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Le Génie du lac


(suite du Génie de la Montagne » et « les trois génies »)

Le Mont Blanc semblait flotter, détaché, au-dessus de la ligne des sapins dont le séparait une zone floue, articulée dans des dégradés de bleu et de blanc.

Décontenancé par son attitude, je me suis tourné vers l’esprit du lac.

  • Génie du Lac, je suis venu te dire que je m’en vais.

… silence.

Du lac émanait une odeur fraîche, légèrement tourbeuse. Le vent soulevait des frises d’écume courant sur la surface agitée, bosselée de petites vagues.

  • Et toi, n’as-tu rien à me dire, aucun conseil à me donner ? Cette année n’est pas comme les autres, le pays se dessèche, les forêts brûlent, il y a la guerre à nos portes, le monde est en crise et nos amis sont découragés, tétanisés. Je vais avoir besoin de courage, de discernement, de persévérance.
  • En effet

La voix me parvient des profondeurs du lac, froide et comme ralentie.

… Silence

  • Merci, alors
  • De quoi me remercies-tu ?
  • De ta présence calme et tranquille, de ta fraîcheur, de l’espace ouvert que tu nous offres, et qui ne dresse aucun obstacle au regard entre la montagne et nous.
  • Autre chose ?
  • Je te remercie d’être ce miroir bienveillant, qui nous accueille et ne juge pas. Cette année, je l’ai reçu comme une forme d’amitié.
  • Je m’en réjouis. Y a-t-il encore autre chose qui soit différent cette année ?
  • La confiance que je ressens, lorsque je me pose calmement sur tes rives.
  • As-tu besoin d’autre chose encore ?
  • Non, je te remercie.

C’est alors que je me suis souvenu de l’abeille.

Le Génie de la Montagne


Avant de partir, je suis allé voir le Génie de la Montagne.

Sur la rive opposée du lac, lointain, ses massives épaules émergeant d’un manteau de nuages meringués, son sommet teinté de rose par le soleil couchant, le Mont Blanc reposait dans sa majesté de sommet de l’Europe, puissamment ancré dans son socle géologique, impérial, jupitérien, presque intimidant s’il n’avait été voilé d’une mince pellicule atmosphérique.

Un long moment, je suis resté en silence, attendant qu’il me dise quelque chose, qu’il me donne un conseil, un signe d’encouragement.

Au bout d’un moment, comme rien ne venait, je me suis tourné vers lui et je lui ai dit, avec ma voix intérieure :

  • Génie de la Montagne, je m’en vais, je rentre chez moi.

La réponse est venue, sous la forme d’une vibration lente, caverneuse, alourdie par son passage à travers d’innombrables couches sédimentaires ne laissant passer que les mots essentiels :

  • je sais
  • C’est tout ce que tu as à me dire?
  • Qu’est-ce que tu attends de moi?
  • Comment repars-tu?
  • Je me sens… revigoré, propre
  • Alors c’est bien

Puis le Génie retomba dans un silence buté, minéral, hypothermique, pour les deux ou trois prochains millions d’années.

Décontenancé, je me tournai vers le Génie du Lac. (à suivre)

La petite fille l’abeille et le Mont Blanc


  • L’abeille

Ce matin, sur la pelouse, j’ai marché sur une abeille.

Son dard planté dans mon pied m’a rappelé qu’elle aussi était chez elle, au bord de ce lac où vont nager les humains.

J’ai ressenti une douleur vive mais temporaire.

Elle en est morte. Je tenterai de m’en souvenir.

  • La petite fille sur la pelouse

Elle aussi s’est fait piquer par une abeille.

Elle pleure, hurle. Sa mère tente de la calmer, sort son extracteur de venin.

Quel souvenir en gardera t-elle ? Haïra t’elle la petite butineuse ?

La scène se répète plusieurs fois au bord du lac.

  • Le Mont Blanc

De l’autre côté du lac, le géant cerné de nuages demeure, impassible

Nos petites aventures se déroulent à ses pieds majestueux

Mais il souffre lui aussi de la chaleur, sa couronne de neige fond.

A quoi ressemblons-nous, vus de l’autre rive ?

le Mont Blanc vu de Nyons