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Colère, langage et poésie (suite)


Et la poésie ?

La poésie, c’est la fraîcheur. Ce qui naît à l’horizon du silence, un calme propice à l’appréciation de la beauté. Ce que l’on vient chercher sur cette île, dans les marais rouillés, sur ses plages pailletées d’aluminium au couchant, et qui donne l’énergie de monter jusqu’au sommet du phare des Baleines pour l’éblouissement qui nous attend, tout là-haut. Après l’étroit escalier en colimaçon, déboucher sur la plate-forme à 360 degrés et contempler la houle de mer roulant à l’infini ses muscles bleus. Savourer la profondeur de cette immense masse liquide qui s’étend jusqu’à l’autre bord, les côtes des Amériques, peut-être Martha’s Vineyard. Rêver de cette île-soeur, ancien repère des chasseurs de baleines où mon amie G… va parfois se ressourcer. L’amitié se superpose à la splendeur du paysage, ses secrets ne sont pas moins profonds que ceux de l’océan.

Avoir l’Atlantique en partage, aimer, se souvenir. Voir déferler les vagues et ne pas s’en lasser. (Il y a de la poésie dans la vitesse, comme dans la lenteur). S’immerger dans tout cela, comme on se lave. Laisser se dissoudre les anciennes formes, les appréhensions, fondre avec bonheur dans la masse du monde.

Romain Rolland appelait cela le « sentiment océanique ». La méditation pratiquée avec persévérance permet d’atteindre cet état de communion avec l’univers, sans limites, où rien ne pèse : croyances, devoirs, identité, rien à quoi s’accrocher, rien à défendre. Un état où la vague, pour reprendre la vieille métaphore bouddhique, ne se sent plus séparée de l’océan.

 

L’erreur de beaucoup d’occidentaux, précisément, est de s’attacher à cet état bienheureux, au point d’en faire l’objectif de leur quête, et de culpabiliser lorsqu’ils ne parviennent pas à l’atteindre. Le véritable but de la méditation n’est pas de s’évader ni de cultiver l’hédonisme, une tentation que relève Yves Michaud dans une récente interview au Monde.  Le premier but de la méditation est de prendre conscience que tout est lien, relation, et que nous sommes au cœur de cela. D’accueillir tout ce qui est là puis, dans un deuxième temps, nous détacher de toute convoitise. J’ai moi-même partagé cette erreur, jusqu’à cet été, lorsque mon hôte m’a donné à lire Mark Epstein (Pensées sans penseur) et Jack Kornfield (Bouddha, mode d’emploi pour une révolution intérieure). Ces deux psychologues américains explorent chacun à sa manière les convergences entre la science occidentale et la pratique orientale de la méditation. J’y reviendrai.

La poésie, c’est aussi la capacité d’intégrer l’anxiété, la douleur et la laideur inévitables. Avec humour et bienveillance. C’est la beauté des contrastes, régie par d’invisibles contraintes. C’est un jeu, c’est faire comme si. Comme font les enfants. On dirait qu’on serait des pirates, ou des princesses. On irait sur la lune.

La poésie incarnée, c’est Tintin, son enthousiasme juvénile, sa fraîcheur naïve mais toujours motrice, un mouvement porté vers la résolution des intrigues ou des mystères.  C’est le professeur Tournesol, soulevé de terre par une boule de feu au milieu d’un désordre indescriptible, dans les Sept boules de cristal. C’est l’audace et la soif de justice. Et ce sont aussi les jurons du capitaine Haddock.

C’est « mille millions de mille sabords » et c’est la ligne claire, obtenue à force d’un travail ambitieux, difficile, qui cherche et parfois trouve une expression plus rare, plus forte et plus précise.

C’est la grâce, l’éternelle jeunesse.

Colère, langage et poésie


La colère a mauvaise presse, et c’est bien dommage, car elle recèle à côté des poisons bien connus quelques pépites intéressantes. Tout dépend de la manière dont elle s’exprime, et de la direction qu’elle prend (ou qu’on lui imprime consciemment). Selon Freud : «  le premier humain à jeter une insulte plutôt qu’une pierre est le fondateur de la civilisation » .

Un matin, pendant les vacances, mes hôtes entament une conversation sur cette émotion mal famée. La référence, pour moi, c’est le capitaine Haddock, grand maître des tempêtes verbales, gourou ès fureur, pontifex irae, comique involontaire et faire-valoir du lumineux Tintin.

Haddock est connu pour ses éruptions volcaniques résonnant, telles les trompettes d’un Magnificat, à travers l’espace du récit dont il ne cesse de déformer le cours, ou de l’accélérer, transformant en gags les catastrophes qu’il ne cesse de déclencher.  Or, ce qui nous enchante, ce n’est pas tant leur intensité que la créativité merveilleusement poétique de ses jurons.

Des amateurs éclairés se sont même chargé de les classer par ordre alphabétique (lien ici : http://fjaunais.free.fr/Tintin/Ihadpres.php)

Il y a quelque chose de jubilatoire dans ce flot toujours renouvelé.  Je ne peux pas résister au plaisir de vous en citer ici quelques-uns :

Anacoluthe, invertébré, jus de réglisse !

Boit-sans-soif !

Cercopithèques !

Ectoplasmes !

Forbans !

Gargarismes, gredins, et le délicieux : grenouilles !

Lépidoptères !

Macrocéphales ! Marins d’eau douce ! Mitrailleur à bavette !

Ornithorynque !

Il y a aussi la colère-essorage, violente, mais nécessaire, purificatrice. Celle qui ramène le calme après expulsion des scories et autres émotions troubles. Le colérique-justicier, de type Zorro, qui se met en colère pour une noble cause, invective les fauteurs de torts au comportement égoïste, agressif, manipulateur, inacceptable. Et tant d’autres…

Mais les colères de Haddock ont quelque chose de spécial, de pur et d’enfantin dans leur spontanéité foutraque. Parfois, on sent bien qu’il dérape. Ca déborde de tous les côtés, mais avec une forme de jubilation qu’on lui envie. C’est qu’on aimerait pouvoir, comme lui, se libérer du carcan de la bienséance et dire, une bonne fois, ce qu’on a sur le cœur.

Ainsi la colère n’est pas nécessairement qu’on poison. Elle peut mener à des formes d’action constructives, à condition de la canaliser.

Et la poésie ?  (à suivre)

Territoire de l’autre


Buencarmino du 10-08-2014 : « L’amitié, dans sa fonction d’échange parfois critique et toujours bienveillante, est une autre sorte de territoire, extensible, en devenir, un espace entre deux personnes qui nous invite à grandir, à sortir de notre zone de confort. »

Territoire de l’Autre. On fait des expériences, on se jette, on jubile. On échoue parfois. Ponts de mots suspendus au-dessus du silence bouillonnant. Ce qui crisse dans l’ombre broyée, ce qui se dissout, ce qui tient. Conversations sacrées. On traverse en vélo des villages au parfum de roses. On longe des rues aux murs fraîchement raclés par les tempêtes. La mémoire du corps imprime tout cela, ce combat contre les vents contraires. Saisons, discontinuité, cycles, et ça ressort un jour. On ne sait comment, c’est là. C’est Ré, ce pourrait être le Mexique. Silence aux envies de fanfare. Energie dense, explosive de nos enfances, lessivée comme les dunes, piquant du nez dans le sable tiède, parmi les blockhaus affaissés. Mollesse du temps,  l’hélichrysium  exhale une puissante odeur de curry. Ton cynisme princier me heurte, en ce temps-là. On se revoit, des années plus tard. Une saison douce à rire. La vie fraîche et gourmande enrobe, assouplit les aspérités.  Toi, dont j’attends le mots. Toi, de l’autre côté. Toi qui pourrais faire entendre ta voix entre ces murs, ou contre le vent. Toi que les roses appellent, et qui restes invisible. On sait que tu cherches une veine, un langage, on t’aime pour cela. Tes muscles tiennent l’air et la distance, tes poumons portent des mots voulus, ton esprit clair et fort s’anime. On irait presque au « nous », dans ce rêve.

Galerie

Corps langage mémoire EPLV au MOTIF

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Une démarche qui magnifie le livre. Des artistes s’emparent de quelques exemplaires destinés à la destruction et construisent une oeuvre transversale : écriture, corps, peinture, musique, vidéo, scénographie, recyclage. Vous êtes invité à déambuler dans l’œuvre, parmi des totems qui … Lire la suite

Corps langage mémoire le projet EPLV au MOTIF


Corps, langage, mémoire : retrouvez les thèmes chers à BuencaRmino entrelacés, amplifiés, vibrants, dans cette exposition à vivre.

BuencaRmino vous invite à venir découvrir, à l’occasion de la 22e édition des Portes ouvertes des Ateliers d’Artistes de Belleville Belleville, du vendredi 27 au lundi 30 mai 2011 – 14h à 21h

une nouvelle forme de collaboration artistique : EPLV – les Exclus : Peinture en Livre… en Vidéo
corps – langages – mémoires

une installation d’arts visuels et vivants
production Aracanthe, conception Mirella Rosner

Une démarche qui magnifie le livre.
Des artistes s’emparent de quelques exemplaires destinés à la destruction et construisent une oeuvre transversale : écriture, corps, peinture, musique, vidéo, scénographie, recyclage.
Vous êtes invité à déambuler dans l’œuvre, parmi des totems qui abritent chacun un couple livre peint – vidéo.
Tout au long des 4 jours de présentation, l’oeuvre est nourrie en direct par des performances issues d’une réflexion sur l’exclusion, l’identité, la mémoire, le temps.

le MOTif
6 villa Marcel-Lods, Passage de l’Atlas 75019 M° Belleville

n°94 sur le plan des AAB

contact communication Laure Samuel – 06 61 30 53 79

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