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La persévérance est d’or


Bonheur inattendu. Ce soir, une séance de supervision-coaching dans des conditions sonores très difficiles (nous étions en mode webinar, avec des coupures de son incessantes qui cassaient le fil du dialogue) s’est conclue par cette très belle phrase de l’une des participantes : « ce soir, les coupures de son m’ont enseigné la persévérance ».

Eh bien gardons cela!

Ces sessions de supervision avec les coachs donnent à chaque fois lieu à de magnifiques échanges, qui valent bien de subir quelques désagréments techniques.

En ces semaines où mon emploi du temps démentiel aurait tendance à me faire renoncer au plaisir de l’écriture, je me dis qu’il vaut mieux honorer ce rendez-vous sur Buencarmino, même pour quelques phrases brèves plutôt que de garder trop longtemps le silence.

En somme, les contraintes et l’art de les dépasser constituent en soi un digne sujet d’inspiration. Puisque je n’ai pas le temps de réfléchir, je me contenterai de proposer à mes lectrices et lecteurs ce sujet de réflexion.

A bientôt,

Robert

Tenir (loin des gourous aux belles dents blanches)


Comment font-ils ? C’est la question que l’on se pose parfois, face au récit de combats rudes, qui en auraient fait renoncer plus d’un. Et pourtant, ils tiennent. Des femmes, des hommes, ordinaires ou célèbres, avec une sorte de courage particulier. Rarement spectaculaire. Ils, elles posent des actes qui finissent par s’accumuler avec la lenteur séculaire des stalactites au fond des grottes. Un jour, on s’aperçoit que quelque chose est là, vertical, et que ça tient. Une vie droite ou tordue sous la violence des pressions subies. Mais une vie tout de même.
Samedi dernier, le supplément « culture » du Monde livrait deux portraits de personnalités combatives, obstinées, magnifiques dans leur colère et leur intégrité. Judith, mère d’un garçon dyslexique, ne baisse jamais les bras face au système scolaire qui n’a de cesse de repousser son enfant à la marge. Elle forme avec son fils un tandem vacillant, mais qui va, chacun mobilisant ses ressources propres : capacité de s’attacher des amis protecteurs pour lui, rébellion persuasive pour elle. Le peintre Martial Raysse a passé plus de vingt années dans un exil intérieur, ignoré des galeristes et du public, préférant se nourrir de son potager et de son poulailler plutôt que de se compromettre à reproduire indéfiniment les mêmes formules. Il faut absolument voir sa rétrospective au centre Pompidou.
Ce qui les fait tenir ? La dignité, bien sûr, une vision, des valeurs droites comme des tiges de fer dans le béton armé.
Dans son best-seller « Pouvoir illimité », le coach et PNL-iste Anthony Robbins conseille à ses lecteurs de chercher des « modèles », c’est-à-dire des personnes qui atteignent leurs objectifs, et de les imiter. L’imitation, insiste-t-il, est la clé du succès. L’idée est de s’inspirer d’eux pour comprendre le système de croyances positives qu’elles ont su se construire, d’identifier leur stratégies et tous les ajustements au jour le jour qui finissent par dessiner une trajectoire gagnante, certes pas rectiligne, et non dénuée d’obstacles, mais d’obstacles surmontés, patiemment, avec persévérance et peut-être même la sourde rage de celles et ceux qui serrent les dents, encore et encore, là où tant d’autres auraient depuis longtemps baissé les bras.
On était loin de l’Amérique triomphante et des gourous aux belles dents blanches, avec ces deux portraits du Monde, et pourtant c’est bien cette attitude-là que je vous propose, à votre tour, d’imiter. Car il y a du bonheur, du plaisir, au bout de ce chemin-là. Dans Vivre, Mihaly Czickszentmihaly, l’un des pères de la psychologie positive, décrit l’expérience du flow, lorsque pris par une tâche captivante on oublie jusqu’au sens du temps qui passe.
J’étais moi-même si absorbé dans la rédaction de cet article que je n’ai pas vu venir le « voleur des trains », qui m’arrache le portable qui me servait de modem. Coup de chance, je venais juste de transférer les photos de la rétrospective Martial Raysse au Centre Pompidou. (ici)
Belle occasion de mettre en pratique, immédiatement, ma petite leçon de persévérance.

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des super réserves de courage


On parle beaucoup de Stéphane Hessel et de son livre « Indignez-vous« , publié chez Indigènes Edition, et c’est très bien, car la sagesse parfois (souvent?) consiste à se révolter contre l’insupportable.Mais un autre livre paru en 2010 mérite toute notre attention : il s’agit du magnifique livre de Cynthia Fleury sur le courage (Cynthia Fleury, la fin du courage)

Qu’est-ce que c’est, le courage ? Comment ça vient ? Comment se constituer des super-réserves de courage? Courage de se réveiller tous les jours, à chacun ses raisons : l’ambition, le défi, l’amour, la persévérance. Tous ces mots simples au goût savoureux de pomme fraîche, à croquer. Dans le courage semble s’offrir une sortie du temps, « comme s’il existait un passage secret entre la vie et l’éternité ». Horizon toujours ouvert.

Sophie Hutin la présence buto (2)


Envie de légèreté après la série d’articles précédents, bienvenue dans l’univers de Sophie Hutin, artiste, danseuse Butô qui propose des poses magnifiques, bien trop sophistiquées pour mon misérable crayon mais comme on dit à l’école des coachs : « abondance de bienveillance ne nuit pas ».  Sur sa page facebook, une définition du Butô qui renvoie à l’authenticité requise pour le coaching :

« Butô : révéler la force de la vie primordiale… être nu(e) en tant qu’être vivant entouré par les autres… ou juste être honnête en face de sa propre vie… »

Aller à l’essentiel, noter une impression, condenser le fruit d’une méditation en quelques mots : le haïku rejoint l’art du croquis, deux modes d’expression parfaitement adaptés au format blog.

http://fr-fr.facebook.com/sophie.hutin

En son honneur, quelques haïkus pour s’alléger le coeur :

La rosée s’égoutte
Pour un peu l’on voudrait rincer
le monde flottant
(Bashô)


Je mange un kaki
La cloche se met à tinter
Temple Horiyji
(Shiki)

Saison des labours
L’homme qui cherchait son chemin
Se perd dans le lointain
(Buson)


Comme est magnifique
Par un trou dans la cloison
La voie lactée
(Issa)

Aimer la main ou pourquoi dessiner


Pourquoi dessiner, demande le blog du dessin?

« Nous assistons aujourd’hui, dans l’art dit contemporain, à la disparition progressive du faire au profit du questionnement sur le faire » feint de s’étonner Nicole Esterolle dans un article à l’humour corrosif sur Alternatif-art.com

Et de continuer : « Aujourd’hui, on ne peint donc plus, on convoque, on interpelle et on questionne la peinture dans ses rapports avec à peu près tout. On interroge l’art à fond, on fait ce que Jean-Philippe Domecq appelle de l’art sur l’art, on cérébralise au maximum. »

Voir en contrepoint la démarche de Basquiat, qui savait bien que l’art se fait d’abord avec la main, qu’elle engage le corps et tout l’être au coeur du monde contemporain, et que sans elle, nous sommes perdus.

 

La suppliante

 

pourquoi dessiner, demande le blog du dessin? Dans la vraie vie, certains jours, on se demande ce qu’on est venu faire dans cette galère. L’atelier de nu, par exemple. On arrive, hyper-motivés, on se dit qu’on va retrouver sa main perdue, et très vite on s’aperçoit qu’il faut commencer par souffrir, acquérir la patience et l’humilité face au modèle offrant sa pose. Pour tenir, un seul moyen : fermer le robinet à questions, la petite voix dans la tête qui voudrait déjà renoncer. Qu’est-ce que j’y gagne ? Où est le plaisir ? A quoi bon ?

S’astreindre à bien observer, à saisir le dos modelé d’ombres et de lumière, capturer l’inclinaison du buste et du visage. Affreux, les raccourcis ! Et les proportions ! On n’y parvient jamais du premier coup. Tentation d’en vouloir à la main malhabile, à la main crispée qui tire un trait mal assuré, la main trop lourde à tenir le pinceau, la main-charrue labourant le papier. Tout envoyer valdinguer! Ce doit être pareil au début, pour les musiciens, pour les joueurs de golf ou de tennis et tous ceux qui s’acharnent à rechercher LE geste.

Il faut pourtant l’aimer, la main de l’homme. La traiter avec la douceur et la patience que l’on accorde aux enfants, se réjouir de ses premiers traits comme on s’émerveille de leurs premiers pas. Pendant ce temps l’œil arrogant comme tous les gamins surdoués vagabonde à l’avant, se moquant de la main petite sœur aux lenteurs de tâcheronne appliquée. Comme si c’était facile, tiens, et qu’il suffisait de voir pour savoir faire !

Au bout de quelques séances, on occupe un peu mieux la feuille, on répartit les blancs, les masses, on frotte le fusain d’un geste plus vif, on s’autorise même une pointe d’allégresse et l’on repense aux cinq jours consacrés à poncer un placard monstrueux, au début des vacances, alors qu’il faisait si beau dehors et que les jours passaient si vite. Tous les soirs, la douleur chantait dans mes bras, dans mes épaules, ajoutant ses harmoniques au chœur des sensations. Le matin, je la retrouvais dans le cou et jusqu’au bout des doigts. Grâce à la douleur, j’explorais des provinces négligées de mon corps, des muscles auxquels on ne s’intéresse pas d’habitude.  Comme on apprivoise un nuage, elle ramenait à chaque instant mon attention vers le centre et l’y tenait jusqu’au soir. Après cela, s’échapper en vélo pour une ballade au cœur du pays sarthois devenait un plaisir intense. La douleur n’a pas de sens esthétique ou moral, sa valeur tient à sa capacité d’aviver le sentiment de présence au monde. Respirer l’odeur du goudron chaud sur la route, le parfum des feuilles gorgées de soleil. De même, la frustration qu’engendre nécessairement la maladresse initiale force à ralentir, à fixer son attention sur l’obstacle, aiguise la volonté de réussir et libère des pouvoirs que l’on ne savait pas posséder.  Le modèle, au fond, c’est le meilleur des coachs. Puisqu’elle tient la pose, on peut bien tenir le crayon.

Il faudrait parler ici de l’amour-propre, et des coups encaissés. François Icher, historien et spécialiste des compagnonnages en France, l’évoque dans l’article de Ca m’intéresse sur le travail manuel : « la remise en question, l’évolution mais aussi l’échec font partie intégrante du travail manuel. Elles permettent de tendre vers l’excellence ». C’est ainsi le moyen d’affirmer sa présence dans l’imaginaire : ce que je trace ici sur le papier, forme ou trait, devient la scène où je convoque les acteurs, les chanteurs de mon opéra. On pourrait y voir une métaphore de la déterritorialisation, du passage de la patte à la main dans Mille Plateaux de Deleuze-Guattari. (Deleuze et Ca m’intéresse dans le même paragraphe, secouez moi !).

Dans l’atelier, les anciens se contentent de regarder et de sourire, échangent une remarque, un silence complice. Ils savent le coût de la moindre courbe, apprécient la progression, les reculs. Semaine après semaine, ils reviennent pour l’amour du sport.

Echouez mieux !


Ré, dimanche 8 août. Encore une leçon de persévérance.

Le soir,  après de longues balades à vélo dans les marais de Ré, j’ouvre les poèmes en prose de Charles Baudelaire.

« Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi !  Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil ! L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur avant d’être vaincu ». Le confiteor de l’artiste.

Rivaliser avec la nature, plutôt que tenter de se dissoudre en elle ? Une semaine que je cherche à traduire mes impressions. Comme dirait mon neveu, c’est pitoyable ! Je lutte avec mon manque de vocabulaire en essayant de reproduire les infinies nuances de couleurs, la lumière changeante, espiègle, insaisissable. Baudelaire échoue dans sa tentative de rivaliser avec la nature  mais sa victoire est dans le choix de cette posture héroïque. La vigueur du parti-pris survit à l’échec. La leçon d’écriture c’est le défi que me lancent les marais, l’énigme codée dans les jeux sans cesse renouvelés de la lumière et les teintes dissonantes de la végétation et du miroir d’eau. Le jaune sulfureux y côtoie le roussâtre et le vert corrompu, les terres de Sienne brûlées et l’anthracite. Pas un ton franc, pas une seule couleur pure.   Tout est  rouillé, dévoré par le sel, oxydé, jusqu’à l’azur du ciel attaqué par ce bain corrosif dès qu’il s’y repose.

La première leçon d’écriture était de ne pas chercher à me dissoudre dans la nature, ni de m’y promener en étranger, encore moins en rival, mais de chercher le juste rapport avec elle.

Percevoir la fréquence musicale particulière de ce lieu, et pour cela faire tout d’abord le vide avec humilité.

En écho, la belle leçon de persévérancel de Samuel Beckett à un jeune écrivain :

« Echouez. Echouez encore. Echouez mieux ! »

Allez l'Oïde