La gueule du korrigan


Quimper, juin 2018.

J’ai dû marcher sur un korrigan par mégarde. Ou bien dire, faire, penser quelque chose qui l’aura contrarié. Et voilà qu’il pleut sur Quimper, à verses, un orage spectaculaire au moment même où j’apprends que mon train vient d’être annulé par traîtrise. C’est à dire sans prévenir. Sans donner au voyageur le choix de s’organiser autrement. Pas calmés pour autant, les korrigans se sont encore déchaînés au point d’obtenir l’annulation du vol qui aurait pu me ramener vers Paris.

C’est râpé pour demain, je n’irai pas former de petits génies surdiplômés aux joies de la conduite de changement, ou de la gestion de projet, pas plus qu’aux secrets du management interculturel. Tant pis, tant mieux.

Je traverse en courant la place subitement vidée de ses punks à chiens, m’engouffre dans le premier hôtel venu, paye ma chambre et m’allonge sur le lit recouvert d’une chose aux couleurs atroces.

Plafond.

Catherine Meurisse, elle, aurait su dessiner la scène, les petits traits obliques de la pluie collante, malveillante, indélébile, la tête de l’agente SNCF plantée derrière son comptoir avec la résilience revêche d’un chardon, et ma gueule à moi, dépitée, bouche tordue.

Mais surtout le visage du réceptionniste, hier soir, dans l’autre hôtel. Il se croyait malin, le rouquin, avec sa bouille béate et ses mises en garde.

« Faites attention aux korrigans », m’avait-il lancé tout sourire en réponse à ma demande d’un endroit sympathique où passer la soirée.

Dans un suprême effort, j’avais réussi à marquer mon appréciation pour l’humour de sous-préfecture, et maintenant, je payais le prix pour mon absence de sincérité.

Korrigan, korrigan, korrigan toi-même !

Gueule de korrigan

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