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Chaque journée compte


Le soleil est plus pâle en hiver. Cela ne veut pas dire que ses rayons ne brillent pas pour nous. Simplement ils nous parviennent attiédis, ou demeurent cachés derrière un voile de nuages. Nous le savons, et nous ne cessons de l’oublier jusqu’au moment où le voile se déchire. De même, écrit Cynthia Fleury dans la fin du courage, (Lien ici), nous savons bien que le courage existe, mais certains jours il nous paraît hors de portée. C’est pourquoi j’aime cette définition de Paul Nizan qu’elle citait sur France Inter lors de la sortie de son livre, en 2011 : « le courage véritable consiste chaque jour à vaincre les petits ennemis ».

Ainsi, hier, la jeune femme qui gère l’espace de co-working où je travaille, me voyant stationné l’air un peu flou devant la machine à café, me dit avec gentillesse : « heureusement, on est jeudi». Tout en regardant couler mon café, je lui demande en quoi le fait d’être jeudi mérite une mention particulière. « Parce que », me répond-elle d’une voix encourageante, « il n’y a plus que deux jours avant la fin de la semaine ». Je tente de lui expliquer que deux jours, tout de même, mais les mots ne viennent pas, l’enthousiasme est resté au vestiaire et je repars avec mon café tremblotant au fond du gobelet.

J’aurais dû persévérer, tirer sur les mots englués jusqu’à ce qu’ils sortent.

La journée se passe, pleine de pépites : un déjeuner passionnant et plein de promesses, une présentation qui coule de source, une séance de coaching amusante et productive : le soleil s’est effectivement montré dans sa gloire, selon la formule, après dissipation des brumes matinales.

Et les mots viennent, ceux que j’aurais dû prononcer ce matin. J’aurais dû prolonger la conversation, lui expliquer que pour moi le travail est une occasion d’agir, de faire une différence même quand c’est difficile. J’aurais dû lui dire que la semaine n’est pas un tunnel entre deux week-ends. J’aurais dû la remercier pour son empathie, la féliciter pour sa capacité à sourire même aux locataires les plus renfrognés, pour le talent qu’elle met à trouver la dernière petite cuiller propre au fond du tiroir et pour cette énergie qu’elle déploie, du matin au soir, semant dans l’escalier des paillettes de lumière.

Chaque journée compte.

Devant la Môme

Devant la Môme

Message envoyé à mes nièces et à mes neveux


Dimanche 11 janvier 2015, 10h30 du matin.

Il se passe en ce moment dans notre pays quelque chose d’historique, comme il en arrive seulement une ou deux fois par siècle. Vous vous demandez sans doute, comme tout le monde, quel sens donner à ces événements tragiques qui nous ont secoués si profondément. Je pense beaucoup à vous, où que vous soyez, et je me souviens combien c’est difficile de vivre de tels moments quand on est loin. Je me souviens de 2005, lorsque je voyais mon pays brûler au loin, depuis mon écran de télé, à Manille. Dans ces moments, il faut résister à la colère et chercher quelque chose de plus profond en soi, quelque chose qui nous rassemble et qui permet de vivre ensemble.

Tout à l’heure, comme des centaines de milliers, peut-être un million de français, avec leurs amis venus de tous les pays, j’irai marcher. Je ne marcherai pas contre, mais POUR. Pour la liberté d’expression, pour la fraternité, pour donner un sens à ce moment d’unité dans la diversité. Je marcherai pour poser des limites à la haine, à la violence, à l’intolérance et à toutes les discriminations. Sur France Info, la philosophe Cynthia Fleury vient de dire que nous assistons au premier événement, historique, de la France mondialisée.  Nous assistons à la naissance de la Génération Charlie. Ce que signifie cette expression n’est pas encore  écrit : ce sens, il nous appartient de le construire. Ce monde qui vient, c’est celui dans lequel vous habiterez, vous et vos enfants. Il se construit sur nos actes et sur nos choix, mais aussi sur nos absences d’actes et nos absences de choix. Vous le continuerez lorsque nous ne serons plus là. C’est une responsabilité que nous partageons. Quelle sera la place de la liberté, dans ce monde qui vient ? Quelle place pour la diversité ? Est-ce que chacun pourra vivre comme il l’entend, à sa manière, dans le respect des autres ?

Il y a du travail, ça ne se fera pas tout seul. Ainsi cet extrait d’un témoignage de mon amie C.M, que je publierai en entier demain ici-même : « Connaître l’autre, partager sa culture et la nôtre, éduquer les enfants à la tolérance, donner une chance aux plus pauvres, fabriquer de la justice sociale et de la justice tout court. Mais tout autant, condamner et sanctionner sans restriction tous ceux qui font leur beurre de la radicalisation, du retour aux heures les plus sombres de l’obscurantisme en fanatisant sans peine les plus faibles. »

Ces derniers jours,  la presse a publié le témoignage de professeurs qui racontaient les difficultés qu’ils éprouvaient à parler des événements tragiques de ces derniers jours avec leurs élèves. Ces élèves, il faut les entendre avec respect, avec plus que jamais le sens de la fraternité. Il faut les amener dans la conversation générale, et construire avec eux, sans chercher à leur imposer tel ou tel point de vue. On parlera beaucoup de laïcité dans la presse. La laïcité, cela ne signifie pas d’interdire toutes les croyances, mais de les permettre toutes.  On doit pouvoir parler de tout, sans peur, et je vous  y encourage. J’étais à l’île Maurice au mois d’août, ils y arrivent très bien. Pourquoi pas nous ?

Nous avons la chance de former une belle famille, aimante et diverse, une famille dans laquelle chacune et chacun trouve sa place. Des catholiques, des musulmans, des athées, une bouddhiste, un spiritualiste …bon,  ça manque de juifs, mais il reste une place, au bout de la table. On est taquins, malicieux, on ne s’épargne pas, mais on s’aime et on n’a pas peur de se le dire. Je suis fier de notre famille, et j’aimerais aujourd’hui que la France nous ressemble un peu.

Ajouté dimanche soir : oui, la France nous ressemble, et nous lui ressemblons, et j’en suis infiniment heureux. Cette marche était tellement pacifique, et drôle, et grave en même temps. On a beaucoup ri, d’un rire bienveillant. Beaucoup de questions demeurent ouvertes. Nous allons devons réfléchir, discuter, confronter nos points de vue pour construire des réponses acceptables et vivables. Le courage, maintenant, ce sera d’aller vers l’Autre, et vers l’Autre en nous.

Et, tiens, pour finir sur une note d’humour, je mets ici un lien vers le message de l’humoriste Sonia Orosamane à « tous les cinglés, jhadistes, pianistes, cyclistes…   ici :  » https://www.google.fr/webhp?sourceid=chrome-instant&rlz=1C1CHVN_frFR517FR517&ion=1&espv=2&ie=UTF-8#q=samia%20grosemane

de rouille d’os et de courage


Un exemplaire de la Croix ramassé dans le métro nous annonce qu’on va vers noël.

Ca tombe bien.

Je veux dire : il était temps.

Pour répondre au mail d’un ami qui a besoin d’encouragements, je relis Cynthia Fleury, la fin du courage (lien).  En 2011 (des super-réserves de courage) j’avais déjà évoqué, mais trop brièvement, ce livre-coup de poing à l’estomac.

Ca commence très fort, avec une préface d’une densité rugueuse, explosive. Le genre d’impression qu’on doit avoir quand on est aspiré dans un trou noir. Sauf que personne n’est revenu pour en parler.

Elle, oui, elle est sortie de son trou noir. Mais de justesse. On sent qu’elle n’est pas passée loin, et cela donne au livre un caractère d’urgence et d’authenticité qui manque dans la production contemporaine.

Je pense en particulier à Frédéric Lenoir. Dommage qu’il écrive mou, sans aspérités, car c’est un très bon trendspotteur, il faut lui reconnaître au moins ça. La Guérison du monde, par exemple,  évoque la tentation du découragement. Chez lui, cela donne : « il existe des antidotes au poison du découragement et de la passivité qu’il entraîne. Il convient d’abord d’avoir à l’esprit que le monde que nous voyons à travers les médias n’est pas le monde réel,  mais un spectacle du monde quotidiennement mis en scène par les médias selon une partition limitée à la litanie des mauvaises nouvelles » (p.276). Sauf que se retrouver comme mon ami E. par terre avec le visage éclaté, un AVC et l’assurance qui se dérobe, ça n’est pas un spectacle, c’est une réalité pour un certain nombre de gens autour de nous.

Chez Cynthia Fleury, cela donne, en plus violent : « c’est étrange de savoir que « tenir », à l’instant, ce sera surtout ne pas passer à l’acte ».  Et plus loin : « l’apprentissage de la mort, est-ce celui du courage ? Savoir qu’il va falloir tenir alors que rien ne tient ? » Elle emploie souvent ce mot, « tenir », les poings crispés mais ne lâchant rien.  J’y pensais dimanche soir en regardant de rouille et d’os, le magnifique film de Jacques Audiard avec Marion Cottillard et Mathias Schoenarts. Eux aussi « tiennent », et finissent par guérir non sans prendre au passage une sacrée dégelée (au sens propre comme au figuré). Qu’elle est belle, courageuse, émouvante, Stéphanie, face à la mer, lorsqu’elle retrouve les gestes de la dompteuse. Lenoir, ou son éditeur,  aurait titré : « danse avec les orques ». (J’ai l’air de me moquer, comme ça, mais cela ne vous dispense pas de le lire.)

Mais revenons à Cynthia Fleury : « nous vivons dans des sociétés irréductibles et sans force. Des sociétés mafieuses et démocratiques où le courage n’est plus enseigné. Mais » (quand je vous dis qu’elle ne lâche pas), « qu’est-ce que l’humanité sans le courage ? Si ma chute peut sembler poétique, celle qui est collective est gluante. Et je vois bien que le salut ne viendra que de quelques individus prêts à s’extraire de la glu, sachant qu’il n’y a pas de succès au bout du courage. Il est sans victoire. » et là, le diamant noir, l’appel à mobilisation générale si on ne veut pas moisir avec les trous du cul de la Complaisance généralisée jusqu’à la fin des temps : « La vrai civilisation, celle de l’éthique, est sans consécration. Les cathédrales de l’éthique son devant nous. (…) Et dans cette époque sans courage, nous sommes encore tous naissants ». (…) Comment faire ? Qui pour m’extraire du mirage du découragement ?   (Les même mots que chez Lenoir mais elle appuie là où ça fait mal : sur le détonateur). »Car il me reste un brin d’éducation pour savoir que ce n’est qu’un mirage. Qu’il n’y a pas de découragement. Que le courage est là ; comme le ciel à portée de regard ».

Je l’aime vraiment bien, la Cynthia-pitbull. Et me revient l’une des plus belles répliques de Marion-Stéphanie dans « de rouille et d’os » : « la délicatesse, tu sais très bien ce que c’est, tu n’as pas arrêté d’en avoir avec moi depuis le début ».

Alors lui, force brute, s’exécute avec une puissance, un amour, une humilité totales, comme on lave les pieds d’un SDF.

Voilà, avec toutes ces digressions je n’ai toujours pas évoqué le Royaume, d’Emmanuel Carrère, mais en fait si.

Bon courage, mon pote. Guéris vite.

Hannah Arendt ou la violence de la pensée


Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta est un film nécessaire et grave sur le courage de penser – par soi-même,  à contre-courant s’il le faut. L’acte de penser est décrit tout d’abord comme une discipline : face au nazi responsable de millions de morts, la philosophe efface de son cerveau toute idée préconçue. Elle accomplit cette chose très difficile qui consiste à se contenter de voir et d’entendre ce qui se dit, dans la salle d’audience du tribunal, en repoussant le plus longtemps possible  la tentation d’interpréter. La violence des réactions suscitées dès la parution dans le New Yorker de son premier article sur le procès Eichman met en lumière la difficulté de penser là où l’on n’attendait qu’un portrait du monstre. Car l’homme responsable de six millions de morts ne peut être qu’un monstre. En parler sans émotion relève de la plus singulière arrogance, et c’est précisément ce qu’on lui reproche. Penser, au lieu de compatir : de nos jours, cela vous vaudrait le titre honni d’intellectuelle. Le courage de la philosophe est exemplaire, et pourrait nous inspirer. Elle révèle combien la haine de la pensée est devenue la norme dans notre société loliste. Avant d’aller voir le film, lisez ou relisez ses livres, comme nous y invite Rue89. http://www.rue89.com/rue89-culture/2013/04/24/avant-daller-voir-film-hannah-arendt-lisez-241752 Puis, s’il vous reste un peu de temps, lisez Cynthi Fleury qui parle si bien du courage, et de sa fin. https://www.youtube.com/watch?v=LKA-SOht4xE

Le point d’appui (fin du cycle)


Chacun cherche son point d’appui. Pour les uns, c’est un être, et pour d’autres une idée, un lieu, un espoir ou un souvenir. Parfois on croit le perdre, et puis on le retrouve, ou l’on s’en trouve un autre.

Mirella commente les dessins. « Cherchez le point d’appui : sur quelle jambe repose le poids du corps? Observez la tension des muscles, exagérez la main, le bras qui s’avance, ou le pied : la partie du corps la plus proche de vous. Libérez-vous du cerné, regardez ce qui se passe à l’intérieur, les plis de la peau qui remontent de l’autre côté du torse. Les jambes ne sont pas symétriques, le corps n’est pas droit. Repérez les torsions par rapport à un axe, intéressez-vous à la proposition du modèle ».

Ah, la proposition du modèle! Bien sûr, on est là pour ça, sinon pourquoi se déplacer quand il serait plus facile de travailler chez soi, à partir d’une photo qui a l’avantage de tenir la pose aussi longtemps qu’on le désire? La présence du modèle, lorsque ses poses sont vraiment habitées, font partie de la proposition tout autant que l’inclinaison d’un bras ou d’une tête.

Le premier modèle est une homme souriant, dans la force de l’âge. Ses propositions reprennent le vocabulaire classique. On peut lire dans ses poses la trace des générations de dessinateurs et de modèles qui se sont succédé à l’Académie depuis sa fondation (voir le Carnet d’études n°15 : l’Académie mise à nu, éditions Beaux Arts de Paris, sur l’histoire des modèles). Aujourd’hui, cette origine oubliée nous empêche de voir la lance, le bouclier absent du bras qui le portait, le guerrier grec inspirateur de ces poses héroïques et qui pourrait encore nous donner des leçons de courage pourvu que nous fussions disponibles. Héroïques, ou simplement idéalisés, comme les bronzes de Riace

Débarrassé du poids de l’académisme et des formes figées, ce corps nous restitue tout le joyeux génie de la Grèce, son bonheur d’être là, son évidence dans le rapport au monde.

On a parlé dans ce blog de Cynthia Fleury et de son livre sur le courage (« j’ai perdu le courage comme on égare ses lunettes »), de Jacqueline de Romilly et de son Hector. Sur quel point s’appuyer face à l’inacceptable?

Il faut chercher des armes dans la couleur, allumer des jaunes et des rouges, tordre le cou du doute.

Parfois, il arrive aussi que le guerrier soit vaincu. Est-ce pour autant la fin? Comment se relève t-on d’une défaite?

Et puis il y a Sophie, sa présence rayonnante, ses transitions glissantes d’une pose à l’autre. Ses mouvements de danse Butô dont l’origine serait inspirée des survivants de la bombe, à Hiroshima, tentant de se relever après le désastre. Après l’âge héroïque vient le temps de la résilience.

Ce qui se passe à l’intérieur? Observer la naissance d’une émotion, comme elle se répand dans le corps et du corps à l’espace. Le point d’appui, ce peut être un silence, une façon de conserver l’énergie qu’il faut apprendre à percevoir.

Ce combat-là, mené jour après jour dans l’instabilité du monde, est le sujet même de ce blog, dédié à toutes celles et tous ceux pour qui tenir debout n’est pas une évidence. A celles et ceux qui ne réussissent pas toujours du premier coup, et qui persévèrent.

A vous, le sourire de la vie.

des super réserves de courage


On parle beaucoup de Stéphane Hessel et de son livre « Indignez-vous« , publié chez Indigènes Edition, et c’est très bien, car la sagesse parfois (souvent?) consiste à se révolter contre l’insupportable.Mais un autre livre paru en 2010 mérite toute notre attention : il s’agit du magnifique livre de Cynthia Fleury sur le courage (Cynthia Fleury, la fin du courage)

Qu’est-ce que c’est, le courage ? Comment ça vient ? Comment se constituer des super-réserves de courage? Courage de se réveiller tous les jours, à chacun ses raisons : l’ambition, le défi, l’amour, la persévérance. Tous ces mots simples au goût savoureux de pomme fraîche, à croquer. Dans le courage semble s’offrir une sortie du temps, « comme s’il existait un passage secret entre la vie et l’éternité ». Horizon toujours ouvert.

La check-liste du guerrier (dédié à Pascal)


 

 

Yuyu le Redman

Concevoir la guerre
En méditer les buts
La préparer
Invoquer son génie
Recenser ses armes et les fourbir
Négocier des alliances
Renforcer ses défenses avant d’attaquer
Faire le tour de ses peurs
Fourbir, fourbir, fourbir encore
Endosser son armure
Et partir au combat,
Résolu.

Voir aussi Seth Godin : Heroes and mentors, ou comment trouver ses armes cachées sous les pierres, et le livre de Cynthia Fleury sur le courage (de dire non?) et comme je l’ai promis un exemple de « Bravomètre »

 

le bravomètre ou le coaching par l'image

 

Traversée de la peur


La peur nous accompagnait depuis si longtemps qu’elle nous était devenue familière : une ombre imperceptible, une partie de nous-mêmes. Elle assombrissait l’éclat de nos jouissances, ralentissait l’élan de nos paroles et de nos gestes.
Celui qui serait venu nous dire : « on peut vivre sans peur », l’aurions-nous écouté ?
Or, tandis que s’approchaient les derniers jours de l’été, quelque chose d’incroyable se produisit. La peur nous apparut soudain comme un hôte indésirable. Son poids devint trop lourd, et nous avons cherché le moyen de nous en débarrasser.
Nous avons commencé par repérer ses traces, discrètement, pour ne pas alerter sa vigilance. Nous avons reconnu son ombre sur les photos, les zones plus ternes sur la carnation de nos visages, où l’on discernait sa présence.
C’est alors que nous avons compris : la peur était partout. Son empire était immense, elle régnait jusqu’au plus profond de nos cellules, jusque dans les recoins les plus reculés de notre cerveau dont elle réorganisait les circuits à notre insu.
Il allait falloir agir avec résolution, avec une ruse, une persévérance infinies. Il nous faudrait nouer contre elle de solides alliances et nous forger des armes. La guerre serait longue et cruelle. Enfin, nous sommes parvenus au cœur du système, dans son repaire le plus profond. Après des mois d’une traque impitoyable, la peur était face à nous, gigantesque, obèse, nourrie de tous nos sacrifices, de nos prières, de nos renoncements, enhardie par nos offrandes. On ne voyait que ses pieds, tandis que sa tête se perdait dans les nuages.
Nous avons senti notre courage nous abandonner devant le mur de la cascade grondante. Le vacarme était assourdissant. La vapeur amollissait notre résolution. Alors, l’un d’entre nous a eu l’idée de tendre une passerelle jusqu’à l’autre bord et c’est ainsi que nous sommes passés, tout d’abord en rêve, puis pour de bon.

(rappel : lire la fin du courage, de Cynthia Fleury)

AVARAP : école de courage.

Cynthia Fleury, caramels et paparazzis


On s’achemine tout doucement vers la fin de ce journal…

1. Demain, toute la famille est au complet. On blague sur les caramels au beurre salé, si tendance. Côté Ouest, objet de toutes les plaisanteries, magazines pour l’été, jardinage et bricolage, conseils psycho-déco ; on feuillette en laissant filer son esprit. Les filles s’isolent pour téléphoner. Le soir, on joue aux cartes avec les enfants. Ils ont des gestes vifs. Les filles dévorent. « Tu crois que si tu manges plus vite il y a moins de calories ? » demande Joséphine, l’amie de ma nièce. Aussitôt dit, aussitôt posté. Avec facebook et l’iPhone, on est tous des paparazzis.

2. Et voilà, mon blog est en ligne. Envoyer des invitations, guetter les commentaires : la victoire, c’est qu’il existe. La Discipline danse de joie dans sa belle robe de velours rouge (voir plus haut : mes deux égéries).

3. 3. Je commence à trier les photos : Ré, la Sarthe. Une pensée pour l’ami Nicolas, si présent dans chacune de ces promenades. Sa voix nasale, haut perchée, cite le nom d’un oiseau, d’une plante, signale une écluse qu’il a pris tant de plaisir à photographier, jadis, les coins où il venait pêcher avec son père. Une semaine a suffi pour faire mûrir les arômes de ces images, comme on le dirait d’un bon vin : c’est une joie sereine, mêlée de reconnaissance, longue en bouche, avec de riches tanins. Elles manquent de piqué, la mise au point laisse à désirer, le compact montre ses limites, mais elles me rappellent le moment de la prise, et la complicité nouée autour des marais, la passion commune pour ces ambiances fugitives, sans ignorer que l’on n’y parvient jamais, qu’elles ne se laissent pas plus capturer que les merveilleux nuages.

4. Au petit déjeuner, un drame éclate à propos d’une broutille, une histoire de peinture à finir. Si je me démène autant, n’est-ce pas par refus de voir vieillir ma mère ? Agir pour évacuer l’angoisse. Je voudrais qu’elle soit encore capable de décider, d’arbitrer, de vouloir. Mais elle n’en a plus la force. Pas aujourd’hui en tout cas. Lui reconnaître ce droit, même si elle refuse de passer la main et de se désintéresser. On reste en suspend, le temps de se faire à l’idée, puis revient le courage. Qu’est-ce que c’est, le courage ? Comment ça vient ? Courage de se réveiller tous les jours, à chacun ses raisons : l’ambition, le défi, l’amour. Dans le courage semble s’offrir une sortie du temps, « comme s’il existait un passage secret entre la vie et l’éternité » (Cynthia Fleury, la fin du courage). Horizon toujours ouvert.