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Guérir


Qu’est-ce que guérir ? Et de quoi guérit-on au juste ?

Il y a tout juste vingt ans, j’ai failli mourir. L’assassin potentiel n’impressionne guère par sa taille :  de couleur sombre, le moustique « aedes aegypti », qui peut se reconnaître par les marques blanches bien visibles sur les pattes, ne mesure pas plus de 5 millimètres.  Originaire d’Afrique, on le trouve maintenant dans les régions tropicales à travers le monde. Il est connu comme le porteur de la fièvre jaune, du chikungunya, et, pour ce qui me concerne, de la fièvre dengue.

Arrivé depuis à peine quinze jours à Manille, métropole grouillante de vie, bruyante et colorée où ce cousin du moustique tigre pullule pendant la saison des pluies, je ne m’étais pas méfié lorsque les premiers symptômes se sont manifestés. Au bout de deux jours d’une fièvre intense et de vomissements dévastateurs, un transfert à l’hôpital s’imposa. Le diagnostic fut confirmé : c’était bien la dengue, un virus dont on peut mourir en deux jours par hémorragie interne. La perspective était ignoble. Je voyais mon corps se vider, perdant tout ce qui nous attache au sentiment de dignité humaine.  Les médecins m’annoncèrent qu’ils me feraient des prélèvements sanguins toutes les deux heures et, si le taux de plaquettes diminuait au-dessous de 80, ils devraient se résoudre à une transfusion. Le scandale du sang contaminé venait de secouer la France, et je n’étais pas vraiment rassuré à l’idée d’un sang étranger venant remplacer le mien, mais entre ce risque et celui de l’hémorragie interne, le choix était clair.

Après les dernières visites, ma chambre s’est transformée en une zone d’isolement sensoriel, émotionnel et clinique, dans lequel plus rien de ce qui nous rattache à la vie n’existait. La nuit s’étendait devant moi, non comme l’opposé du jour, mais comme un espace désert à traverser : des heures pures et vides, uniquement rythmées par l’entrée et la sortie des infirmières venant effectuer les prélèvements sanguins. Pour ne pas les inquiéter, j’avais refusé de prévenir mes parents restés en Europe, et j’ai donc guetté les résultats des examens, de deux heures en deux heures, seul dans un silence adouci par le ronronnement de la ventilation et le cliquetis des chariots dans le couloir éclairé d’une lumière verdâtre. Par moments, les portes battantes s’ouvraient, se refermaient. Le taux de plaquettes descendait, descendait. 110, 100, 90. Je voyais s’approcher le moment où il faudrait se résoudre à la perfusion. Et puis, vers quatre heures du matin, il a commencé à remonter. Si j’en avais eu la force, j’aurais embrassé l’infirmière porteuse de la bonne nouvelle, une Philippine discrète, professionnelle et chaleureuse, aux gestes incroyablement précis et rassurants. Au milieu de mon délire, son sourire tropical, sa petite voix flûtée, sa présence rayonnante dans sa blouse verte impeccable et sa coiffe d’un blanc immaculé, alliait la douceur fruitée d’une mangue avec la rigueur scientifique d’un électrocardiogramme.

Dans les jours qui suivirent, toute l’équipe médicale me dispensa des soins aussi compétents qu’empathiques, et cette gentillesse renforça encore mon amour pour ce pays et pour ses habitants. J’acceptai leur bienveillance avec une gratitude infinie. La convalescence fut longue et difficile. J’étais épuisé, incapable de soutenir mon attention plus de vingt minutes, mais heureux et soulagé d’avoir échappé à une fin répugnante. Les amis, les collègues défilaient dans ma chambre, qui devint rapidement une annexe du bureau. On riait beaucoup. Leur humour cocasse, délicat, jamais malveillant, détendait l’atmosphère. On élaborait aussi de nouvelles stratégies commerciales, qui m’aidaient à me projeter dans le futur proche et l’action. Cela participait aussi au processus de guérison. J… nous insufflait son inépuisable énergie sans faire part de ses inquiétudes. Tandis que mon corps se reconstruisait, nous reconfigurions l’avenir de l’entreprise et celui de toute la profession.

Et puis j’étais bien entouré. « Ate » L… prenait soin de moi, me nourrissait, veillait sur ma faiblesse avec l’attention d’une mère de substitution.  A travers elle, sa présence, ses silences bienveillants, ses remarques empreintes du bon sens populaire typique des provinces du Nord, se nouait un pacte profond entre moi et ce peuple accueillant, maltraité, sous-estimé par les autres comme par lui-même.  Au-delà même des Philippines, c’était toute l’Asie qui proposait ses secrets millénaires pour contribuer à ma guérison. Mais de quoi fallait-il guérir ? Peu à peu cheminait en moi le sentiment d’être longtemps passé à côté de quelque chose d’essentiel, et ce quelque chose, aujourd’hui, se présentait, mangue mûre, savoureuse, à cueillir et à déguster. La vie était là, d’une richesse incroyable. Elle prenait mille visages, et chacun de ces visages avait quelque chose à me dire.

Un proverbe asiatique énonce que « lorsque l’élève est prêt, l’enseignant apparait ».

Quelque temps plus tard, Renée V…, l’excellente ambassadrice de France aux Philippines, m’offrit un livre de David Servan-Schreiber qui venait de paraître en France. Sous le titre générique de « Guérir », il décrivait, en une dizaine de chapitres, des thérapies aussi variées que l’EMDR, aujourd’hui largement utilisé pour guérir des traumatismes, la cohérence cardiaque, la méditation en pleine conscience, et d’autres approches pour guérir de l’anxiété, du stress, voire de la dépression sans médicaments ni psychanalyse. Un long chapitre consacré à la Communication Non Violente me fut d’une grande utilité dans mes rapports avec les Philippins des diverses couches de la société.

Beaucoup de ces thérapies ou de ces approches reposaient sur le principe de la non-dualité entre le Soi et le monde. Le Talagog, langue des Philippines, avait pour cela un concept, « kapwa », imparfaitement traduit par le mot français « empathie ». D’une grande richesse sémantique, il incluait la notion de coresponsabilité agissante, au-delà du fait de « sentir avec l’autre ».   Peu à peu, je comprenais que ce sens de la responsabilité reposait sur la conscience physique, émotionnelle et morale de l’impact de nos actions sur les autres. C’était le ressenti du rugbyman dans la mêlée, l’attention du musicien accordant son instrument à celui des autres, la retenue au moment d’énoncer des paroles blessantes, un arrondi des gestes, une pudeur dans les regards, une perception si précise de la présence des autres que, même dans la foule la plus compacte, les Philippins se heurtaient rarement, comme si leurs corps étaient guidés par de puissants radars.

Ce dont il importait de guérir, c’était précisément de la séparation d’avec le monde, avec soi, avec les autres. Guérir, ce n’était pas fusionner avec le monde, mais apprendre à trouver moyen d’être, de penser, de sentir et d’agir en plein accord avec  le Soi déployé dans toute sa singularité musicale, quantique, à la fois onde et particule, écoute et résonance.  

Depuis quelques temps, mon cœur bat trop vite. Son rythme connaît des irrégularités préoccupantes, et je vais devoir retourner à l’hôpital en pensant avec gratitude au moustique, aux Philippins, à toutes celles et tous ceux qui m’ont généreusement dispensé leur enseignement. J’étudie les livre de Baptiste Morizot, d’Estelle Zhong Mengual et de Philippe Descola qui nous proposent d’établir un autre rapport aux espèces non humaines, plantes ou animaux.  Une sorte de kapwa occidentale, éclairée par la connaissance, enrichie par les relations nouées entre égaux, par l’acceptation de l’altérité, de sa valeur, animée par la recherche, en toute humilité, mais joyeusement, de notre juste place.

Aedes aegypti

Pratique et magie de l’intelligence collective


La ferveur était au rendez-vous, samedi, à Paris 3 Sorbonne Nouvelle, où j’animais la première d’une série de trois journées sur le thème « réussir ses projets avec l’intelligence collective ».

Au départ, le pari n’était pas gagné : le titre un peu austère en avait rebuté quelques-uns lors du semestre précédent. Il avait d’ailleurs été prévu de le modifier en « pratique et magie de l’intelligence collective », mais pour des raisons mystérieuses, le changement n’avait pas suivi. Du coup, je me demandais combien de participants se présenteraient, un samedi matin, pour travailler sur ce sujet assez indirectement lié à leurs études principales.

La réponse n’a pas tardé : ils étaient 30 au départ, bientôt 35 en comptant les retardataires.

Je commence par interroger les étudiants sur leur vécu du travail en groupe. Les réponses sont mitigées, voire franchement dubitatives. La plupart expriment un sentiment de frustration lorsque ce sont toujours les mêmes qui travaillent pour compenser l’absence de contribution des autres.  Ils estiment peu équitable que tous aient la même note au final, au point que certains ont fini par demander à leur professeur de les noter séparément.

Je leur explique alors que l’on retrouve les mêmes sentiments de frustration dans de nombreuses situations professionnelles, y compris dans les startups. L’enthousiasme initial s’émousse rapidement face à la réalité des comportements humains.

Les témoignages sont très variés, tirés de leurs expériences universitaires, associatives ou professionnelles : il y a là un arbitre bénévole de football, une animatrice de colo, des actrices de théâtre, une employée de banque, une traductrice œuvrant au sein d’un groupe de travail virtuel, réparti dans plusieurs pays. A travers cette première discussion, ils prennent conscience de la diversité de leurs expériences, et je leur fais observer la richesse que cela représente pour le groupe.

Les thèmes émergents font apparaître quelques-uns des concepts que nous allons approfondir durant ces trois journées :

  • Quelles sont les responsabilités individuelles et collectives ?
  • Comment assurer un niveau de mobilisation constant, également réparti entre les divers membres de l’équipe ? Est-ce d’ailleurs possible, ou faut-il s’accommoder de variations inévitables ?
  • Que faire lorsque le niveau de compétences est très inégal ? Comment évaluer les contributions de chacun ? Doit-on mesurer uniquement la production, ou prendre en compte la contribution, qui peut se faire sous d’autres formes : clarté de vue, capacité à communiquer, soutien moral, talent de médiateur, …
  • Comment gérer les écarts de comportement ? Faut-il appliquer des sanctions, et si oui dans quels cas ? Ou bien faut-il préférer une approche de type « réparation » ?
  • Quel équilibre instaurer entre le souci d’efficacité et celui de ne pas heurter les sensibilités ?
  • Qu’est-ce qui est équitable ? Pour les individus ? Pour le groupe ?
  • Comment prendre en compte les contraintes : nécessité de jouer le soir devant un public de théâtre, de respecter les enfants, les règlements sportifs ou professionnels ?

Le bâton de parole tourne à toute vitesse, l’attention est soutenue. Parmi les « règles du jeu », je demande à chacun de dire son prénom avant d’exprimer son point de vue ou de poser sa question. Le but est à la fois d’apprendre à se connaître, et de se responsabiliser dans sa prise de parole.

Le débat fait des aller-retour constants entre les exemples vécus et les concepts. Je leur explique la notion de « position Méta », dans laquelle on s’intéresse à la manière dont le groupe fonctionne et non pas à sa production (le contenu) . C’est par exemple le fait d’avoir une « discussion sur la discussion », ou la nécessité de poser des règles de gestion des désaccords à froid, bien avant d’aborder les sujets qui fâchent. Ainsi, lorsque les premiers désaccords apparaîtront, on n’aura pas à discuter en même temps des écarts et de la manière de les gérer. Ils comprennent cette idée en approfondissant le rôle du médiateur, les situations dans lesquelles il serait judicieux d’y avoir recours, et celles où le groupe devra prendre ses responsabilités.

Les règles, initialement vécues comme des contraintes ou des notions implicites ne méritant pas qu’on s’y attarde, sont maintenant perçues comme un moyen de prévenir ou au moins de gérer les conflits. Peu à peu apparaît le besoin d’un cadre, d’un référentiel, qu’il soit donné d‘avance (règlement du travail, droits de l’homme,…) ou co-construit. Ainsi, le principe selon lequel au théâtre, dans le cadre d’une improvisation, « toute proposition doit être acceptée, quelle qu’elle soit » constitue une règle implicite, mais connue et généralement respectée de tous.

Mais il ne suffit pas d’avoir ou de se donner des règles : comment les appliquer ? De manière stricte ou selon le contexte ? L’arbitre bénévole de football évoque sa décision de ne pas donner un carton rouge, pourtant mérité, afin de faire retomber la température parmi les joueurs et le public.

D’ autres principes émergent, tel que l’entraide parmi les animateurs de la colo, qui doivent prendre sur eux et se retenir d’exprimer des émotions négatives envers leurs collègues, soumis à une forte pression pendant toute la journée. Solidarité, responsabilité, intégrité, transparence, engagement : quelle est la part des valeurs collectives, relationnelles, individuelles ? Je leur propose d’adopter la proportion 50-25-25, que nous reprendrons dans un exercice en deuxième journée.

Pour souligner l’importance de poser un objectif commun, je leur propose de créer ensemble une communauté apprenante, je leur explique le principe de co-responsabilité, et l’importance de la ponctualité : chacun d’entre nous est une ressource pour les autres, et du coup, être en retard, c’es se priver de l’expérience vécue, impossible à rattraper en lisant un support écrit, mais c’est aussi priver les autres de sa contribution (ses idées, son écoute, son soutien).

Au fur et à mesure que les retardataires arrivent, je demande aux étudiants de leur expliquer eux-mêmes ce principe. Cela nous permet de lancer ensuite une discussion sur la mise en application concrète du principe de sanction-réparation : faut-il donner des pénalités aux retardataires, ou leur permettre de compenser leur retard en apportant quelque chose de plus au groupe ? L’idée d’une compensation non-culpabilisante fait son chemin.

A suivre …

La peluche Tamaloo, triomphe de la douceur active


Dimanche 11 septembre 2016.

Une date qui donne le frisson. Comment ne pas se souvenir, en l’écrivant, de ce jour où la confiance s’est déchirée pour des millions de gens aux Etats-Unis, et sur toute la planète ? Depuis cet événement, les cyniques et les pessimistes ont beau jeu de se moquer de ceux qui portent, malgré tout, l’espoir dans la possibilité d’un monde meilleur, plus vivable pour les prochaines générations.

On observera d’ailleurs que ce sont souvent les mêmes qui, par leur négationnisme climatique, retardent l’adoption des mesures audacieuses qui permettraient d’éviter le pire.

Dans leur bouche, le mot « bisounours » résonne comme une douce injure. C’est une arme hypocrite, à la violence déguisée en condescendance, redoutable en réalité. On peut leur répondre avec cette puissante citation de Vaclav Havel, rapportée par le pasteur Rainer Eppelmann à Angela Merkel à un moment où elle se trouvait en difficulté en raison de sa politique d’accueil envers les migrants.

« L’espoir », écrivait l’ancien dissident Tchèque, « l’espoir, ce n’est pas la conviction qu’une chose se termine bien, mais c’est la certitude que cette chose fait sens, quelle que soit la manière dont elle se termine ».

Mais l’horreur n’est pas le sujet de cette chronique. Nous reviendrons plutôt sur la douceur, la douceur active, intelligente, efficace.

Hier, j’étais à Novancia pour coacher des doctorants participant aux 24 heures chrono de l’entrepreneuriat (https://www.novancia.fr/24H-chrono-entrepreneuriat-doctorants-2016), organisé conjointement par cette école et l’ANRT.

Le pitch : « Avec pour objectif de désacraliser l’entrepreneuriat, cet évènement doit permettre aux participants de conjuguer leurs connaissances scientifiques avec l’audace de la création d’entreprise.

10 équipes de 7 doctorants vont concourir durant 24 heures non-stop pour proposer à un jury d’industriels et d’entrepreneurs des projets d’entreprises réalistes s’appuyant sur leurs connaissances scientifiques »

Dans la pratique, ce sont 70 participants et leurs coachs qui phosphorent non-stop, deux jours et une nuit, dans un cadre propice à la formation de l’intelligence collective. La diversité des disciplines scientifiques et des cultures garantit la richesse des propositions, mais cela rend aussi plus difficile d’en choisir une seule et de l’affiner jusqu’à ce qu’elle se transforme en un projet viable.

Vivre le deuil d’une bonne idée, à fortiori de plusieurs, est une expérience pédagogique essentielle, surtout lorsqu’on la vit en mode accéléré.

C’est la deuxième fois que j’ai le privilège d’accompagner une équipe dans le cadre de ce Challenge, en Australie en mai dernier et cette fois-ci à Paris. A chaque fois c’est un bonheur de travailler en compagnie des esprits les plus vifs, les plus frais (même après 24 heures sans dormir), les plus innovants. Les aider à canaliser leur énergie créative dans un sens productif, à renforcer leur argumentation, à se préparer à la redoutable épreuve du passage devant un jury très averti.

A la fin de la journée, les deux semi-finalistes ont l’honneur de présenter leur projet devant le jury et l’ensemble des participants.

L’un de ces deux projets m’a particulièrement touché. Les doctorants avaient décidé de s’attaquer au sujet de la douleur des enfants malades, difficile à traiter efficacement car ils ont du mal à expliquer leurs symptômes.   Pour contourner la peur de la blouse blanche et favoriser le dialogue avec les enfants, ils avaient eu l’idée d’équiper de capteurs une peluche, la « peluche tamaloo ».

Des caméras fixées dans les yeux de la peluche pouvaient capturer l’expression faciale des enfants, qui constitue un indice fiable de leur niveau de douleur. Un microphone et d’autres capteurs sensibles permettaient d’enrichir le contact sensoriel avec l’enfant pour pouvoir établir ensuite le traitement le plus efficace.

Cette alliance de la science médicale, de la technologie et de la douceur enchanta le public, soulevant des salves d’applaudissement.

Une fois de plus, il était démontré que les bisounours pouvaient gagner la partie. Les capteurs et le big data au service de l’empathie : quoi de plus puissant ?

De l’âge de l’empathie à la grande apathie


De l’âge de l’empathie à la grande apathie ?

Participer au « monde connecté » n’interdit pas de prendre un peu de recul vis-à-vis de certaines attitudes, comme nous le rappelle fort à propos l’auteur du blog « reflets.info » dans son article :
« La fin de l’empathie : critique de l’esprit connecté et de l’esprit du temps »
« Le système économique (et par ricochet, politique) en place n’a rien à craindre : l’esprit geek consumériste a envahi les esprits d’une classe moyenne ultra connectée, prête à payer plus de la moitié d’un smic pour « penser différemment » (sic) à l’aide d’un téléphone dix à cinquante mille fois plus puissant que les ordinateurs qui ont envoyé les hommes sur la lune et permet d’afficher ses préférences. Une classe moyenne qui n’a plus d’autre objectif que d’échapper au monde réel et ne ressent, pour sa plus grande part, aucune empathie. Le monde réel serait-il si difficile qu’on veuille le fuir à ce point ? » (Lire l’ensemble de l’article, réflexion pertinente quoiqu’un peu désabusée).
Par souci d’équilibre, ou « pour prendre un peu de recul sur le recul », ou tout simplement pour ne pas sombrer dans le désespoir, rappelons que l’empathie est un trait commun à tous les mammifères, profondément inscrite dans leurs gènes, et qui se manifeste notamment par l’action des neurones miroirs. Ce phénomène a été décrit par Frans de Waal dans son livre « L’âge de l’empathie« . Ce ne sont pas quelques clics de souris, de tablette ou de smartphone qui les amèneront à disparaître. Comme le rappelle la quatrième de couverture : « sommes-nous sur terre, comme on l’affirme si souvent, dans le seul but de servir notre propre survie et nos intérêts personnels ? Dans ce livre stimulant, Frans de Waal remet magistralement en cause le comportement égoïste et l’esprit de compétition souvent présentés comme conformes aux théories de l’évolution mais en réalité bien moins naturels que le don d’empathie, qui n’est pas l’apanage exclusif des humains. (…) L’Age de l‘empathie ouvre des perspectives passionnantes sur la nécessaire solidarité dans nos sociétés ».
La question de meure posée. Selon Frans de Waal, nous serions la seule espèce capable de déconnecter le câble et de nous détourner ce qui faisait tout notre charme parmi la vaste famille des mammifères. C’est l’autoroute de l’évolution prise à contre-sens : l’âge de l’apathie après celui de l’empathie ?

Pour Margotte http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Force-interieure-trouver-le-courage-en-nous

Parlez-moi d’humour


En route pour les Philippines, le pays du peintre Juan Luna et du cinéaste Brilante Mendoza. C’est dans ce pays que j’ai pour la première fois fait l’expérience du regard qui se décentre, en apprenant à voir le monde selon la grille de lecture d’un autre peuple. Auparavant, il y avait eu l’Allemagne, et Singapour, mais la passion intellectuelle ne remplace pas l’empathie.

Les philippins sont à juste titre fiers d’avoir inventé en 1986 la première révolution sans effusion de sang, le People Power qui renversa le dictateur Marcos en 1986.

Alors que nous entrons dans l’âge de l’empathie, il me sembe que ce peuple a quelques points d’avance. Plus les rapports entre les pays, les cultures et les individus seront placés sous le signe d’une compétition exacerbée, plus il sera nécessaire de comprendre l’autre sur une base intuitive et non intellectuelle ou transactionnelle. (Vous savez, avec cette chose palpitante et rouge qui s’appelle le coeur).

Se mettre à la place de l’autre un instant, voir avec ses yeux, entendre avec ses oreilles avant d’en revenir à sa propre carte du monde : quand la simple gentillesse ne passe plus pour de la naiveté, mais pour un stade avancé de l’évolution humaine.

Il faudrait parler de leur modernité métisse traduite approximativement par le concept de « Mashable Manila« , de la musique et des Black Eyed Peas, (*) en attendant le Basquiat de l’Asie, car il viendra d’ici, c’est sûr et certain.

Pour l’humour, en tout cas, et tout particulièrement sous la forme douce-amère, infiniment cocasse et généreuse de l’autodérision, ils méritent la palme, la couronne et, allez, même l’écharpe.

((*) l’un des chanteurs de ce groupe est d’origine philippine et chante en Tagalog sur certains titres.

l’empathie n’est pas une maladie


L’empathie n’est pas une maladie », déclare Frans de Waal interviewé dans le Monde. L’auteur de l’Age de l’empathie explique l’importance de l’empathie et de la coopération dans l’évolution de l’humanité. Citation :  « en valorisant la compétition au détriment de l’empathie, nos organisations auraient fait fausse route ». Puisque nous sommes de plus en plus nombreux sur une planète dont la taille n’augmente pas, il va bien falloir apprendre à nous écouter, et à nous entendre.

 

 

le Bulul, gardien des rizières

L’empathie désigne notre capacité à ressentir avec l’autre,  ce qui ne signifie pas se laisser envahir par ses émotions. Or, tous les bons coachs vous le diront, pour être en mesure d’aider, il faut d’abord savoir préserver son intégrité, poser ses limites, protéger son territoire. La bienveillance trouve ainsi son point d’équilibre.

1. Une sagesse mise en pratique par les Ifugao, peuple du nord des Philippines qui ont construit et continuent d’entretenir les rizières en terrasse depuis 2000 ans. Ces montagnards farouchement indépendants ont pour coutume d’installer des statues en bois, nommées bululs, à l’angle des rizières, autant pour les protéger que pour les délimiter. Bienveillance et vigilance vont de pair. Les Philippins, connus pour leur grande hospitalité, n’en posent pas moins des règles. De même, l’empathie ne signifie pas renoncer à son intégrité, mais se décentrer juste suffisamment pour ressentir avec l’autre. Protégeons nos rizières tout en restant à l’écoute.

2. « L’empathie n’est pas une maladie », déclare Frans de Waal interviewé dans le Monde. L’auteur de l’Age de l’empathie explique l’importance de l’empathie et de la coopération dans l’évolution de l’humanité. Citation :  « en valorisant la compétition au détriment de l’empathie, nos organisations auraient fait fausse route ». Puisque nous sommes de plus en plus nombreux sur une planète dont la taille n’augmente pas, il va bien falloir apprendre à nous écouter, et à nous entendre.

3. L’émotion, source de la conscience : lire cet entretien avec le neurobiologiste portugais Antonio Damasio dans la Recherche. Si même les paramécies ressentent des émotions, il va falloir sérieusement revoir notre conception de nos relations avec l’univers du vivant.

Extrait : Antonio Damasio : « Chaque chose, selon sa puissance d’être, s’efforce de persévérer dans son être. » Cela est valable pour la paramécie comme pour l’homme et, chez l’homme, pour une cellule comme pour l’organisme entier. En termes modernes, c’est aussi dire que toutes les dispositions de nos circuits cérébraux sont, sauf accident, programmées pour rechercher à la fois la survie et le bien-être. »

Banaue rice terrasses by Mark Maranga

On se sent moins mesquin, du haut des splendides rizières en terrasse de Banaue.