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La forêt de Saint Clair


Cette forêt n’est pas silencieuse.

Ce n’est pas le contraire d’une ville, offrant aux citadins épuisés le trésor de son calme.

C’est un monde où la vie grouille sous les pierres, dans le tronc des châtaigniers déracinés, dans le touffu des ronces.

Elle existe pour elle-même, pas pour notre plaisir. Et cette vie suit ses propres lois, s’organise, partage les ressources et le territoire. Grimpereaux, geais des chênes, locustelles, pinsons, bruants, s’avertissent de notre passage et poursuivent leurs activités.

C’est un habitat vivant, vibrant, puissamment odorant, un espace intermédiaire aux mille visages.

Tôt le matin, ce territoire bruisse, jacasse, craque et crie, parcouru de ruisseaux glougloutants, feuillolant au gré du vent, souffrant de la sécheresse et cherchant le moyen de survivre.

Comme nous, la forêt vit une catastrophe.

A son orée, la fontaine de Saint Clair offre, à qui le demande, fraîcheur et discernement.

Rassemblant quelques feuilles jaunies, des mousses et des branches, je compose un mandala forestier.

Sur les vieilles pierres luisantes, il propose un motif de lien, de gratitude et d’ouverture.

La rencontre se fait. Plus loin, la pierre touchée dans le chemin libère un flot d’images, d’émotions.

Joie, douceur inattendue, surprise, guérison.

Et pour toute eau, des larmes.

Un dimanche à Venise


Si vous vivez en ville en ce moment, vous aurez certainement besoin d’entendre quelque chose comme ceci pour préserver votre santé mentale : Mésange charbonnière

Ou bien celui-ci : Chants d’oiseaux

Régalez-vous, c’est gratuit, offert par la nature. ce n’est pas que les oiseaux avaient disparu des villes, mais leur chant était couvert par le bruit des voitures.

Mais si vous voulez faire plus que les entendre, et vous entraîner à les reconnaître, c’est ici, par exemple la mésange charbonnière  (tulip-tulip-tulip):encore des oiseaux

A ne pas confondre avec la mésange bleue, « toujours vie et décidée ». Sa voix est très aigue, acidulée, un peu aigrelette selon le commentateur :   « c’est un peu comme un petit éclat de rire suraigu » mésange bleue

Et pour s’exercer à en reconnaître jusqu’à 25 espèces, c’est ici : 25 chants d’oiseaux

La nature reprend ses droits, partout, dans les villes abandonnées par les touristes. On aurait aperçu des dauphins nageant dans le grand canal, à  Venise, Dauphins à Venisetandis que les parisiens redécouvrent émerveillés le chant des oiseaux. J’ai décidé d’apprendre à les reconnaître, un par un : Courrier international des dauphins à Venise

Et le petit chêne incongru qui pousse au milieu des fleurs, sur le balcon de ma mère. Que fait-il là ? Chêne au balcon

Je conclus ce moment Turquoise par une nouvelle citation des Furtifs, d’Alain Damasio, poursuite du fragment partagé hier : « Un anthropologue aurait certainement su montrer que ces pratiques, à la fois énergétiques, sociales et spirituelles, tramaient en profondeur, à la manière d’un batik. (…) Je connaissais très peu de communautés où les liens étaient aussi délicatement tissés entre les gens, où l’on sentait une attention mutuelle, une attention ourlée et constante, j’allais dire féminine. Et encore moins de communautés où ces liens humains semblaient se prolonger hors du social, en rhizome à nos pieds ou à la façon de branches qui auraient poussé au bout de nos doigts, tendues vers … Vers quoi ? Les animaux et les plantes, la terre retournée, le fleuve ? Plus loin ? Vers le cosmos ? Ça sortait en tout cas du seulement-humain, de trop-humain, de l’hominite aigüe qui nous attaque les os et les sinus, nous rend si pincés, si étroits. »

Si ce vocabulaire, ou ce qu’il évoque, vous paraît ésotérique, ce n’est pas grave. Entraînez-vous déjà à reconnaitre le chant des oiseaux.

Flottaison bleue


Flottaison

Des mots comme des algues et des pensées-coraux
La mer autour qui bat
Pulsation d’anémone
La terreur se disperse au fond des mers
Avec les toxines
Elle se dissout comme on respire
Dans ce milieu tolérant
S’emplir ou se vider flottant plus bas plus haut descendre ou demeurer dans le courant
Sans lutter
Sans vouloir
Heureux, stable et vivant
Puis remonter vers le ciel bleu

Quand revient la lumière


La Terre est notre territoire. Notre famille, c’est le vivant. Les aimer, c’est s’aimer soi-même.

Ce matin, à la campagne, réveillé par les cris des corbeaux, j’ai reçu ce magnifique message que j’aimerais partager avec vous. Il vient d’une amie avec qui nous avions parlé du climat, du risque d’effondrement de la civilisation humaine etc. C’est une très belle réponse au sentiment d’angoisse qui monte (ou à la politique de l’autruche de certains). En ce jour où nous méditons sur les disparus de nos lignées familiales et sur les liens d’amour, ce message nous remet dans le courant de la vie :

« Suite à notre discussion au téléphone et aux différents articles sur le climat et les actualités
J’ai eu cette réfléxion que j’ai mis du temps à formuler
Elle me paraît essentielle
Peut etre Ca te parlera
Peut être pourrons nous en discuter

Le résultat de l’état de la terre et ce que nous en faisons, il n’est pas un état lié à ces 50 dernières années, il est le résultat d’une évolution.
L’évolution de l’homme.
Si on regarde en arrière, l’industrialisation et le développement du capitalisme sont les conséquences de conquêtes. Rien que la conquête des Indes et des Amériques où l’Occident va dominer par la violence les peuples qu’il considère comme sauvages, ou encore le principe de domination de la Nature par l’homme qui plus tard donnera l’agriculture.
Il n y a pas ici à juger de notre évolution, Elle n’est ni Bien ni mal, Elle est.
Le judéo-christianisme a apporté beaucoup de transformations et jusqu’il y a peu inscrites dans notre inconscient collectif occidental.
La notion de faute de culpabilité de Bon de mauvais, la position de soumission infantile face à un dieu Pere Tout puissant, l’homme qui remet sa puissance au Pere(Freud parle de ca il me semble).
Aujourdhui cette impuissance et cette culpabilité face au Monde sont un aveu de désamour et de séparation Pour l’homme.
On se sent impuissant à faire car on se croit séparé de la terre, séparé du Monde et des autres et coupable. (Commentaire de Robert : la méditation en pleine conscience permet justement de remédier à ce sentiment de séparation d’avec nos propres ressentis, avec les autres, avec les espèces vivantes et avec le monde)
Le Monde est ce qu’il est et nous avons bien du mal à le regarder en face. Inconfort.
Car c’est un Miroir tendu de ce que nous sommes : nous traitons la terre et les autres comme nous nous traitons nous-mêmes.
Pourquoi lutter ?pourquoi se mettre en colere ou se débattre ?
Ça ne changera rien la terre le Monde seront Toujours le reflet de la manière dont nous nous traitons.
On aura beau chercher des coupables, accuser le voisin ou se culpabiliser, tant qu’on ne prend pas conscience que nous nous traitons mal nous meme comme on traite le monde, sans Amour, rien ne sera contagieux.
Nous n’avons jamais été séparés ni de Dieu ni de la terre
On veut se le faire croire
On a toujours voulu croire qu’on etait des êtres impuissants
On a oublié, perdu le contact avec notre propre puissance, à travers le processus de notre évolution.
En 2018 émerge une prise de conscience de cette Non-séparation. Elle se traduit souvent, dans un premier temps, par une angoisse, une forme de sidération qui nous paralyse. On sait bien qu’on ne peut plus revenir en arrière, faire comme si on ne savait pas. Mais la tâche nous paraît immense, insurmontable, et nos forces trop petites pour relever ce défi. Le risque, à ce stade, c’est le désespoir, la tentation de s’abandonner à des conduites d’évitement. Puisqu’on va dans le mur, fumons un gros joint en regardant Netflix. Ce sentiment d’impuissance est une illusion que nous pouvons dissiper. Nous sommes travaillés par le sentiment de la nécessité urgente, non pas de sauver la Terre (Elle ést le résultat de millions d’années d’évolution) mais d’ouvrir notre conscience sur cette Non-séparation et de nous aimer nous mêmes afin que nous puissions aimer l’Autre, Le Monde, le vivant dans toutes ses manifestations.
Si on zappe cette première étape tout se cassera la gueule et ca sera vain.
Vouloir aller se battre ou sauver qui que ce soit si on n’apprend pas à ouvrir sa conscience, à s’aimer et etre conscient de son pouvoir de créer, de decreer,du divin en nous
Rien n’est séparé
Il n’y a pas la vie terrestre d’un côté et la spiritualité de l’autre
La spiritualité n’est pas un loisir pour moi
C’est la vie
Et etre congruent selon moi c’est vivre chaque minute en prenant conscience de sa Non séparation, de l’amour qui est partout dans Tout.
Ét a notre échelle à nous, rien que le savoir et en le vivant on peut aider les autres à le réaliser et à répandre cette energie d’amour et ainsi de suite comme un magnifique virus ».
Fin du message reçu.
J’ajoute : c’est précisément que ce nous nous efforçons de faire dans le cadre du parcours #AlterCoop avec Christine Marsan et aussi ce que faitStéphane Riot (voir ses publications récentes) et tant d’autres, chacun dans son coin et, de plus en plus, en constellation.

Le changement dont il est question est tout à la fois économique, sociétal, culturel et spirituel mais avant tout émotionnel. Il engage toutes les dimensions de l’être. Le mental seul ne possède pas le pouvoir de traction nécessaire pour accomplir la transformation de nos croyances et de nos modes de vie. Pire : l’approche mentale suscite incrédulités, résistance, indifférence, quand l’amour et l’empathie aplanissent au contraire ces obstacles. Notre culture rationnelle se méfie de l’émotion car elle est souvent employée par les démagogues. Mais le violon n’est pas responsable de la mauvaise musique. A nous d’apprendre à en tirer des sons harmonieux. L’Hymne à la joie de Beethoven n’a pas été composé pour nous faire aimer l’Europe libérale et bureaucratiques mais la joie de vivre et la fraternité.
Je vous souhaite un bon premier novembre dans l’Amour de soi, des autres et du vivant.

Les Marchants


Les Marchants. Domaine du Bouchard, 31 aout 2018

A celui qui marche en présence
Le chemin donne, le chemin prend
Un pas reçoit, l’autre dépose
Et le coeur se nettoie

Sous ses pas le chemin respire
Il peut lâcher ce qui le broie
Le chaos dans son coeur s’apaise
Ainsi va le chemin de Soi

Caresser la pierre amicale
Aimer la verdeur des fougères
Avec les vivants et les morts
Sous la terre, il y a des trésors

Creusant la mémoire et la trace
Il met ses pas dans d’autres pas
Dans le pardon qu’il donne et celui qu’il recoit: l’Amour
Et le coeur se déploie
Bugarach marche.png

Les loups des crètes


Séminaire Altercoop, Pédagogie de l’Altérité et de la Coopération  AlterCoop

Bellegarde en Diois, mars 2018.

Un cercle de chaises vide où la lumière se prend.

Chacun vient avec son récit, sa soif, sa part d’ombre et son miel.

Par l’Est, entrez dans le cercle et posez ce qui vous retient.

Le corps capture et transforme en rayons les peurs et les poussières. Expirez vers la Terre.

Soudain, c’est autre chose, on est passés non dans l’Ailleurs mais dans un Ici plus profond.

Nous sommeIMG_0166.JPGs à la fois le cœur et le territoire. Parmi nous dansent les loups des crètes et le colibri. La montagne environnante accueille la vibration de nos chants. Gorges et vallons, forêts et prairies s’en imprègnent. Ce qui résonne si fort explose les cadres et fait trembler les mots jusque dans leur racine.

Sourde violence d’un monde qui naît. Vomir un lit de graviers, car c’est à ce prix qu’on fait de la place au neuf.

Enfin vient la délicatesse, le tissage des voix, des regards. Dans la paix sont préparés des repas si nobles qu’on oublierait de s’en apercevoir. On y baignerait comme dans la musique. On finirait par trouver naturelle, évidente, une chose aussi folle que le partage. Il y aurait de l’espace entre les frayeurs, on oserait franchir la Mer Rouge et les plus petits d’entre nous se découvriraient de l’audace.

Alors viendrait l’heure des parfums. D’insondables fragrances nous emporteraient dans leur capsule temporelle, on prendrait des G comme les astronautes au décollage, sans savoir si le voyage nous mène vers l’enfance ou vers la planète Mars.

De leur tracteur, deux paysans moustachus nous feraient signe. On les saurait gardiens d’un message à vivre, et qui ne peut sans préparation s’exposer sur les places.

Sur son poteau téléphonique, la pie noire et blanche tiendrait dans la neige fondue son rôle de frontière.

Au moment du retour – car il doit y avoir le Retour, après de telles agapes – on formulerait des promesses téméraires, on se sentirait prêts à braver la tiédeur des villes, à rentrer dans le flux compact et lumineux des voitures, à s’enorgueillir de posséder tant de riche connaissance.

On se sentirait transformés.

Pourtant, rien n’est sûr.

L’hiver tient dans ses racines, où trébuchent les animaux que nous sommes.

Il faudrait, pour tenir, songer à sculpter un totem.diois-le-loup-frappe-trois-fois-17-brebis-devores

Les tambours de neige


Quand résonnent les tambours de neige,
Un très ancien virus enfoui
Dans la terre gelée
se réveille.
Le dos musculeux des bisons frissonne dans l’air glacé
Quelque chose dans la nuit
Cristallise,
Tout est blanc.

Pulsation proche et lointaine,
un cœur immense
bat.
C’est le nôtre, et d’autres cœurs à l’unisson.
Quand ils accélèrent
Nous savons qu’un voyage se prépare.
Il en va de notre survie
Et de toutes les espèces.

Et nous, quand partons nous?
Demandent les enfants
Quand partons nous, maman?

Sur la plaine où serpente
Un fleuve empoisonné
Les tribus s’inquiètent et montrent les dents,
Grognant
Comme des animaux agacés.
La police, armée de jets d’eaux puissants,
Les disperse.

C’est ainsi que les choses se passent
C’est ainsi que les peuples cassent

Une vague enfle et rugit dans les stades, la foule se lève
Comme un seul homme
Et comme un seul homme
Elle s’abandonne
Aux voleurs qui l’enivrent.

En mer, des femmes et des hommes
Se noient
De rares marins parfois les secourent
Et les ramènent vêtus d’orange
Un appel brille haut dans le ciel nocturne, étoile ou satellite rouge clignotant.

Et toi, que sais-tu, toi
Qui ne dis rien?
Un cri strident nous réveille,
Le coeur affolé.

Dans sa cabine, l’astronaute
Retourne sa caméra vers la Terre
Et ce qu’il voit le bouleverse à jamais.
L’orange bleue voilée de nuages
S’inscrit dans le hublot;
Notre maison, notre planète
Seule et unique habitée
Dans l’espace.

Il en tremble d’amour.
Dis, que vois-tu là haut?

Je vois des aurores boréales
Je vois nos ancêtres les montagnes et
Les continents, les côtes;
Je vois
Nimbée de lumière
L’enveloppe si mince,
Si fragile, qui nous protège.

Un flux de tendresse le parcourt
La mémoire de ses molécules
S’éveille.
Seul et nu dans l’espace
Il se souvient de son origine

poussière d’étoiles.

Il se souvient de sa première visite au planétarium, sa main
Dans la main de son père.
Il revoit le soleil,
Les planètes sagement alignées
Tournant comme des toupies, les galaxies multicolores s’éloignant les unes des autres
A toute vitesse

Son coeur à nouveau s’émerveille.

Plus bas, sa ville natale scintille de mille feux
Les autoroutes serties de diamants
Tressent des réseaux,
c’est un diadème posé
Sur un écrin de velours noir.

Entre ces villes tentaculaires
Il y a peut-être encore des forêts
Et dans ces forêts des animaux,
Des rivières pétillantes
Il se souvient des orties qui fouettaient ses jambes,
Des fougères
Et du bruit vert mouillé,
La pluie tombant sur les feuilles en avril.

Il se souvient de la femme qu’il aime, de son corps tiède
Et de ses caresses
Il se souvient de ses enfants
De leur odeur lactée

Le rythme des tambours
Accélère encore
Maintenant c’est une pulsation puissante, inexorable
Un rythme qui vous pousse
En avant

L’appel résonne

Avant que ce monde ne s’épuise
Il est temps de boire la lumière
De soleils plus lointains que notre soleil
Plonger dans la mer de turquoise où naît la vie future
Ecouter ce qui palpite
Ouvrir nos coeurs
Chanter