Et Phèdre au labyrinthe (Exit Music)


1. Dans le labyrinthe des marais de Ré, Thierry ne nous guide pas. Il se contente de nous accompagner avec prévenance et discrétion pour mieux nous laisser savourer l’expérience, toute personnelle. A chacun de savoir ce qu’il cherche : le centre ou la sortie?

2. Amers : bâtiments, repères destinés à guider les marins vers le port dans les nuits de tempête. Le clocher d’Ars au centre de la photo dresse son cône noir, comme l’aiguille d’un cadran solaire. Assis en cercle  sur un talus, un groupe d’ados s’allume un joint. Rites de passage, perception distendue, ouatée, fous rires et futurs souvenirs. A chaque génération sa bulle. « Avons-nous assez navigué sur une onde mauvaise à boire, avons-nous assez divagué, de la belle aube au triste soir ? » (Apollinaire). Comme on y allait ! Le crescendo gémissant d’Exit Music aurait fait une bande-originale idéale pour le film que l’on se jouait ici-même, il y a trente ans. Déjà Gothiques, avec the Cure, et le reggae londonien de Linton Kwezi Johnson. « I was walkin’ down di road, anothe’ day… » Nos mains s’agrippaient au guidon du vélo tressautant sur les chemins d’alors, boueux, caillouteux, griffus de ronces. On allait vent debout jusqu’à Loye, transis, grelottants, dégustant février comme un rare privilège. Qu’on était snobs, et fiers de ce décalage hivernal! Aux ploucs, le soleil de juillet! La musique et l’hiver étaient notre royaume. Tout nous appartenait, on se payait de fièvre. On se construisait une salle d’attente de l’inattendu. On était comme eux, dans un monde plus grand.

3. « Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue
Avec vous se serait retrouvée ou perdue »

Parfaite métaphore de l’amour : se perdre ensemble, ensemble se retrouver.  Ceux qui n’ont jamais trouvé l’âme soeur et qu’on entend gémir, les soirs de grand vent. Ceux qui n’ont su trouver le chemin menant du territoire vers la langue, où continue de vivre une âme dansante, et qui perdent la poésie. « Avec vous descendue » : flamme vacillant dans les couloirs souterrains, bruits de pas furtifs, avancer guidés par le son d’une voix, la vibration unique entre toutes de la langue française, un pli dans la nuit lisse de l’ignorance et de la barbarie, la suivre et déboucher avec elle en pleine lumière. Croire en elle, par un acte d’amour et de volonté, fidèles à la voix grave de l’ami disparu qui nous récitait « Phèdre », ou plutôt la gravait en nous.

4. »Avec un ciel si gris qu’il fait l’humilité »…. Prendre le risque d’errer sans fin dans le labyrinthe, c’est le prix à payer pour trouver la grâce, ou plutôt, pour qu’elle nous trouve. Dans mon iPod, Exit Music égrène ses dernières plaintes : je n’ai plus le goût à cela, mon corps veut sa joie pure.

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