Dimanche 11 janvier 2015, 10h30 du matin.
Il se passe en ce moment dans notre pays quelque chose d’historique, comme il en arrive seulement une ou deux fois par siècle. Vous vous demandez sans doute, comme tout le monde, quel sens donner à ces événements tragiques qui nous ont secoués si profondément. Je pense beaucoup à vous, où que vous soyez, et je me souviens combien c’est difficile de vivre de tels moments quand on est loin. Je me souviens de 2005, lorsque je voyais mon pays brûler au loin, depuis mon écran de télé, à Manille. Dans ces moments, il faut résister à la colère et chercher quelque chose de plus profond en soi, quelque chose qui nous rassemble et qui permet de vivre ensemble.
Tout à l’heure, comme des centaines de milliers, peut-être un million de français, avec leurs amis venus de tous les pays, j’irai marcher. Je ne marcherai pas contre, mais POUR. Pour la liberté d’expression, pour la fraternité, pour donner un sens à ce moment d’unité dans la diversité. Je marcherai pour poser des limites à la haine, à la violence, à l’intolérance et à toutes les discriminations. Sur France Info, la philosophe Cynthia Fleury vient de dire que nous assistons au premier événement, historique, de la France mondialisée. Nous assistons à la naissance de la Génération Charlie. Ce que signifie cette expression n’est pas encore écrit : ce sens, il nous appartient de le construire. Ce monde qui vient, c’est celui dans lequel vous habiterez, vous et vos enfants. Il se construit sur nos actes et sur nos choix, mais aussi sur nos absences d’actes et nos absences de choix. Vous le continuerez lorsque nous ne serons plus là. C’est une responsabilité que nous partageons. Quelle sera la place de la liberté, dans ce monde qui vient ? Quelle place pour la diversité ? Est-ce que chacun pourra vivre comme il l’entend, à sa manière, dans le respect des autres ?
Il y a du travail, ça ne se fera pas tout seul. Ainsi cet extrait d’un témoignage de mon amie C.M, que je publierai en entier demain ici-même : « Connaître l’autre, partager sa culture et la nôtre, éduquer les enfants à la tolérance, donner une chance aux plus pauvres, fabriquer de la justice sociale et de la justice tout court. Mais tout autant, condamner et sanctionner sans restriction tous ceux qui font leur beurre de la radicalisation, du retour aux heures les plus sombres de l’obscurantisme en fanatisant sans peine les plus faibles. »
Ces derniers jours, la presse a publié le témoignage de professeurs qui racontaient les difficultés qu’ils éprouvaient à parler des événements tragiques de ces derniers jours avec leurs élèves. Ces élèves, il faut les entendre avec respect, avec plus que jamais le sens de la fraternité. Il faut les amener dans la conversation générale, et construire avec eux, sans chercher à leur imposer tel ou tel point de vue. On parlera beaucoup de laïcité dans la presse. La laïcité, cela ne signifie pas d’interdire toutes les croyances, mais de les permettre toutes. On doit pouvoir parler de tout, sans peur, et je vous y encourage. J’étais à l’île Maurice au mois d’août, ils y arrivent très bien. Pourquoi pas nous ?
Nous avons la chance de former une belle famille, aimante et diverse, une famille dans laquelle chacune et chacun trouve sa place. Des catholiques, des musulmans, des athées, une bouddhiste, un spiritualiste …bon, ça manque de juifs, mais il reste une place, au bout de la table. On est taquins, malicieux, on ne s’épargne pas, mais on s’aime et on n’a pas peur de se le dire. Je suis fier de notre famille, et j’aimerais aujourd’hui que la France nous ressemble un peu.
Ajouté dimanche soir : oui, la France nous ressemble, et nous lui ressemblons, et j’en suis infiniment heureux. Cette marche était tellement pacifique, et drôle, et grave en même temps. On a beaucoup ri, d’un rire bienveillant. Beaucoup de questions demeurent ouvertes. Nous allons devons réfléchir, discuter, confronter nos points de vue pour construire des réponses acceptables et vivables. Le courage, maintenant, ce sera d’aller vers l’Autre, et vers l’Autre en nous.
Et, tiens, pour finir sur une note d’humour, je mets ici un lien vers le message de l’humoriste Sonia Orosamane à « tous les cinglés, jhadistes, pianistes, cyclistes… ici : » https://www.google.fr/webhp?sourceid=chrome-instant&rlz=1C1CHVN_frFR517FR517&ion=1&espv=2&ie=UTF-8#q=samia%20grosemane