Archives de Catégorie: Poésie

Capitale de la douceur


La tête d'Ane, Passy

La tête d’Ane, Passy

Avant tout, corrigeons vite l’erreur commise dans la précédente chronique : selon une lectrice avisée, l’expression « prati.. o…/pratique » aurait fait apparaître sur son écran de nombreuses publicités d’une marque d’ameublement. BuenCarmino présente ses excuses à toutes les victimes de ce qu’on appelle en com’ digitale du « retargeting ». Pour éviter tout futur désagrément nous emploierons désormais l’expression « poético-pratique », qui correspond plus à notre projet.

N’espérez pas pour autant voir apparaître du Mallarmé sur vos écrans. Soyons réalistes : les sponsors ne se bousculent pas. Pour la poésie, nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes.

Ce qui nous amène au sujet du jour. Il paraît que la douceur, l’émotion, la sensibilité sont tendance.

Dans la déco, le rose poudreux-moelleux triomphe (chérie, j’ai collé des macarons sur les murs).

Dans l’art contemporain, ce seraient, nous disent certains, « des formes rondes et pleines, qui évoquent la douceur et la sérénité » (même si la provocation, le décalé, le dur, le crissant, l’abject y ont toujours toute leur place en résonnance d’un monde anxiogène).

Sur les ondes de Radio France, on entend beaucoup de musique française de la fin du XIXème siècle depuis quelque temps. Debussy, Fauré, Ravel et même Vincent d’Indy sont plus connus pour leur célébration de la vie humaine et de la sensibilité que pour la mise en scène triomphale de la mort des héros et des dieux. Sur France Inter, l’émission « Grand bien vous fasse », grand succès de l’été, serait la plus podcastée en ce moment. D’ici à y déceler un grand besoin de bienveillance, il n’y a qu’un pas.

Mais attention !

Notre propos n’est pas ici d’ajouter plus de sucre à la guimauve lénifiante qu’on nous sert à longueur de journée. Dans le café gourmand, on apprécie que le café conserve tout son arôme et son amertume. Il ne viendrait à l’idée de personne d’y tremper sa cuiller de mousse à la mangue, n’est-ce pas ? Juxtaposer n’est pas mélanger. Le plaisir est dans les contrastes.

A ce marshmallow synthétique, pauvre en texture et en goût,

nous préférons une douceur allègre, appétissante, musclée. Celle qui fond dans la bouche après avoir fait pétiller les papilles. En somme, il faut qu’elle ait du corps et des tanins ouverts, comme les grands vins.

C’est la bienveillance des forts, ceux qui n’hésitent pas à poser des limites, affirmer leur point de vue, le défendre avec civilité, en changer si l’honnêteté le réclame, qui osent s’attendrir, s’émerveiller, vivre de puissantes émotions.

Une douceur virile, en quelque sorte.

Vous voilà perplexes ? Tant mieux !

Epilogue : les cultivateurs de bonheur


Nous arrivons à la fin de l’été, et de cette série de chroniques. Libre à chacun de tourner la page, pour répondre aux injonctions de la rentrée. Mais si vous en avez la possibilité, j’aimerais vous inviter à prendre un instant pour méditer sur cette saison. Quelques minutes pour tenter d’en capturer la saveur particulière, ce que vous aimeriez retenir de ce temps suspendu, libéré des contraintes habituelles. C’est un moment où l’on accorde généralement plus d’attention à ses besoins, à son entourage, à ce qui nous relie.  Laisserez-vous se disperser à nouveau ces trésors, ou saurez-vous les protéger, non pas comme un souvenir, mais comme autant de « boutures de bonheur » que l’on replante dans une terre nouvelle, pour qu’elles y reprennent vie ?

Pour le dire autrement, comment transformer en principes actifs le meilleur de l’expérience vécue  ?

Vous avez sans doute vécu plus en harmonie avec vos valeurs, respecté votre corps, pris le temps d’écouter vos proches, d’apprécier un coucher de soleil, de cuisiner des produits frais et savoureux. Dans un cadre apaisé, vous avez su accueillir vos émotions comme des messages et non comme des envahisseurs. Vous vous êtes autorisés à ne rien faire ou, au contraire, vous vous êtes donné des défis que vous avez su relever.  Vous en êtes fiers, satisfaits, rassérénés. Vous vous êtes sentis à nouveau capables, entreprenants, sympathiques, drôles, malins, résistants, dignes d’être aimés.

Qu’est-ce qui vous empêche de continuer ? C’est une décision à prendre. Un choix délibéré d’accorder un peu plus d’attention à chacune de ces pépites, chaque fois qu’elle se présente, et de créer volontairement de tels moments privilégiés.

Comment ? Premier indice : pendant les vacances, nous avons cueilli le bonheur, la joie de vivre. Il est temps de passer en mode « cultivateur ».

Nous y reviendrons. Pour vous accompagner dans cette rentrée pas toujours facile, BuencaRmino va passer en mode « pratico-pratique ». Au fil des semaines qui viennent, nous aborderons des sujets plus terre à terre, sans perdre de vue la poésie, que nous plaçons toujours au cœur de l’existence. A bientôt ?

Pour l’amour du silence


Cette chronique en remplace une autre sur « les horizons perdus », impossible à tenir.

J’écris « tenir », comme on tient une ligne de crête, une promesse faite à soi-même, une position militaire. Car l’été n’éteint pas le feu qui couve sous la braise, et je refuse de l’attiser.

J’écrirais volontiers sur le Burkina (« pays des hommes intègres »), pour faire contrepoids aux stupidités qu’on peut entendre et lire à propos du burkini. Malheureusement je n’y connais rien. L’hédonisme consommateur évoqué par Yves Michaud n’est pas satisfaisant non plus, j’ignore quels cocktails tendance, vintage ou néo-bitter siroter à l’heure de l’apéro, et je n’ai pas encore suffisamment potassé pour vous parler de la rentrée littéraire.

Alors ? De quoi peut-on parler sans fuir ? Déjà, la rentrée me mordille les mollets pour m’attirer dehors, dans la rue trépidante. On me demande un article sur le Brexit, mais j’aimerais prolonger de quelques jours encore la liberté d’écrire pour le seul plaisir.

Reste à trouver un sujet. Ecrire sur l’amour du silence, le silence de l’amour. Entre les deux, quelque chose se passe.

C’est une interview de l’anthropologue David Le Breton dans un magazine TV qui m’a mis la puce à l’oreille. Ils consacrent tout un dossier au silence, à sa disparition prochaine. Comme tout ce qui disparaît me touche, le noble silence gagne son ticket pour la chronique du jour.

Relevons tout de suite un premier paradoxe : lorsqu’on ne peut plus trouver le silence, le pis-aller consiste à le remplacer par une musique apaisante, supposée couvrir les bruits environnants et apporter la paix de l’esprit. C’est le choix généralement fait par les nouvelles générations. Le silence aurait pour ces hyperconnectés quelque chose d’angoissant. C’est qu’il renvoie vers les mondes intérieurs, l’intimité haïe, le « face à soi » qui fait peur. Vraiment ? A vérifier.

Pour David Le Breton, le silence est l’ultime frontière, celle qui ne cesse de reculer, seuil d’un territoire qui s’amenuise au point de bientôt disparaître.

Silence des lieux calmes, isolés, squares le matin, plages désertes, hauts alpages.

Silence qui ne mord pas, ne prive de rien, qui propose.

Silence qui met en relief la parole. Intervalle entre les pensées. Accueil.

Silence nourri de regards échangés.

Pouvoir de se taire ensemble et de s’en trouver plus proches.

Interruption du bavardage intérieur.

Silence du coureur de fond.

Silence concentré du travailleur manuel, de l’artiste et de l’artisan.

Silence du dentiste au moment d’arracher la dent.

Silence ouvert, accueillant, disponible à ce qui surgit,

Silence méditatif des retraitants.

Silence des sentiers qui mènent ailleurs, ou vers soi.

Silence habité des clairières

Silence du temps qu’on prend pour lire

Silence qui laisse à nu les postures, les corps, les visages

Silence des secrets d’où naîtront des mondes, et qu’il faut protéger,

Silence qui dure, où grandissent la patience et l’estime de soi

Silence de l’amour au bord de se révéler,

Silence d’une autre rive, invitation à traverser les courants,

Silence libérateur

Silence infini de l’Eveil

Le mercredi, c’est poésie!


Colère, langage et poésie (suite)


Et la poésie ?

La poésie, c’est la fraîcheur. Ce qui naît à l’horizon du silence, un calme propice à l’appréciation de la beauté. Ce que l’on vient chercher sur cette île, dans les marais rouillés, sur ses plages pailletées d’aluminium au couchant, et qui donne l’énergie de monter jusqu’au sommet du phare des Baleines pour l’éblouissement qui nous attend, tout là-haut. Après l’étroit escalier en colimaçon, déboucher sur la plate-forme à 360 degrés et contempler la houle de mer roulant à l’infini ses muscles bleus. Savourer la profondeur de cette immense masse liquide qui s’étend jusqu’à l’autre bord, les côtes des Amériques, peut-être Martha’s Vineyard. Rêver de cette île-soeur, ancien repère des chasseurs de baleines où mon amie G… va parfois se ressourcer. L’amitié se superpose à la splendeur du paysage, ses secrets ne sont pas moins profonds que ceux de l’océan.

Avoir l’Atlantique en partage, aimer, se souvenir. Voir déferler les vagues et ne pas s’en lasser. (Il y a de la poésie dans la vitesse, comme dans la lenteur). S’immerger dans tout cela, comme on se lave. Laisser se dissoudre les anciennes formes, les appréhensions, fondre avec bonheur dans la masse du monde.

Romain Rolland appelait cela le « sentiment océanique ». La méditation pratiquée avec persévérance permet d’atteindre cet état de communion avec l’univers, sans limites, où rien ne pèse : croyances, devoirs, identité, rien à quoi s’accrocher, rien à défendre. Un état où la vague, pour reprendre la vieille métaphore bouddhique, ne se sent plus séparée de l’océan.

 

L’erreur de beaucoup d’occidentaux, précisément, est de s’attacher à cet état bienheureux, au point d’en faire l’objectif de leur quête, et de culpabiliser lorsqu’ils ne parviennent pas à l’atteindre. Le véritable but de la méditation n’est pas de s’évader ni de cultiver l’hédonisme, une tentation que relève Yves Michaud dans une récente interview au Monde.  Le premier but de la méditation est de prendre conscience que tout est lien, relation, et que nous sommes au cœur de cela. D’accueillir tout ce qui est là puis, dans un deuxième temps, nous détacher de toute convoitise. J’ai moi-même partagé cette erreur, jusqu’à cet été, lorsque mon hôte m’a donné à lire Mark Epstein (Pensées sans penseur) et Jack Kornfield (Bouddha, mode d’emploi pour une révolution intérieure). Ces deux psychologues américains explorent chacun à sa manière les convergences entre la science occidentale et la pratique orientale de la méditation. J’y reviendrai.

La poésie, c’est aussi la capacité d’intégrer l’anxiété, la douleur et la laideur inévitables. Avec humour et bienveillance. C’est la beauté des contrastes, régie par d’invisibles contraintes. C’est un jeu, c’est faire comme si. Comme font les enfants. On dirait qu’on serait des pirates, ou des princesses. On irait sur la lune.

La poésie incarnée, c’est Tintin, son enthousiasme juvénile, sa fraîcheur naïve mais toujours motrice, un mouvement porté vers la résolution des intrigues ou des mystères.  C’est le professeur Tournesol, soulevé de terre par une boule de feu au milieu d’un désordre indescriptible, dans les Sept boules de cristal. C’est l’audace et la soif de justice. Et ce sont aussi les jurons du capitaine Haddock.

C’est « mille millions de mille sabords » et c’est la ligne claire, obtenue à force d’un travail ambitieux, difficile, qui cherche et parfois trouve une expression plus rare, plus forte et plus précise.

C’est la grâce, l’éternelle jeunesse.

Colère, langage et poésie


La colère a mauvaise presse, et c’est bien dommage, car elle recèle à côté des poisons bien connus quelques pépites intéressantes. Tout dépend de la manière dont elle s’exprime, et de la direction qu’elle prend (ou qu’on lui imprime consciemment). Selon Freud : «  le premier humain à jeter une insulte plutôt qu’une pierre est le fondateur de la civilisation » .

Un matin, pendant les vacances, mes hôtes entament une conversation sur cette émotion mal famée. La référence, pour moi, c’est le capitaine Haddock, grand maître des tempêtes verbales, gourou ès fureur, pontifex irae, comique involontaire et faire-valoir du lumineux Tintin.

Haddock est connu pour ses éruptions volcaniques résonnant, telles les trompettes d’un Magnificat, à travers l’espace du récit dont il ne cesse de déformer le cours, ou de l’accélérer, transformant en gags les catastrophes qu’il ne cesse de déclencher.  Or, ce qui nous enchante, ce n’est pas tant leur intensité que la créativité merveilleusement poétique de ses jurons.

Des amateurs éclairés se sont même chargé de les classer par ordre alphabétique (lien ici : http://fjaunais.free.fr/Tintin/Ihadpres.php)

Il y a quelque chose de jubilatoire dans ce flot toujours renouvelé.  Je ne peux pas résister au plaisir de vous en citer ici quelques-uns :

Anacoluthe, invertébré, jus de réglisse !

Boit-sans-soif !

Cercopithèques !

Ectoplasmes !

Forbans !

Gargarismes, gredins, et le délicieux : grenouilles !

Lépidoptères !

Macrocéphales ! Marins d’eau douce ! Mitrailleur à bavette !

Ornithorynque !

Il y a aussi la colère-essorage, violente, mais nécessaire, purificatrice. Celle qui ramène le calme après expulsion des scories et autres émotions troubles. Le colérique-justicier, de type Zorro, qui se met en colère pour une noble cause, invective les fauteurs de torts au comportement égoïste, agressif, manipulateur, inacceptable. Et tant d’autres…

Mais les colères de Haddock ont quelque chose de spécial, de pur et d’enfantin dans leur spontanéité foutraque. Parfois, on sent bien qu’il dérape. Ca déborde de tous les côtés, mais avec une forme de jubilation qu’on lui envie. C’est qu’on aimerait pouvoir, comme lui, se libérer du carcan de la bienséance et dire, une bonne fois, ce qu’on a sur le cœur.

Ainsi la colère n’est pas nécessairement qu’on poison. Elle peut mener à des formes d’action constructives, à condition de la canaliser.

Et la poésie ?  (à suivre)

L’enfant et son ombre


Un enfant marchait, suivi de son ombre. Il lui parlait.
Ombre, disait l’enfant, pourquoi me suis-tu partout comme tu le fais ? N’es-tu jamais tentée de voir ailleurs, d’aller découvrir d’autres pays ?
Je suis ton ombre, répondit l’ombre. On me verra chaque fois que tu rencontreras la lumière.
Et pour célébrer cette rencontre, l’ombre dansait autour de l’enfant, sautillait, s’aplatissait, changeait de forme et d’épaisseur selon le relief du sol et l’angle que faisait le corps de l’enfant avec la lumière du soleil.
Mais, poursuivit l’enfant, à quoi me sers-tu ? Pourquoi suis-je obligé de supporter ta présence ?
A ce moment-là, l’enfant traversa la rue et son ombre fut avalée par celle des murs.
Tu vois, reprit l’enfant, je peux te faire disparaître à ma guise.
Dommage, répondit doucement la voix de l’ombre. J’allais t’apprendre à danser.

On n’est pas des touristes! (tous des touristes)



Un hors-bord, circumnaviguant l’île,

Crève la bulle atemporelle

Où nous avions trouvé refuge.

Nous voici ramenés à notre condition de touristes.




Sur les pistes cyclables on croise

Des hollandais, des parisiens, des brexites,

Toute l’Europe et la dés-Europe

Affluent sur ce bout de terre périssable.

Ce petit paradis soigné, léché, policé,

Tremble derrière ses digues

Nos esprits comme ces marais sont en zone inondable

On n’y verra bientôt plus brouter que des ânes.

famille de cosmonautes

 

Noël au balcon


Le 27 décembre 2014

Noël, saison du cocooning. Ce mot-couette, enveloppant, moelleux, nous invite à rester bien au chaud parmi nos proches, entourés de leur affection. Egoïsme ? Tentation du repli, de l’entre-soi ? Peut-être. Mais il est toujours légitime de veiller à satisfaire ses besoins. Prendre soin de soi. Faire des provisions de force. Emmagasiner des réserves d’énergie, de courage et d’optimisme pour être capables de faire face aux défis de l’existence. Pour beaucoup l’année fut mauvaise, abrasive, emportant des morceaux de cœur et de peau.  D’autres ont laissé l’appréhension du futur dévorer  leur présent, comme une île de sable au milieu d’un fleuve en crue, le courant destructeur rongeant les berges où des arbres chétifs exhibent leurs racines à nu. On les croise dans la rue, dans le métro, au supermarché, refermés sur leur méfiance, hébétés, meurtris, lessivés.  Leur mauvais cœur déborde, la méchanceté leur retrousse les babines, et voilà l’origine du loup-garou scientifiquement prouvée.

Il y a ceux qui s’en sortent, et qui s’estiment chanceux, mais combien de temps dure la chance ? Ceux-là serrent leurs cadeaux dans des sacs anodins, sans indication de marque, et rentrent vite, rasant les murs à pas pressés.

D’autres enfin trouvent le juste équilibre.

Sur leur balcon aménagé en jardin, mes voisins d’en face ont disposé des guirlandes et des éléments de décor argentés ou dorés qui luisent dans l’obscurité, de l’autre côté de la rue. Quand je rentre chez moi, en fin d’après-midi, je leur suis reconnaissant pour ce rayonnement lumineux qui traverse l’obscurité de l’appartement et m’accueille avec son message de bienvenue chaleureux, bienveillant, clignotant et discret. Quelle que soit l’intention, je le reçois comme un acte de bon voisinage. Je leur rendrais volontiers la pareille, accrochant guirlandes et décorations au petit bout de fer forgé qui prolonge ma fenêtre, si je ne craignais qu’elles ne tombent sur des passants comptant parmi leurs relations des avocats aussi pugnaces que mes amies Victoria Davidova et Virginie Langlet, (publicité gratuite et méritée).

Ainsi prendre soin de soi, de ses besoins, ne signifie pas nécessairement fermer sa porte à l’Autre. Le centrage n’implique pas l’exclusion. C’est ce que j’appelle le « centrage-ouvert ». Je crois même que le centrage permet l’ouverture dans l’équilibre et l’harmonie, à l’image de mes voisins qui donnent l’impression de former une famille heureuse, unie,  tout en nous régalant de lumière, moi et tous les habitants du dernier étage en face de chez eux.

Guirlandes ou soleil, l’important c’est d’entretenir la flamme. D’allumer les réverbères. Telle est la consigne, et la consigne, c’est la consigne.

La semaine dernière, dans une librairie de Saint Malo tenue par un très, très vieux libraire avec du poil blanc lui sortant des oreilles, je tombe sur un exemplaire du Petit Prince (voir chronique précédente). Je croyais me souvenir de l’histoire, mas j’avais oublié le livre avec son papier au grammage épais et ses aquarelles « de l’auteur », aux couleurs tendres et si fraîches. Douceur de l’objet. Puissance du message.

Joyeuses fêtes à toutes et à tous.

Robert

« Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
O toi, tous mes plaisirs, ô toi, tous mes devoirs
Tu te rappelleras la beauté des caresses,La douceur du foyer, et le charme des soirs
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses
Que ton sein m’était doux, que ton cœur était bon
Nous aurons dit souvent d’impérissables choses »

Baudelaire, au Balcon

 

 

Saison de l’écoute


Mais que c’est beau, l’automne. Cette année peut-être encore plus. Ecouter comme on respire, comme on boit. Il y a de la poésie dans l’air. Ce matin le vent venu de la Normandie jette une pluie de feuilles jaunes à travers la rue soudain calme, enrichie de tout cet or. Je jurerais sentir une odeur de pommes.

Avatar de BuencaRminoBuencaRmino

Au départ, la cendre et le cri
On n’y coupe pas, le frémissement contenu
Les arbres nus comme des bronches
Pour capturer le bleu du ciel

La cascade  sous l’écorce
Et la floraison tremble :
Toute une fourmilière
Courant sur les branches
Une chanson mûrissant
Jusqu’à la plénitude du fruit

Le vieil or tombe en octobre
Avec un bruit blet
On cherche alors le goût
De la sève, on l’a
Sur le bout de la langue,
Et puis trois petites pommes rouges qu’on interroge
Une idée perce

Après, tout recommence


Voir l’article original

ce qu’il y a de plus beau


Juste une image, aujourd’hui. Pour que la douleur la plus violente n’ait pas le dernier mot. Soleil brûlant comme ce trou dans mon âme. C’était à Manille, une photo prise depuis mon balcon, au soleil couchant, vers 2003-2004. Face à la baie, « Nous aurons dit souvent d’impérissables choses » etc. (Baudelaire, Au Balcon). La poésie n’était pas un art, c’était l’écrin même de la vie. C’est vers cela qu’il faudra tendre, lorsque les mots reprendront du poids, de la forme et de la consistance, lorsqu’il sera de nouveau possible de les tailler pour construire avec eux quelque chose qui tienne. A cet enfant que l’a vie m’arrache aujourd’hui, je veux offrir ce qu’il y a de plus beau. Puisque le soleil nous dévore, il faudra plonger avec lui tout au fond de l’espace,  prendre tous les risques, et chercher, chercher sans fin ce qui est déjà là. Fondre dans sa substance. Accueillir ce qui naît. Le seul remède à la douleur, c’est de la consumer.

Le soleil je rêve

Soudain la poésie revient


Soudain, la poésie revient. Par le roman. Les bons, ceux qui vous réconcilient avec le plaisir égoïste de la lecture, communiquent par mille interstices avec des univers parallèles au nôtre, plus vastes et plus intenses. Un jour de pluie, ce plaisir redouble. On se laisse envoûter par les personnages, la narration, le rythme des phrases, tandis qu’au-dehors crépite l’averse. Et si ce roman sait comme nul autre évoquer un paysage gorgé de pluie « pendant que la nature toute entière – feuilles, gouttes d’eau sur les feuilles, rochers, gouttes d’eau sur les rochers – resplendit sous la lumière d’un matin neuf, … », alors, c’est « mot compte triple ».
Neuland, le troisième roman d’Eshkol Nevo (Gallimard), est de ceux-là. C’est un roman qui vous donne envie de respirer l’air du grand large, à pleins poumons. Quand vous êtes-vous réveillés pour la dernière fois avec l’envie de découvrir un Continent ? Pas une destination, pas un pays. Un Continent, avec un C majuscule et des montagnes hautes comme ça, des cataractes et des lacs les plus hauts du monde, où des gringos paranoïaques soignent leurs blessures de guerre dans des plantations cernées de cactus.
Avec Neuland, on se laisse embarquer sur des sentiers sillonnés d’agents secrets qui n’en sont peut-être pas, d’un fils à la recherche de son père happé par un rêve de chamane, on cahote sur des routes périlleuses en compagnie de la petite-fille d’une immigrante échappée de justesse à l’holocauste, et d’un guide local qui comprend comme personne l’âme des rivières. Des itinéraires passant par Jérusalem, Berlin, l’Amérique latine et des bribes d’Australie convergent. Aucun des personnages ne demeure dans le pays de sa naissance.
De page en page, l’horizon tout entier s’emplit de quelque chose d’énorme et de captivant. Destins croisés, permis de rêver. Ainsi, cette description des mystérieux dessins gravés par la civilisation Nazca, d’une échelle si grande que certaines interprétations n’ont pas hésité à parler d’un « message » adressé aux extra-terrestres, ou conçu par eux. Mais l’humain conserve toute sa place, même au cœur du merveilleux. « Au début je ne voyais que du sable. Mais elles ont commencé à apparaître. Les formes. Le singe, l’araignée, l’astronaute. (…) et brusquement, j’ai eu le sentiment que toutes les explications données à ce dessin n’étaient pas valables. Qu’ils n’avaient été exécutés que pour le prodige (…) parce que le rêve doit toujours demeurer impossible, hors d’atteinte. »
L’émotion, l’éblouissement esthétique revigorent les enfants d’un monde fatigué. « (…) dans cette immensité, leur énorme véhicule ressemble à un criquet face aux arbres élancés, aux hautes montagnes et aux vallées encaissées, où l’eau vive coule, et non un égout. Et le soleil resplendit entre les nuages, léchant le lac de ses rayons. Et cette couleur ? Pas vraiment bleue, pas vraiment verte. Violacée. Pas de vagues sur ce lac, pas une écume. Une petite barque fend doucement les flots, dessinant à sa proue un point d’interrogation. Quand un tel éblouissement esthétique l’avait-il ainsi remué pour la dernière fois ? »
Sous nos yeux les personnages s’ouvrent et se transforment, attachants, désorientés, venus d’un pays si petit, cerné de tant d’hostilité, qu’il se donne pour horizon le plus vaste monde et pour profondeur, l’histoire. On s’enfonce avec eux dans la jungle et l’on retrouve des pans de sa propre expérience, au nord des Philippines, sur les flancs d’un volcan à l’ambiance de Vol 747 pour Sydney (the Banahaw protocol, ici). L’expérience acquiert une texture particulière, poétique dans sa présence au monde.
« Plus ils s’enfoncent dans le monde des plantations plus les traces du monde civilisé s’effacent. De temps à autre, un cheval sans cavalier apparaît entre les arbres. De temps à autre, une cabine téléphonique dépourvue de combiné se dresse sur le bas-côté. Les routes sont creusées de cratères comme la surface de la Lune. Et parfois, elles s’arrêtent d’un seul coup : devant un barrage ou la jungle. (…) les buissons et les arbres s’enchevêtrent au milieu des milliers de branches et de feuilles sur lesquelles la pluie incessante joue un concerto pour gouttelettes. Le bruit des gouttes tombant sur une feuille – il s’en rend compte au bout de quelques jours – est différent de celui des gouttes glissant sur une branche, différent des gouttes heurtant un blouson, différent de celui des gouttes tombant dans les petites flaques accumulées au pied des arbres. L’eau coule sans cesse, de toutes parts, au point qu’il est difficile de distinguer le fleuve de ses affluents. (…) Avec l’expérience, on parvient à deviner l’arrivée de la pluie, lui racontent d’autres randonneurs. Avec l’expérience, on apprend à distinguer les couleurs des différents nuages.»
Un roman-radeau, pour partir à la dérive sur un fleuve de mots et d’images. Laissez-vous tenter.
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ce monde qui vient (suite)


Ce monde qui vient (légendes photographiques)

Ce monde qui vient aura des dieux étranges qu’il faudra déchiffrer
Des silences provocants
Et beaucoup trop de tout
Ce monde qui vient nous met la fièvre
J’aime à rêver qu’elle suit parfois le parcours de la Bièvre
Et coule, en s’apaisant

Ce monde qui vient rendra nos pas glissants
Ce monde qui vient progressera sans oracles
Il aura ses processus et ses protocoles
Ses Bonaparte et quelques montres molles
Des talents d’organisateur
Et ce qu’il faut pour se faire peur

Ce monde qui vient sera toxique, aride, et révoltant
L’argent coulera dans ses veines souterraines
Il aimera le sexe et la mort
La célébrité, le pouvoir, le sport
Il aura ses Beckham, ses ManU, ses caciques
Des cartels venus du Mexique

Ce monde aura de vraies délicatesses
Des sourires à tordre la foule
Ce monde aura le cœur métis
Il aura perdu le goût du réglisse
Et la jouissance dégingandée
Des pavés

Ce monde qui vient sera loufoque
Désolant, rauque et craquant de tendresses froissées
Veloutées au toucher comme des feuilles jaunies
Tu te souviendras des automnes
Avec nostalgie
Mon amour, et des allées du Luxembourg

Ce monde qui vient se paiera notre pomme
Acidulé de couleurs pop
Il nous refilera ses divas, ses drones
Il fera de nous des pantins
Des Tintins, des filous
Des monstres hybrides à la tête de clou

Ce monde qui vient sera lisse comme la glace
On s’y lancera de toutes nos forces avec la ferveur des hollandais
Sur leurs canaux
Ce monde qui vient sera brutal
Comme tous ceux qui l’ont précédé
Parfois, la peur sera tenace

Ce monde qui vient pétillera d’Agiles et de SCRUMS
Et puis de poésie
Quand les soldats de pacotille
Mimeront des floraisons d’idées
Quel printemps ce sera
Tu verras !

Ce monde aura, s’il vient
Toujours de quoi se démaquiller
Les doigts des femmes danseront comme des oiseaux devant leur visage
On aura des soins sans beauté
Des velléités d’esclavage
Et des chorégraphies bleutées

Nos impulsions seront tactiles et les fleurs digitales
On s’achètera de nouvelles vies
Ce sera de la balle
Tout ira plus vite
Sauf les frites

On n’aura plus ces yeux de braise
Qui vous meulaient le regard comme des fraises
Il n’y aura plus de sidérurgie
On connaîtra tout de la plasturgie

Tout sera minimal, idéal, sidéral
Souvent banal
On ne sera plus jamais vraiment ivres

La chair ne sera jamais triste
On ne lira plus tous les livres

Mais on s’en fout, puisqu’on, c’est nous

la reine des grenouilles (1/3)


A l’époque, j’étais une toute jeune grenouille sans grande expérience de la vie. Lorsqu’il s’est approché de la rivière, l’air sombre et les cheveux en bataille, je me suis demandé si c’était pour se baigner ou pour se noyer.
Il s’est dépouillé de ses vêtements un à un. D’abord ses chaussures, qu’il a déposées sur la berge, puis sa longue chemise plissée, puis le pantalon de velours brun, puis ses bas, et j’ai vu qu’il avait un corps vigoureux. Ce n’était déjà plus un adolescent, mais ce que l’on appelle un homme jeune, bientôt dans la force de l’âge. Il est entré dans l’eau jusqu’à mi-cuisses puis il s’est mis à nager à contre-courant, dans ma direction. Je l’observais, posée sur un nénuphar, lorsqu’il m’a repérée. Il y avait en lui quelque chose de solaire, avec une ombre au milieu qui me fascinait.

Lorsqu’il est arrivé près de moi, j’ai ouvert la bouche pour lui communiquer mon message, mais il n’entendait rien. Alors j’ai plongé et lui ai parlé par les vibrations de l’eau.

– vous êtes une bien étrange grenouille, avec ce point rouge au milieu du front
– toutes les grenouilles de notre famille ont ce point rouge sur le front, en souvenir d’une honte ancienne qui frappa notre race il y a très, très très longtemps
– et que puis-je faire pour vous, madame la grenouille ?
– s’il te plaît, dessine-moi
– Mais je ne sais pas dessiner les grenouilles ! Et puis, pourquoi perdre mon temps avec un sujet aussi trivial ? Personne ne s’intéresse aux grenouilles. C’est ridicule.
– Ils ont tort, car nous avons beaucoup à leur apprendre, nous qui connaissons les secrets des deux mondes.
– Peut-être mais en attendant les portraits de grenouilles ne se vendent pas et moi j’ai une famille à nourrir, rétorqua le jeune peintre. Il venait d’arriver à Rome après un long et pénible voyage, et comptait bien faire carrière en obtenant des commandes auprès des cardinaux qui pouvaient payer cher pour des sujets historiques ou religieux. Mais pour des grenouilles ? Cela ne s’était jamais vu.

– Vendre! Il n’y a que cela qui vous intéresse, vous les jeunes peintres.
– Un artiste qui ne vend pas n’est qu’un crève-la-faim, un incapable, un loser. Ce n’est pas avec des portraits de grenouilles que je deviendrai célèbre à Versailles, même pour des grenouilles parlantes.
– ah non, Et le bassin de Latone, qu’en fais-tu, jeune présomptueux? N’est-ce pas l’un des plus photographiés par les touristes dans tout le parc de Versailles? Et les grenouilles n’y occupent-elles pas une place de choix?
– oui, mais celles-là étaient des grenouilles mythologiques, elles avaient eu maille à partir avec une déesse
– eh bien, qu’est-ce qui t’empêche de dessiner une grenouille mythologique?
– Comme toi par exemple? Mytho sûrement, logique, ça reste à prouver!
– Qui sait? peut-être suis-je un peu plus qu’une simple grenouille des marais.
– Quand bien même tu serais la reine des grenouilles, je ne m’abaisserai pas à te dessiner. Ce serait compromettre la haute idée que je me fais de mon art.
– C’est ton dernier mot?
– Oui
– Alors tant pis pour toi

un long silence

– N-as-tu donc aucun voeu que je puisse exaucer?

– Aucun

Quelque temps plus tard il éait de retour, honteux de son arrogance. Il parcourut longuement les bords du fleuve, mais la grenouille ne se montra pas. La faim lui donnait des hallucinations. Parfois, il croyait entendre la voix de la grenouille, mais ce n’était que le bruit du vent dans les peupliers.
A SUIVRE

des grillons dans les arbres


8. Absence totale de lune et profond silence à peine troublé ici ou là par le plouf d’une grenouille ou le saut d’une carpe. « Il y a des grillons jusque dans les arbres ?» demande l’amie de ma nièce. Oui. Les très rares sons se réverbèrent sur les murs du château avant de s’évanouir dans l’espace. Dans le ciel scintille une rivière de diamants. (Même la nuit sarthoise est contaminée par le bling bling). Voie lactée que suivaient les morts pour aller vers d’autres univers dans la mythologie des indiens d’Amazonie. On retrouve cette image dans la chanson du mal aimé, l’un des plus beaux poèmes d’Apollinaire :
« Voix lactée, ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Canaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts, suivrons-nous d’ahan
Ton cours vers d‘autres nébuleuses ?
»
Trois générations dorment paisiblement sous ce toit, précédées par quinze autres dont les vies imprègnent encore ces lieux, jusqu’au fondateur. Un château, c’est comme un bateau : superposition d’espaces reliés par des escaliers, des coursives, des étages vastes comme des ponts du haut desquels on peut contempler une large variété de points de vue sur la campagne ou sur la mer environnantes. L’un comme l’autre sont animés d’une vie propre et voguent, à travers l’espace et le temps, de rivage en rivage, de génération en génération.

Mardi 10 août, la mouette et l’âne


Cherchez-vous ici l’aventure?

Dame la mouette, ayant criaillé tout l’été,
S’en vint percher sur un piquet
Planté dans les marais
Pour y contempler sa beauté.

Un âne passait là, qui broutait sa pâture.
Eh bonjour, madame la mouette,
Que vous êtes jolie, que vous me semblez chouette
Cherchez-vous ici l’aventure ?

Mon ami, vous n’y songez point,
Se rengorgea la créature.
Cessez donc de fumer des joints
Entre nous, mon vieux, no future !

Croyez-vous que je kiffe un baudet mal peigné ?
Pour me séduire, il faut soigner
Un peu plus votre look
Et puis, vous schlinguez comme un bouc !

L’âne, déçu mais philosophe,
Se dit qu’avec le temps, ramolli de la plume,
Le volatile, en catastrophe,
Trouverait quelque charme à son poil de bitume.

Vint une marée noire.
La mouette, engluée de pétrole,
Reconnut le baudet parmi les bénévoles
Et vit en lui son seul espoir.

Le liquide obstruait son bec.
Pour tout salamalec
Elle émit un son rauque et laid.
Sauvez-moi, s’il vous plaît !

L’âne en passant tendit l’oreille
Et railla son plumage, à son poil tout pareil.
Quel est-ce look, madame ?
Il est temps de sauver votre âme !

Ce plumage aux reflets mystiques
Veut-il donner dans le gothique ?
Envoyez-moi un sms,
On se voit ce soir à la messe ?

« Que vous me semblez chouette »

Ré-paysement


Je prends mes mots dans Côté Ouest et mes idées sur Internet

Je prends le vent de travers sur le chemin des marais, les muscles tendus, la vitesse

Je prends les couleurs de la saumure, le bleu, le jaunâtre et puis les coins rouges, plissés, là où l’eau de mer s’évapore

Je prends la pose avec les mouettes et les courlis perchés à contre-jour sur un piquet

Je prends le rythme et les sens interdits

Je prends des souvenirs et des odeurs en pleine figure

Je prends des photos je reprends possession de mes trésors perdus

Je reprends contact avec mon pays ma France au loin ma Désirade, ma jeunesse et ses paysages

Je reprends langue avec mes amis d’enfance avec les pins avec les parasols criards

Je reprends le cœur outremer qui palpite entre les dunes, je m’habille de vent frais, je crie

Je prends la claque d’émeraude en pleine poitrine, elle est glacée

Je prends le goût du sel dans les sinus et le mouvement musculeux de la houle

Voilà, je crois que j’ai tout pris, tout puisé de cette énergie et maintenant je n’ai plus qu’à prendre mon élan.

Somptueuse


Ce soir la lumière est somptueuse a dit ma mère. Dans ce mot, le moelleux de l’air, la blondeur du sable de la terrasse et du crépi, l’ample mouvement de la brise enveloppant la terrasse comme une chevelure balayant les épaules d’une femme, la tiédeur du soir et quelque chose d’un peu solennel, comme une trace de la musique au son de laquelle dansèrent les anciens habitants. On pense au décor d’une pièce de théâtre ou d’une fête. L’été dans toute sa gloire.

La Fontaine, les grenouilles et les deux égéries


Légendes sarthoises.

Au bord de la douve, un héron cendré se rejoue La Fontaine en cherchant des grenouilles. Dès la nuit tombée, lapins, renards, blaireaux, chouettes et chevreuils prennent possession des lieux. Nous les suivons, fascinés, de fenêtre en fenêtre, toutes lumières éteintes, écoutant le chant des grillons, la respiration des animaux dans la prairie, en attendant de voir se lever les premières étoiles.

Se souvenir du regard de l’enfant qui voit sa première étoile filante

Les grenouille sisters nous font leur concert pour fêter l’ouverture de l’été. Je danse avec mes deux égéries qui m’entraînent, de la terre aux étoiles and back. Je pense à vous.

(Dimanche 31)