Sans le « ah » de la pose, le dessin ne serait qu’un échafaudage, un mikado de traits juxtaposés sur le papier. Qu’on en tire un, tout s’écroule.
Lorsqu’elle évolue dans l’espace, ses pieds ancrés dans le sol en une posture asymétrique, son buste allant chercher la torsion maximale tandis que sa nuque ploie, il arrive que les dessinateurs se perdent, absorbés dans la poésie de Sophie. Leur main plane au-dessus du papier, saisie par la grâce.
D’autres fois, l’humilité du modèle palpite en creux, c’est un petit quelque chose qui semblerait s’excuser d’être là, au centre de l’attention, et qui continue de vibrer longtemps après qu’on a retourné le carnet de croquis contre un mur. Filet de voix, filet d’être.
D’autres fois encore c’est l’angle d’un pied, cocasse, impossible, irritant, qu’un trait rageur vient clore.
Pour qu’un vrai dessin naisse, il faut la magie d’une rencontre entre ces deux choses rares : la proposition du modèle, habitée, vivante, et le regard du dessinateur, libéré de toute forme, happé, disponible. Il faut la complicité, la tendresse, l’audace. il faut qu’un risque soit pris par amour des lignes.
En somme, il faut que le corps et le regard soient également nus. Lire la suite