Avant de partir, je suis allé voir le Génie de la Montagne.
Sur la rive opposée du lac, lointain, ses massives épaules émergeant d’un manteau de nuages meringués, son sommet teinté de rose par le soleil couchant, le Mont Blanc reposait dans sa majesté de sommet de l’Europe, puissamment ancré dans son socle géologique, impérial, jupitérien, presque intimidant s’il n’avait été voilé d’une mince pellicule atmosphérique.
Un long moment, je suis resté en silence, attendant qu’il me dise quelque chose, qu’il me donne un conseil, un signe d’encouragement.
Au bout d’un moment, comme rien ne venait, je me suis tourné vers lui et je lui ai dit, avec ma voix intérieure :
- Génie de la Montagne, je m’en vais, je rentre chez moi.
La réponse est venue, sous la forme d’une vibration lente, caverneuse, alourdie par son passage à travers d’innombrables couches sédimentaires ne laissant passer que les mots essentiels :
- je sais
- C’est tout ce que tu as à me dire?
- Qu’est-ce que tu attends de moi?
- …
- Comment repars-tu?
- Je me sens… revigoré, propre
- Alors c’est bien
Puis le Génie retomba dans un silence buté, minéral, hypothermique, pour les deux ou trois prochains millions d’années.
Décontenancé, je me tournai vers le Génie du Lac. (à suivre)
