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Anges ou robots : les secrets de la performance durable


Les sportifs de haut niveau se réjouissent à la perspective d’affronter un adversaire au meilleur de sa forme.  Aiguillonnés par ce défi, ils élaborent un programme rigoureux des semaines avant le match, s’entraînent physiquement et mentalement,  soignent leur régime alimentaire, visualisent et répètent à l’infini  le moindre de leurs gestes.

De même, les musiciens de concert ou les créateurs de start-ups appelés à « plancher »  face aux Business Angels  recherchent et savent maintenir un niveau de concentration exceptionnel. L’enjeu, pour eux comme pour tout porteur de projet, c’est de garder le cap et la motivation sur la durée. Lire la suite

les toits de Paris


Quartier d’Alésia, septième étage.

Si vous habitez la moitié nord de la France, il fait un temps splendide, c’est un régal. Un doigt de lumière matinale se promène sur  les plaques de zinc, sur les cheminées orangées d’où s’échappe un panache de fumée rose comme dans les gares de Claude Monet. Un pied de vigne vierge a grimpé le long d’un mur jusqu’à ces hauteurs, projetant des taches d’un rouge vif au milieu des pigeons. C’est un jardin de toits, tout hérissé d’antennes, un morceau de Paris qui s’amuse à surprendre l’œil et joue de ses clichés. On voudrait être un chat pour explorer la proche terrasse où d’épatants palmiers prennent le soleil, encadrant la tour Montparnasse. Un avion, plus haut, suit un vol d’oies sauvages en route vers l’Afrique du Nord. Dehors, il doit faire un peu frais : nous sommes au début d’octobre et vous aurez sans doute envie d’en profiter, de cocooner ou de sortir. Moi, je lis, blotti dans la chaleur de ma ville comme dans un nid douillet. Mon plumage et le ciel grisonnent en parfaite harmonie, mon œil s’arrondit comme celui d’un pigeon et j’ai prêté mon appartement à des touristes chinois pour le week-end. Bientôt, ce sera l’heure d’écouter la voix merveilleusement timbrée de Jean-Claude Ameisen sur France Inter (sur les épaules de Darwin). Il explique aujourd’hui la manière dont les cellules-grilles du petit raton mémorisent les parcours qu’il révisera, plus tard, dans son sommeil, tandis que les cellules-limites cartographient les frontières de l’espace. Je crois que l’émission d’aujourd’hui s’intitule « le cartographe EST le territoire », ou « le corps cartographe ». A podcaster ici : LIEN.

Tout de même, s’il faut se réincarner, je préfère revenir en chat qu’en rat. En attendant, comme eux, j’explore et je cartographie mon territoire d’un pas prudent. C’est que la ville d’en bas regorge de pièges qui vous envoient des décharges électriques en plein cœur au moindre faux pas. Mille souvenirs aiguisés comme des lames de rasoirs nous guettent, cachés dans une affiche de métro ou la devanture d’un Western Union. Tout, dans Paris, me crie les Philippines et mon enfant perdu. Quel savant fou fait, sur nous, de si cruelles expériences? Se réjouit-il de nos apprentissages? Nous collera-t-on des électrodes sur le crâne pour mesurer la profondeur et l’intensité de nos chagrins ?

Mais non. Réagissons. Lâchons ce fil morose et revenons à nos terrasses. Le malheur est une illusion comme une autre, un tic de langage à bannir d’autant plus violemment qu’il se croit tendance.

« Malheur, dieu pâle aux yeux d’ivoire / tes prêtres fous t’ont-ils paré? / Tes victimes en robe noire/ ont-elles vainement pleuré? / Malheur, dieu qu’il ne faut pas croire » (Apollinaire)

Si vous aimez les toits de Paris, sa lumière et ses chats, vous pouvez feuilleter ce livre d’aquarelles de Claude Moreau :

http://www.leseditionsdupacifique.com/Feuilleter/978-2-87868-123-9/object_files/template.htm

La carte et la territoire troisième et fin


Chacun cherche son Proust : il y a celui des spécialistes, experts proustologues, proustolâtres et recherchicoles, et puis celui des lecteurs ordinaires, dont le témoignage seul nous importe ici, puisque Buencarmino plonge ses radicelles, encore et toujours, dans l’expérience vécue.
« Proust a changé ma vie », s’exclamait une blogueuse avec laquelle nous croisons quelques fils sur Twitter (http://proustpourtous.over-blog.com/ ). Elle n’est pas la seule, à en croire Alain de Botton, auteur de « Comment Proust peut changer votre vie ». Le thème est également repris dans l’éditorial du supplément Lire consacré à l’auteur de la Recherche (voir « la Carte … 2/3 ») qui se demande « quel livre a changé autant de vies ?»
Bien sûr, on pourrait immédiatement citer la Bible, le Coran, Sur la route ou « Je sais cuisiner » de Ginette Mathiot, qui ont chacun à sa manière changé bien des vies.
Mais revenons à Proust. De quoi est-il précisément question ? En quoi change-t-il la vie de ses lecteurs ? Lire ne s’approfondit pas sur le sujet, se contentant de publier quelques interviews de personnalités qui ont lu et relu la Recherche, ou des fragments de la Recherche, ou la quatrième de couverture de la Recherche, à différentes époques de leur vie. Ce qui est intéressant, c’est de noter comme ils trouvent, à chaque lecture, de nouveaux trésors, un éclairage différent sur la vie, l’intimité, la vie sociale, ou sur l’écriture elle-même.
Car il y a plusieurs manières de lire Proust : l’une, nostalgique, régressive, tournée vers les paradis perdus de l’enfance auquel chacun cherche un accès muni de sa madeleine magique, et puis une autre, qui consiste à jouir de l’abolition du temps et de sa tyrannie. S’il nous invite à centrer notre attention sur le cœur de ce royaume personnel, Proust n’en donne pas vraiment la clé. Dans la Recherche, le Narrateur découvre un passage secret menant vers l’enfance (épisode de la madeleine dans du côté de chez Swann), et puis un autre vers Venise et ses ciels lumineux (les pavés inégaux dans le Temps retrouvé), mais tout cela se fait par inadvertance, un peu comme l’apparition du génie de la lampe dans les Mille et une nuits.
Ce que Lire n’explore pas non plus, c’est la différence entre ces deux états, car l’Enfance retrouvée, c’est la vivacité des premières impressions gravées dans la mémoire avec une force, une précision qui ne se retrouveront jamais, tandis que l’expérience du bonheur que procure l’abolition du temps relève tout autant de la littérature que de la neurologie ou de la méditation (voir « la Carte et le territoire » 2/3).
Lucien Daudet, puis Edmond jaloux, n’ont pas manqué de faire le rapprochement avec un autre explorateur du bonheur et du royaume intime. Jean-Jacques Rousseau, particulièrement dans la cinquième Rêverie, a décrit cet état de félicité suprême, contemplative, libérée de toutes les contingences, lorsqu’il décrit les après-midi passées à regarder passer les nuages, les yeux noyés dans l’infini du ciel, au fond de sa barque sur le lac autour de l’île Saint-Pierre. L’expérience évoque avec une étonnante similitude celle de la méditation en pleine conscience : la conscience décrite par le bouddhisme comme un vaste ciel dans lequel passent les idées, les sensations, les affects, éphémères comme les nuages, tandis que seule demeure la pure sensation d’être en vie. Heureux lecteur contemporain qui peut, en suivant la méthode disponible en podcast ou en CD, atteindre le merveilleux royaume auquel Proust n’accédait que par le hasard d’un télescopage entre les sens et la mémoire, également libéré du désir et de la déception. Il demeure que nul n’a su mieux que lui décrire l’état de félicité, la Promesse, qu’il est permis à chaque lecteur de voir se réaliser pourvu qu’il s’en donne la peine.
Voilà comment l’auteur souffrant, perclus d’asthme, épuisé par ses insomnies, dévoré d’angoisses, parvient à nous délivrer le plus lumineux message d’espoir, avec une boussole de plus de 3,000 pages pour nous guider au long de notre voyage. Voilà pourquoi Proust, plus que tout autre, suscite chez ses lectrices et ses lecteurs un sentiment de profonde gratitude, une tendresse, une ferveur inégalées. C’est cela, la magie, le secret de la lampe et des derviches tourneurs.
Bonus : Un été avec Proust sur France Inter à télécharger en podcast http://www.franceinter.fr/emission-un-ete-avec-proust.

la carte et le territoire 2/3


La science et la littérature possèdent également le pouvoir de susciter, voire de précipiter les émotions lorsqu’elles nous révèlent des continents cachés, même si elles empruntent pour cela des chemins différents. Il aura fallu plus de dix ans et des centaines de millions de dollars pour dresser la carte du génome humain. Encore plus ambitieux, le projet Human Connectome a pour objectif d’établir la carte des connexions neuronales et d’étudier leur impact sur le comportement humain, ce qui devrait prendre quelques décennies et des milliards de dollars. Les photos sont d’ores et déjà fascinantes. En attendant le résultat, qui nous renseignera sur nos perceptions, les étranges corridors qui les relient entre elles et avec nos pensées, on peut toujours relire du Côté de chez Swann, dont on fêtera le centième anniversaire de la parution en novembre prochain. En 1913, l‘infographie n’existait pas encore, ni l’IRM : on se servait encore des mots pour décrire l’expérience humaine et tenter de relier la carte de nos croyances et représentations au territoire du vécu. Extraits : « … à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. (…) je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? (…) quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? Pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière ». (Du côté de chez Swann).
Et, quelque 14,000 pages plus loin, dans le Temps Retrouvé : « au moment où me remettant d’aplomb, je posai mon pied sur un pavé qui était un peu moins élevé que le précédent, tout mon découragement s’évanouit devant la même félicité qu’à diverses époques de ma vie m’avaient donnée (…) la saveur d’une madeleine trempée dans une infusion, tant d’autres sensations dont j’ai parlé (…). Un azur profond enivrait mes yeux, des impressions de fraîcheur, d’éblouissante lumière tournoyaient près de moi (…) de nouveau la vision éblouissante et indistincte me frôlait comme si elle m’avait dit : « Saisis-moi au passage si tu en as la force et tâche à résoudre l’énigme du bonheur que je te propose. » (Le temps retrouvé, les pavés inégaux).
Où l’on voit que l’ambition de Proust n’est pas tant de consoler ou de distraire que de nous aider à trouver le chemin de nos émotions les plus profondes. Là est le centre, le point d’appui, la source lumineuse où trouver la confiance, l’audace, l’énergie nécessaires pour se lancer dans la construction d’une cathédrale de mots, ou dans le décryptage des connexions neuronales comme hier du génome humain. A lire : le hors-série de Lire pour le centenaire du Côté de chez Swann.

La carte le territoire et le GPS (1/3)


Oser sa vie : bien sûr. Buencarmino, dès le début, souscrit à cet objectif ambitieux, et se propose d’encourager quiconque se met en chemin. La PNL est un outil formidable pour cela, à condition d’être pratiquée avec discernement et bienveillance. Catherine Cudicio, dans le Grand Livre de la PNL, donne cette définition : « la PNL, utilisée pour le développement personnel, aide l’individu à réaligner sa carte du monde en fonction des buts choisis. En effet, ce ne sont pas tant les difficultés réelles qui tendent à empêcher d’atteindre un objectif, mais bien davantage la représentation de celles-ci ». En plus sobre, version Sénèque, cela donne : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Autrement dit, la représentation que nous nous faisons de la difficulté, qui est une croyance (la carte), serait un obstacle souvent plus effrayant que la réalité « objective » (le territoire).

Oui mais… le coach, dans sa pratique, doit à ses clients de les accompagner avec bienveillance, selon la règle des 3P : Permission, Protection, et Puissance. Or le souci de la Protection incite à ne pas exposer son client à des dangers ou à des obstacles hors de sa portée. Devenir chirurgien ou un grand violoniste, passé un certain âge, n’est sans doute pas une ambition très réaliste. Le coach doit alors accompagner son client, l’aider à détecter les besoins, les centres d’intérêt sous-jacents à cette ambition pour le réorienter vers des activités permettant de satisfaire ses besoins, de nourrir ses intérêts, d’honorer ses valeurs. En somme, il doit l’aider à trouver un territoire où investir son énergie et ses talents. Pour le dire en langage d’aujourd’hui : avant d’allumer le GPS, il convient de bien choisir sa destination.

Illustration : carte de l’île de Ré.Image

douce tyrannie


Avant d’aborder La carte et le territoire de Houellebecq, un extrait de l’interview de Raffaele Simone dans le Monde Magazine :

Qui est ce  » monstre doux «  dont vous parlez dans votre livre ?

Raffaele Simone : Dans De la démocratie en AmériqueAlexis de Tocqueville décrit une nouvelle forme de domination. Elle s’ingérerait jusque dans la vie privée des citoyens, développant un autoritarisme « plus étendu et plus doux », qui « dégraderait les hommes sans les tourmenter ». Ce nouveau pouvoir, pour lequel, dit-il, « les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas », transformerait les citoyens qui se sont battus pour la liberté en« une foule innombrable d’hommes semblables (…) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, (…) où chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée des autres ».