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Houellebecq, tellement fin de cycle


Longtemps, j’ai détesté Houellebecq. Son point de vue clinique sur la société, le choix de ses sujets, l’insignifiance de ses personnages : tout m’insupportait. La sécheresse de son style, comme l’absence totale de rythme et la banalité de ses images, assez drôlement épinglée sur le blog de Claro me donnaient des boutons. Je me demandais comment l’on peut ambitionner d’écrire et de publier des romans quand l’être humain vous intéresse si peu qu’un chauffe-eau acquiert plus de consistance que tous les personnages transparents, sans affects et sans épaisseur, du livre. J’avais tort. Il ne sert à rien de détester l’auteur, surtout quand il a pris soin de semer à chaque page des bombes hilarantes. (Les trois octogénaires au restaurant ou ce passage, féroce: »Plus surprenant, il était familier des principaux dogmes de la foi catholique, dont l’empreinte sur les sociétés occidentales avait été si profonde, alors que ses contemporains en savaient en général un peu moins sur la vie de Jésus Christ que sur celle de Spiderman« ).

Dans les sociétés humaines, il y a des fins de cycle, comme on disait autrefois des fins de siècle. Houellebecq est un auteur fin de cycle, probablement lui-même fatigué du roman comme format et comme ambition. Ce n’est pas une mauvaise perspective pour décrire l’essoufflement des sociétés européennes sur fond de désindustrialisation. Reconnaissons-lui le courage de s’attaquer à un vrai grand sujet littéraire, tout en regrettant qu’il ne fasse que le survoler, complice en cela du monstre doux puisqu’il désavoue d’avance toute idée de résistance.

Il ne s’agit donc pas d’être pour ou contre Houellebecq, mais d’imaginer ce que l’on pourra faire après lui, pourvu que l’on ait encore l’ambition de tenter quelque chose.

La voix dans la jungle


Une femme à la radio raconte sa vie d’otage en Colombie. Sa voix se détache entre des silences, et dans ces silences on entend le respect, la compassion du journaliste plus habitué à mordre qu’à laisser se déployer la parole nue. Le timbre est clair, équilibré. Cette femme a su se reconstruire après les traitements dégradants,   les plus belles années de sa vie perdues. Compter les fourmis qui passent entre ses orteils, suivre la progression d’une goutte d’eau le long d’une brindille en méditant la prochaine tentative d’évasion. Des jours, des semaines à guetter la voix de sa famille à la radio, pour lui rappeler qu’elle compte encore parmi les humains.  Endurer, tenir, garder sa dignité. On entend frissonner chaque feuille de la jungle, un mur vert qui se refermait sur elle chaque fois qu’elle tentait de s’arracher à ses geôliers. Dépendre d’eux pour la moindre chose, entièrement. C’est tout cela qu’elle raconte, avec les mots qu’elle a trouvés dans l’écriture.  Il y a des choses qu’on ne peut pas dire à ceux qui vous aiment, et que l’on ne peut pas non plus taire de peur qu’elles restent à pourrir là, tout au fond de l’âme.  La radio  permet à la parole d’être dite, au coeur d’un studio capitonné, avec ce qu’il faut de lointaine intimité pour de tenir à distance le plus fort de l’horreur. Elle ne s’était pas attiré que des sympathies, mais il y a la force intacte, et toutes les couleurs de la cruauté, de la tendresse et de l’espoir dans cette voix somptueuse qui sort, ce matin, de mon petit poste de radio.

Il se trouve tout de même un romancier pour écrire : « c’est bien peu de choses, quand même, les relations humaines ». (Michel Houellebecq, la Carte et le territoire).

Mayonnaise bleue


1. La rentrée littéraire c’est toujours l’occasion d’écrire des bêtises qu’on regrettera par la suite. Allons-y gaiement!

3. J’aime beaucoup le siècle des nuages de Philippe Forest. Au moins lui s’intéresse à ses personnages et son style n’est pas truffé de banalités comme celui de Houellebecq (les femmes aux jambes invariablement longues et fines, les journées belles et chaudes), voire le pâté de citations mises bout à bout sur le blog de Claro, mortel pour sa réputation!

4. A propos de Houellebecq, ma coach en écriture, conteuse, blogueuse, actrice et reine occasionnelle, veut lui intenter un procès. Folle de rage, elle roule de la voix, des yeux, des seins,  affirme haut et fort qu’elle avait eu l’idée de faire une installation et de réciter des contes régionaux sur le thème des cartes Michelin bien avant la parution du livre, preuves à l’appui.  A ce compte-là moi aussi je pourrais m’exclamer que je travaille sur le thème de la carte et du territoire depuis plus de vingt ans mais il y a bien plus sournois à faire, par exemple parler de CosmOZ, de Claro.  La Carte et le territoire à côté, c’est plat comme la Beauce. Le dernier chapitre est tout à fait dans son rôle d’anesthésiant pour nous amollir face au monstre doux. Mou. Fou. Ou bien poster un paragraphe de The Song of Solomon. Non ça ce serait vraiment trop méchant pour notre grand écrivain national.

5. Pas de liens aujourd’hui, de toute manière vous ne vous donnez pas la peine de cliquer dessus, bande de feignasses.  Bon allez si, j’en mets quelques uns, par pure bonté d’âne comme on dit dans le Poitou. Par exemple la vidéo de la mouette et du chat repu.

6. Comment ça, relâché, mon style? Je suis les conseils de mon futur éditeur. Si vous ne kiffez pas grave, je reviens à l’imparfait du subjonctif, comme Houellebecq avec son « bien que les jours ‘écoulassent ». C’est pas grand, « s’écoulassent »?

7.  Un grand merci à Thibaud pour m’avoir indûment mais fort gracieusement procuré un abonnement au Matricule des anges, une revue littéraire dans laquelle on apprend des choses qu’on ne savait pas déjà.

8. Les chambres où ne résonnent plus les cris d’enfants baillent. Pour qu’elles s’endorment, il faudrait leur conter des histoires.

douce tyrannie


Avant d’aborder La carte et le territoire de Houellebecq, un extrait de l’interview de Raffaele Simone dans le Monde Magazine :

Qui est ce  » monstre doux «  dont vous parlez dans votre livre ?

Raffaele Simone : Dans De la démocratie en AmériqueAlexis de Tocqueville décrit une nouvelle forme de domination. Elle s’ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme « plus étendu et plus doux », qui « dégraderait les hommes sans les tourmenter ». Ce nouveau pouvoir, pour lequel, dit-il, « les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas », transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en« une foule innombrable d’hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée des autres ».

Murakami et les variations Houellebecq


 

 

le laboratoire photographique de Moulins%rt

En raison d’un conflit interne à la rédaction sur la ligne éditoriale de Buencarmino, il n’a pas été possible de faire paraître les derniers articles du « Journal estival ».

La rédaction se déchire entre la tendance « Variations Goldberg » (Canal historique) et la tendance « Lady Gaga » (canal contemporain), qui a manifesté son désir de voir traités des sujets plus actuels, liés, entre autres, à l’Art Contemporain, à l’art numérique et à la vie urbaine, par exemple la nouvelle version des Inrock ou la controverse autour de l’exposition Murakami dans le château de Versailles.  Selon un délégué syndical, « il serait temps de parler un peu moins de bobos, de châtos, et un peu plus de musicôs, sans compter la sortie des romans de Philippe Forest, de Claro et de Houellebecq, tout de même plus actuels que Proust ». une troisième tendance, intitulée « variations Gaga », serait à la recherche d’un compromis éditorial acceptable par tous, « dans un esprit reflétant la diversité des cultures contemporaines, sans toutefois négliger l’importance du patrimoine ».
Pendant ce temps, les partisans de la tendance Goldberg appellent à une manifestation devant le château de Versailles pour protester contre la « dégénérescence et la pornographie« . les premiers arrivés gagneront un serre-tête ou un pull Saint-James bleu marine et des mocassins à glands.
Quand au fondateur de ce blog, Philippe de Boncarmin, il n’a toujours pas reparu après da tentative d’exploration du laboratoire photographique de C…, connu des initiés comme « le Moulinsart Sarthois » Les dernières paroles entendues  étaient « ça sent le rat crevé ». La police n’ayant pas droit de cité sur ce blog, c’est sa soeur, Madeleine de Boncarmin, qui mène les recherches.

Nous prions les fidèles lecteurs et lectrices de bien vouloir nous excuser pour la gêne occasionnée, y compris l’apparition des fautes d’orthographe dans ce blog qui était jusqu’ici d’une tenue impeccable.

 

Collision numérique