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Le sage et le singe ou comment réussir sa vie


Olivier Zara nous offre un beau cadeau de noël avec le Sage et le singe, que je viens de dévorer (lien ici vers le site du livre). Un livre pétillant, rafraîchissant, stimulant et surtout revigorant, que vous pourrez offrir à toutes celles et tous ceux que vous aimez. C’est l’histoire d’un papa qui décide de partager avec ses enfants (10 et 12 ans) quelques clés de sagesse. Mais plutôt que de leur infliger de la théorie, pourquoi ne pas passer direcctement à l’action? Au cours d’un été, ils vont pratiquer divers exercices de communication non violente, de gestion des conflits et de manière plus générale de développement personnel. Nous avons le choix, leur dit-il : nous comporter comme des singes qui reproduisent mécaniquement des comportements agressifs, ou comme des sages qui préfèrent emprunter une voie libératrice. Les mises en garde de Boris Cyrulnik sur la contamination des émotions négatives ou les prédictions de Yuval Noah Harari sur la domination prochaine de l’intelligence artificielle vous ont donné le bourdon ? Dans ce cas, plongez-vous vite dans Le sage et le singe, le livre qui redonne du pouvoir à ses lecteurs. Vous y trouverez des raisons d’espérer et quelques recettes faciles à appliquer (à condition de s’impliquer) pour développer toutes nos formes d’intelligence. Ne vous laissez pas tromper par l’appparente légèreté du propos : la planète des Sages n’est pas celle des bisounours. L’auteur, qui a connu de près la guerre en ex-Yougoslavie, nous propose une formidable boîte à outils pour renforcer notre résilience individuelle et collective. A la fin, la responsabilité nous revient.  Pour réussir sa vie, nous dit-il, il faut choisir sa planète : celle des singes, ou celle des sages?

 

http://www.axiopole.com/book/detail/le-sage-et-le-singe

Le Petit Prince élu des français


Avant noël il y a la nuit de décembre, et c’est sur ce fond d’un noir profond, collant, glacial, qu’il se détache. La lumière naît de ces heures froides. La promesse et la fête.

L’enfance.

Avec son insatiable curiosité. Avec son exigence, et sa croyance absolue que rien n’est impossible.

Le 11 décembre, on apprend, en regardant la Grande librairie (le classement ici), que le livre qui a le plus changé la vie des français (enfin, ceux qui s’expriment), serait le Petit Prince, d’Antoine de Saint Exupéry.

Dans un premier temps, cette annonce me comble de joie. Le Petit Prince, devant Madame Bovary, la Recherche et le Voyage au bout de la nuit. La poésie la plus pure, nourrie aux sources de la plus profonde sagesse,  de la plus grande générosité, la découverte de l’Autre et de son mystère.

Un livre né dans la nuit de la guerre et de l’Occupation. Dans la solitude New-yorkaise de l’auteur, si loin de la France, de sa planète natale.  Et puis voilà qu’un éditeur malin lui suggère d’inventer l’histoire de ce drôle de petit bonhomme qu’il ne cesse de griffonner sur des papiers, des nappes de restaurant.

Et voilà qu’il prend vie, ce petit bonhomme, avec son insistance et ses points d’interrogation.

« Apprivoiser », dit le renard. L’un des mots les plus beaux de la langue française. Scintillant, pétillant sous la langue, un doigt posé sur les lèvres et des gestes tout en retenue. Une rose, à nulle autre pareille. Différente, parce qu’aimée. « Si tu m’apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres».

Je suis heureux que mes compatriotes aient fait ce choix. Pour une fois que je suis en accord avec la majorité. Dans notre société au bord de l’asphyxie, cette élection « princière » fait entrer un peu de fraîcheur.

Et puis je m’interroge : n’y a t-il pas quelque chose d’un peu régressif dans cette décision?  La tentation de se réfugier dans la nostalgie de l’enfance, comme une protection contre la dureté de la vie ? Mais le fait est qu’il s’agit de l’ouvrage en langue française le plus traduit au monde. Or, on ne peut soupçonner la planète entière de succomber à la nostalgie. Il y a donc bien « quelque chose », et ce « quelque chose », je le nommerai poésie.  N’en déplaise à ses détracteurs (il y en a, qui s’expriment sur Twitter), le Petit prince est un conte, une fable, le récit d’un voyage à la découverte de l’Autre et de ses « planètes ».

L’Autre dont la présence nous construit ou nous reconstruit (Cyrulnik). C’est pour cela que nous fêtons noël. La fête des enfants, de la naissance et du renouvellement.

Noël, c’est le top départ de quelque chose d’énorme.  La guérison du monde (merci et pardon, Frédéric Lenoir). Nous en sommes, chacun pour sa part, les rois mages ou les bergers émerveillés, porteurs d’espérance  et de cadeaux.

Une promesse pareille, et qui se renouvelle tous les ans, bien sûr que ça change la vie !

Mes amis m’ont prêté des livres


Un jour où j’avais du chagrin, mes amis m’ont prêté des livres. Des livres en papier, avec une couverture et des pages à toucher, que l’on feuillette ensemble en cherchant ses passages favoris pour se les lire, les commenter longuement, les savourer à deux. Il y en a toute une pile à côté de mon lit. Des romans, des essais, de la poésie, des livres sur l’art. Les uns sont neufs, je n’ai pu résister à la tentation de les acquérir alors même que j’avais largement de quoi m’occuper. Les autres sont plus anciens, bombés, avec des coins légèrement cornés, des couvertures où s’imprime la trace des doigts qui les ont tenues.  Ceux-là s’enrichissent de lecture en lecture, ils portent en eux la mémoire de lecteurs et de lectrices attentives qui les ont incorporés dans la trame de leur vie.

De Le Clézio, Tempêtes évoque un coin d’Asie où la mer, les rochers et les hommes s’entrechoquent brutalement. L’amie qui me l’a prêté partage avec moi ce goût de l’Orient où vécut sa famille.  Elle me fournit régulièrement de la très bonne came-à-lire (à moi seul tous les personnages, de John Irving), et comme nous avons le même sens de l’humour c’est à chaque fois un plaisir redoublé.

Un autre roman, dont j’oublie le titre et l’auteur (!),  commence par une procession de femmes dans le nord du Vietnam : elles s’enfoncent loin dans la forêt pour y chercher du miel, renoncent à cause d’une averse, on sent la chaleur tropicale, la touffeur de la jungle et la peur des serpents, mais le roman me tombe des mains. Trop d’Asie tue l’Asie. J’enchaîne avec des essais : Cyrulnik, « de chair et d’âme », Jean-Claude Ameisen, « sur les épaules de Darwin », Frédéric Lenoir, « la guérison du monde », avant d’aller chercher mon miel dans « Le Royaume », d’Emmanuel Carrère (ce sera ma prochaine chronique). Pardon pour l’énumération en chaîne, limite « name dropping », ça fait un peu B52 larguant ses bombes au-dessus des forêts du Laos,  mais mon propos n’est pas aujourd’hui de parler du contenu. Mon sujet du jour, ce sont les lectrices et les lecteurs. Et puis, on m’attend pour peindre un plafond. (Le bricolage, toutes formes de travail manuel, peindre ou poncer, idéal aussi pour guérir).

Prêter des livres est une manière qu’ont trouvé les humains de prodiguer de l’affection, de témoigner sa solidarité à ceux qui en ont besoin. C’est leur manière de contribuer au processus de guérison, comme on dirait : « tiens, prends des vitamines », ou « et si tu te remettais au sport » ? Tous ces conseils sont excellents, mais les livres offrent quelque chose de plus, quelque chose d’inestimable : ils sont comme les ambassadeurs de ceux qui nous les ont prêtés, dévoilant, par le choix des titres et des auteurs, quelque chose de leur intimité.

Et ca, c’est de la gelée royale.