agilité, sociocratie, entreprise libérée) vont toutes dans le sens d’une répartition moins hiérarchique du pouvoir, où la Génération Y apparaît fortement demandeuse d’un autre rapport au travail, où la transparence amplifiée par les réseaux sociaux devrait rendre illusoire la croyance en une impunité durable ?

Car c’est de cela qu’il s’agit. De la fin de l’impunité. La vague «# balancetonporc » qui ne cesse de s’amplifier et de se renforcer apporte l’espoir que la peur, enfin, change de camp.

Mais cela ne suffira pas. L’agression, sous toutes ses formes, continuera tant qu’une réflexion de fond sur le pouvoir et ses dérives n’aura pas lieu. Concrètement, cela passera par des dispositifs d’alerte anonymes, par la démonstration que les harceleurs seront dénoncés et que de véritables sanctions seront prises, même à l’encontre de managers soi-disant indispensables à l’entreprise. On n’en est pas là, mais le mouvement a peut-être, enfin, commencé.  L’enjeu n’est rien moins de de créer une nouvelle culture, sociétale et managériale.

Qu’en pensez-vous?

Aimer l’Amour


En 2009, dans leur cahier « Futurs », les « trendspotters » de Peclers Paris identifiaient trois tendances de fond pour notre époque : Révélation, Révolution, et Régression, reprises mot pour mot trois années plus tard dans le supplément de Courrier International de décembre… 2011 !

Chacun le pressent avec un mélange de curiosité et d’appréhension : plus qu’une année nouvelle, ce à quoi nous assistons est l’avènement d’un nouveau monde, et ce monde qui vient ne nous fera pas de cadeaux. Faut-il pour autant céder à la sinistrose ? Pas forcément, car nous avons le choix, sinon des circonstances, du moins de la lecture que nous en faisons et de la réponse que nous souhaitons y apporter. Pour le dire en langage de coach, ce monde qui vient nous invite à faire preuve à la fois de résilience et d’agilité.

La résilience, pour affronter l’incertitude, la disparition des repères, la pression de l’anxiété qui monte autour de nous. L’agilité, pour mobiliser nos talents, nos ressources, oser saisir les opportunités, adapter nos comportements sans renoncer à nos valeurs.

A la tentation de la Régression, pour rester dans les « trois R » de Peclers, préférons donc la Relation. Petite anecdote : quelques jours avant noël, on ne trouvait déjà plus une seule carte « bonne année » dans les librairies. Plusieurs vendeuses, interrogées, avouèrent leur surprise de se trouver prématurément en rupture de stock. Comme si l’ambiance morose incitait chacun à resserrer les liens avec sa famille, ses amis proches ou lointains.

Pour que la sobriété imposée par la crise ne se résume pas à un exercice punitif, nous sommes toujours libres de puiser dans cette source d’énergie infiniment renouvelable qu’est l’amour, l’amitié, la solidarité, l’empathie.

Car comme l’écrit Jacques Salomé dans « Aimer l’Amour« , l’Amour ne nous appartient pas, il circule en nous, à travers nous. Ne cherchons pas à le retenir mais devenons ses ambassadeurs.

Très bonne année 2012 à toutes et à tous