Séminaire Altercoop, Pédagogie de l’Altérité et de la Coopération AlterCoop
Bellegarde en Diois, mars 2018.
Un cercle de chaises vide où la lumière se prend.
Chacun vient avec son récit, sa soif, sa part d’ombre et son miel.
Par l’Est, entrez dans le cercle et posez ce qui vous retient.
Le corps capture et transforme en rayons les peurs et les poussières. Expirez vers la Terre.
Soudain, c’est autre chose, on est passés non dans l’Ailleurs mais dans un Ici plus profond.
…
Nous sommes à la fois le cœur et le territoire. Parmi nous dansent les loups des crètes et le colibri. La montagne environnante accueille la vibration de nos chants. Gorges et vallons, forêts et prairies s’en imprègnent. Ce qui résonne si fort explose les cadres et fait trembler les mots jusque dans leur racine.
Sourde violence d’un monde qui naît. Vomir un lit de graviers, car c’est à ce prix qu’on fait de la place au neuf.
Enfin vient la délicatesse, le tissage des voix, des regards. Dans la paix sont préparés des repas si nobles qu’on oublierait de s’en apercevoir. On y baignerait comme dans la musique. On finirait par trouver naturelle, évidente, une chose aussi folle que le partage. Il y aurait de l’espace entre les frayeurs, on oserait franchir la Mer Rouge et les plus petits d’entre nous se découvriraient de l’audace.
Alors viendrait l’heure des parfums. D’insondables fragrances nous emporteraient dans leur capsule temporelle, on prendrait des G comme les astronautes au décollage, sans savoir si le voyage nous mène vers l’enfance ou vers la planète Mars.
De leur tracteur, deux paysans moustachus nous feraient signe. On les saurait gardiens d’un message à vivre, et qui ne peut sans préparation s’exposer sur les places.
Sur son poteau téléphonique, la pie noire et blanche tiendrait dans la neige fondue son rôle de frontière.
Au moment du retour – car il doit y avoir le Retour, après de telles agapes – on formulerait des promesses téméraires, on se sentirait prêts à braver la tiédeur des villes, à rentrer dans le flux compact et lumineux des voitures, à s’enorgueillir de posséder tant de riche connaissance.
On se sentirait transformés.
Pourtant, rien n’est sûr.
L’hiver tient dans ses racines, où trébuchent les animaux que nous sommes.
Il faudrait, pour tenir, songer à sculpter un totem.